Règle de Trouton

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En chimie physique, et plus particulièrement en thermodynamique, la règle de Trouton, du nom de Frederick Thomas Trouton qui l'énonça en 1884[1], concerne l'enthalpie de vaporisation des corps purs. Elle a été énoncée dès 1876 par Raoul Pictet et porte également le nom de règle de Pictet-Trouton.

Trouton a constaté que l'enthalpie de vaporisation des liquides purs croissait régulièrement en fonction de leur température d'ébullition normale (c'est-à-dire leur température d'ébullition sous la pression atmosphérique normale de Modèle:Unité). L'entropie de vaporisation qui s'en déduit est à peu près constante et comprise entre Modèle:Unité, soit approximativement Modèle:Nombre fois la constante universelle des gaz parfaits R (soit Modèle:Nbr).

Énoncé

Enthalpie et entropie de vaporisation

Modèle:Article détaillé

L'enthalpie de vaporisation d'un liquide à la température T, anciennement appelée chaleur de vaporisation, est notée ΔvapH(T). Comme la vaporisation est un processus réversible à pression constante, d'après le deuxième principe de la thermodynamique l'entropie de vaporisation ΔvapS(T) est égale à :

ΔvapS(T)=ΔvapH(T)T

Trouton a remarqué que cette grandeur est approximativement la même pour des corps chimiquement proches à leur point d'ébullition normal (c'est-à-dire sous la pression atmosphérique normale de Modèle:Unité).

Règle de Trouton

La règle de Trouton donne une estimation assez générale de l'entropie de vaporisation des liquides à la pression atmosphérique normale de Modèle:Unité :

Règle de Trouton : ΔebS=(10,5±0,5)R

On note ΔebS pour la différencier de l'entropie de vaporisation à toute autre température ΔvapS. (Préciser autre pression).

Dans cette formule R est la constante universelle des gaz parfaits et vaut environ Modèle:Unité, d'où :

ΔebS=(87±4)JK1mol1

Les principales exceptions à la règle de Trouton proviennent des liaisons hydrogène (eau, alcools, acides carboxyliques), l'entropie de vaporisation est donnée par[2] :

  • dans l'eau (ΔebS=13,1R) et dans les alcools (éthanol : ΔebS=13,2R) l'entropie de vaporisation est supérieure à 10,5R. Dans ce cas les liaisons hydrogène sont détruites par la vaporisation ce qui demande un supplément d'énergie ;
  • dans les acides carboxyliques (acide acétique : ΔebS=7,5R) cette entropie est inférieure. Ici les molécules forment des dimères cycliques très stables dans le liquide et qui subsistent en grande partie dans la vapeur.

La liste n'est pas limitative mais dans les autres cas les conséquences sur la règle de Trouton sont limitées ; une exception notable est le N-méthylacétamide très fortement associé pour lequel ΔebS=14,7R.

L'enthalpie de vaporisation est ensuite calculée en multipliant l'entropie de vaporisation ci-dessus par la température d'ébullition normale Teb, c'est-à-dire la température à laquelle le liquide bout à la pression atmosphérique normale de Modèle:Unité. On notera cette enthalpie de vaporisation ΔebH, l'enthalpie de vaporisation à toute autre température étant notée ΔvapH.

Enthalpie de vaporisation : ΔebH=ΔebSTeb

La règle de Trouton permet d'estimer l'enthalpie d'ébullition ΔebH à ±5 % environ.

Applications

Calcul d'une pression de vapeur saturante

La pression de vapeur saturante Psat du liquide dépend de sa température T. À pression atmosphérique T=Teb et Psat=Patm = Modèle:Unité = Modèle:Unité. En supposant que ΔebH est indépendante de T et que la vapeur est un gaz parfait, la formule de Clausius-Clapeyron intégrée s'écrit :

ln(PsatPatm)=ΔebHR(1T1Teb)

En remarquant que :

ΔebHRTeb=ΔebSR10,5

et en exprimant Psat en atmosphères (atm) on en déduit :

lnPsat10,5TTebT

Cette formule indique que la pression de vapeur Psat d'un liquide à une température T donnée, par exemple Modèle:Unité, ne dépend que de son point d'ébullition normal Teb. Elle ne donne cependant qu'une estimation de Psat, sauf si T est assez voisine de Teb, essentiellement parce que ΔvapH(T) dépend de T. Pour obtenir des résultats plus précis il faut utiliser l'équation d'Antoine ou la formule de Dupré.

Utilisée en sens inverse, la règle de Trouton permet de calculer avec une précision suffisante la nouvelle température d'ébullition T sous une pression Psat proche de la pression atmosphérique normale. Pour faire le même calcul avec l'eau il suffit dans les formules de remplacer 10,5 par 13,1.

Enfin, l'enthalpie d'ébullition des liquides purs est une donnée indispensable pour construire les diagrammes de distillation des mélanges.

Relation entre l'entropie d'ébullition d'un liquide et celle de compression d'un gaz

Dans un gaz parfait les molécules sont considérées comme étant ponctuelles, et donc n'occupent aucun volume propre. Pour une molécule de gaz parfait, l'ensemble du volume d'une enceinte est accessible. Il n'en va pas de même pour des molécules réelles, qui occupent un volume et excluent autour d'elles, de par les forces de van der Waals, un certain volume que les autres molécules ne peuvent pas pénétrer. Ainsi, pour une molécule réelle, l'ensemble du volume accessible Va n'est pas égal à celui de l'enceinte qui la contient.

Néanmoins, pour un gaz réel aux basses pressions les molécules sont très éloignées les unes des autres, le volume d'exclusion de l'ensemble des molécules est négligeable devant celui de l'enceinte Vg, en conséquence VaVg. Dans les liquides les molécules sont beaucoup plus rapprochées que dans les gaz, le volume accessible est très inférieur au volume Vl de l'enceinte : VaVl.

L'effet des forces de van der Waals ressemble à celui de la compression d'un gaz et il conduit à une forte diminution de volume qui passe de Vg à Va. Inversement, l'ébullition est analogue à la détente d'un gaz qui passe de Va à Vg.

Pour 1 mole de gaz parfait qui passe, à température constante, du volume V1 au volume V2, la variation d'entropie est donnée par :

ΔS=Rln(V2V1)

En remplaçant dans cette formule V1 par Va, V2 par Vg et ΔS par ΔebS et en utilisant la règle de Trouton on en déduit :

ΔebSR=ln(VgVa)=10,5
VaVg=exp(10,5)3×105

Pour un liquide qui bout à Modèle:Unité le volume Vg est voisin de Modèle:Unité = Modèle:Unité/mol d'où l'on déduit un volume accessible Va d'environ Modèle:Unité/mol. Or les liquides qui bouillent à Modèle:Unité ont un volume molaire Vl de l'ordre de Modèle:Unité/mol. Cette théorie indique donc que le volume accessible aux molécules dans un liquide est de l'ordre de 1 % du volume total, ce qui explique qu'un liquide soit peu compressible.

C'est le même ordre de grandeur que l'augmentation de volume VlVs lors de la fusion, processus qui permet aux molécules dans un solide de quitter leur site cristallin et de se déplacer.

Améliorations de la règle de Trouton

Règle de Trouton-Hildebrand-Everett

La règle de Trouton-Hildebrand-Everett (THE) affine la règle de Trouton en introduisant une fonction de la température d'ébullition normale Teb :

Règle de Trouton-Hildebrand-Everett : ΔebHRTeb=ΔebSR=4,0+lnTeb

Le tableau suivant donne les températures d'ébullition Teb et les entropies d'ébullition ΔebS/R de 6 composés : 2 gaz liquéfiés, 3 liquides organiques et 1 métal fondu. Les températures d'ébullition vont de Modèle:Unité à plus de Modèle:Unité. Les valeurs observées de ΔebS/R sortent du domaine annoncé : 10,5 ± 0,5 et ΔebS/R croît régulièrement avec Teb.

Néon Oxygène Disulfure
de carbone
Benzène Eicosane Or
Teb(K) 27,1 90,2 319 353 616 3130
ΔebS/R
expérimental
7,60 9,09 10,08 10,47 11,42 12,45
ΔebS/R
selon THE
7,3 8,5 9,77 9,87 10,42 12,05

D'après la loi des gaz parfaits le volume de vapeur Vg sous Modèle:Unité est proportionnel à Teb. Or, d'après le paragraphe précédent, l'entropie d'ébullition est fonction linéaire de lnVg. Pour corriger l'effet de volume Hildebrand a proposé de ramener[3]Modèle:,[4] l'entropie d'ébullition à un volume de gaz donné, par exemple Modèle:Unité. Ce volume est à peu près celui d'une vapeur saturante à Modèle:Tmp ou Modèle:Unité. Pour faire cette correction il est pratique d'utiliser le rapport des températures d'ébullition (Teb et Modèle:Unité) plutôt que celui des volumes molaires de vapeur puisqu'il y a proportionnalité entre Vg et Teb. La règle de Trouton prend alors la forme suivante, dite règle de Trouton-Hildebrand-Everett[5] :

ΔSebR10,5+lnTeb373

Le tableau précédent montre que la règle de Trouton-Hildebrand-Everett est vérifiée dans tout le domaine des températures d'ébullition contrairement à la simple règle de Trouton.

Règle de Kistiakovski

Cette règle est similaire à celle de Trouton-Hildebrand-Everett :

Règle de Kistiakovski : ΔebHRTeb=ΔebSR=4,40+lnTeb

Références et notes

Notes

Modèle:Références

Bibliographie


Modèle:Portail

  1. F. Trouton, Philosophical Magazine, 1884, 18, p.54.
  2. G.N. Lewis et M. Randall, Thermodynamics, McGraw-Hill, Modèle:2e éd., 1961, Modèle:P..
  3. J. Hildebrand, J. Am. Chem. Soc., 1915, 37, p.970, 1918, 40, p. 45.
  4. J. Hildebrand et R.L. Scott, The Solubility of Nonelectrolytes, Dover publications, Modèle:3e éd., 1964, p. 79.
  5. Modèle:Ouvrage.