Affinité chimique

De testwiki
Aller à la navigation Aller à la recherche

Modèle:Confusion Modèle:Infobox Grandeur physique

L'affinité chimique en thermodynamique est une fonction d'état permettant de prévoir le sens de l'évolution d'une réaction chimique.

Historique

La notion d'affinité chimique, héritée de l'alchimie (elle est mentionnée au Modèle:S- dans les travaux d'Albert le Grand), est longtemps évoquée sans être formellement définie par les savants étudiant les réactions chimiques. En 1718 et 1720, Geoffroy présente à l'Académie des sciences sa table des rapports, listes d'affinités chimiques obtenues par l'observation des réactions des substances les unes avec les autres. En 1733, pour Boerhaave, médecin de Leyde, l'affinité chimique est la force en vertu de laquelle les particules des corps se recherchent, s'unissent et se retiennent[1]Modèle:,[2]. Berthollet, qui le premier évoque en 1803 la notion d'équilibre chimique, utilise la notion d'affinité chimique sans lui donner une définition claire, tout en la rapprochant de la loi universelle de la gravitation[3]Modèle:,[4]. Peu après, à la suite des récentes découvertes dans le domaine de l'électricité, et notamment l'électrolyse de certains sels par Davy, Berzelius exprime la notion d'affinité chimique en termes d'attraction et de répulsion de pôles chargés sur ce que l'on ne nommait pas encore les molécules[5]. En 1879, Berthelot énonce son principe de travail maximum, tentant de relier l'affinité à la chaleur dégagée par la réaction, qui selon lui ne pouvait être que positive[6].

La définition formelle actuelle de l'affinité chimique par de Donder, qui la relie au deuxième principe de la thermodynamique, date de 1922[7]Modèle:,[8].

Définitions

Définition générale

Soit une réaction chimique dont l'équation bilan est écrite selon la convention stœchiométrique[9] :

ν1C1+ν2C2++νNCN=0

en attribuant une valeur négative aux coefficients stœchiométriques des réactifs et positive à ceux des produits :

L'affinité chimique, notée 𝒜 ou A, est formellement définie[10]Modèle:,[11], en introduisant les potentiels chimiques μi des N constituants (réactifs, produits et inertes) du mélange réactionnel, par :

Affinité chimique : 𝒜=i=1Nνiμi

Par exemple, si l'on écrit l'équilibre du dioxyde et du trioxyde de soufre en présence d'oxygène :

2SO2(g)+1O2(g)2SO3(g)

soit, selon la convention stœchiométrique :

2SO2(g)1O2(g)+2SO3(g)=0

on a l'expression de l'affinité chimique :

𝒜=(2μSO21μO2+2μSO3)=2μSO2+1μO22μSO3

L'affinité chimique est homogène avec une énergie rapportée à une quantité de matière, elle s'exprime par exemple en joules par mole, J/mol. L'affinité chimique 𝒜 est la variable intensive conjuguée de la variable extensive avancement de réaction ξ. Autrement dit, le produit 𝒜dξ est homogène avec une énergie.

Relation avec les potentiels thermodynamiques

Les variations dni des quantités (nombres de moles) des espèces chimiques i intervenant dans la réaction chimique sont liées par l'équation bilan de la réaction. En introduisant l'avancement de réaction ξ (lui aussi défini par de Donder) on a les relations :

dξ=dniνi pour tout i[1,,N]

soit dni=νidξ pour tout i[1,,N] (pour un inerte dni=0) ; d'où :

𝒜dξ=(i=1Nμiνi)dξ=i=1Nμi(νidξ)=i=1Nμidni
Affinité chimique : 𝒜dξ=i=1Nμidni

Reprenons l'exemple de l'équilibre du dioxyde et du trioxyde de soufre en présence d'oxygène :

2SO2(g)1O2(g)+2SO3(g)=0

On a la variation de l'avancement de réaction :

dξ=dnSO22=dnO21=dnSO32

d'où :

𝒜dξ=2μSO2dξ1μO2dξ+2μSO3dξ=2μSO2dnSO221μO2dnO21+2μSO3dnSO32

et finalement la relation :

𝒜dξ=μSO2dnSO2+μO2dnO2+μSO3dnSO3

Les différentielles des quatre potentiels thermodynamiques s'écrivent :

dU=PdV+TdS+i=1Nμidni=PdV+TdS𝒜dξ
dF=PdVSdT+i=1Nμidni=PdVSdT𝒜dξ
dH=VdP+TdS+i=1Nμidni=VdP+TdS𝒜dξ
dG=VdPSdT+i=1Nμidni=VdPSdT𝒜dξ

avec :

On a donc également les relations suivantes pouvant définir l'affinité chimique[12] :

Affinité chimique : 𝒜=(Uξ)V,S=(Fξ)V,T=(Hξ)P,S=(Gξ)P,T

Dépendance à l'écriture de la réaction

Puisque les coefficients stœchiométriques entrent dans l'expression de l'affinité chimique, celle-ci dépend de la façon dont la réaction est écrite. Reprenons l'exemple de l'équilibre du dioxyde et du trioxyde de soufre en présence d'oxygène :

2SO2(g)+1O2(g)2SO3(g)
2SO2(g)1O2(g)+2SO3(g)=0

on a une première expression de l'affinité et de l'avancement de réaction :

𝒜1=(2μSO21μO2+2μSO3)=2μSO2+1μO22μSO3
dξ1=dnSO22=dnO21=dnSO32

Si l'on inverse l'écriture de la réaction :

2SO3(g)2SO2(g)+1O2(g)
2SO3(g)+2SO2(g)+1O2(g)=0

on a une deuxième expression de l'affinité et de l'avancement de réaction :

𝒜2=(2μSO3+2μSO2+1μO2)=2μSO32μSO21μO2
dξ2=dnSO22=dnO21=dnSO32

Et si l'on écrit la réaction d'une troisième façon, en divisant par deux les coefficients stœchiométriques de la première écriture :

1SO2(g)+12O2(g)1SO3(g)
1SO2(g)12O2(g)+1SO3(g)=0

on a une troisième expression de l'affinité et de l'avancement de réaction :

𝒜3=(1μSO212μO2+1μSO3)=1μSO2+12μO21μSO3
dξ3=dnSO21=dnO212=dnSO31

On a ainsi, selon la façon d'écrire la réaction :

𝒜1=𝒜2=2𝒜3
dξ1=dξ2=12dξ3

Il est donc nécessaire, pour utiliser l'affinité, de connaitre la façon dont la réaction a été écrite. En particulier, les première et deuxième écritures de la réaction donnent des affinités de signes opposés. Néanmoins, quelle que soit la façon d'écrire la réaction, on a :

𝒜1dξ1=𝒜2dξ2=𝒜3dξ3=μSO2dnSO2+μO2dnO2+μSO3dnSO3

Condition d'évolution spontanée d'un système chimique

Rappels sur l'avancement de réaction

Modèle:Article détaillé

Nous considérons une réaction chimique dont l'équation bilan est écrite selon la convention stœchiométrique :

ν1C1+ν2C2++νNCN=0

en attribuant une valeur négative aux coefficients stœchiométriques des réactifs et positive à ceux des produits :

La réaction progresse en respectant la stœchiométrie de l'équation bilan, aussi si la quantité de l'espèce 1 varie de dn1, la quantité de toute autre espèce i[1,,N] varie de : dni=νiν1dn1, ce qui implique que tous les rapports dniνi sont égaux. On définit ainsi le paramètre ξ appelé avancement de la réaction :

Avancement de la réaction : dξ=dn1ν1==dniνi==dnNνN

L'avancement est donc défini pour toutes les espèces du mélange réactionnel, y compris les inertes pour lesquels νi=0 et dni=0.

Lorsque la quantité d'une espèce augmente, soit dni>0 :

  • s'il s'agit d'un produit, soit νi>0, alors dξ>0 ;
  • s'il s'agit d'un réactif, soit νi<0, alors dξ<0.

Inversement, lorsque la quantité d'une espèce diminue, soit dni<0 :

  • s'il s'agit d'un produit, soit νi>0, alors dξ<0 ;
  • s'il s'agit d'un réactif, soit νi<0, alors dξ>0.

En conséquence :

  • lorsque les réactifs disparaissent et que les produits apparaissent, c'est-à-dire lorsque la réaction progresse : dξ>0 ;
  • lorsque les réactifs apparaissent et que les produits disparaissent, c'est-à-dire lorsque la réaction régresse : dξ<0.

Relation avec l'entropie du système réactionnel

Soit un système fermé dans lequel s'effectue une réaction chimique. L'énergie interne de ce système évolue donc selon :

dUsys=PsysdVsys+TsysdSsys𝒜dξ=δWsys+δQsys

avec :

  • Usys l'énergie interne du système ;
  • Psys la pression du système ;
  • Vsys le volume du système ;
  • Tsys la température du système ;
  • Ssys l'entropie du système ;
  • δWsys=PsysdVsys le travail des forces de pression du système ;
  • δQsys la chaleur échangée par le système avec l'extérieur.

Pour l'extérieur du système, qui n'est pas le siège d'une réaction chimique, l'énergie interne évolue selon :

dUext=PextdVext+TextdSext=δWext+δQext

avec :

  • Uext l'énergie interne de l'extérieur ;
  • Pext la pression de l'extérieur ;
  • Vext le volume de l'extérieur ;
  • Text la température de l'extérieur ;
  • Sext l'entropie de l'extérieur ;
  • δWext=PextdVext le travail des forces de pression de l'extérieur ;
  • δQext=TextdSext la chaleur échangée par l'extérieur avec le système.

Nous supposerons que le système et l'extérieur forment un système isolé lors de la réaction. Le premier principe de la thermodynamique implique la conservation globale de l'énergie du système et de l'extérieur, soit :

dUsys+dUext=0
PsysdVsysPextdVext+TsysdSsys+TextdSext𝒜dξ=δWsys+δWext+δQsys+δQext=0

Le système et l'extérieur :

  • forment un ensemble à volume constant, soit dVsys+dVext=0 à tout instant (Vsys pouvant varier au cours de la réaction) ;
  • sont en équilibre mécanique permanent, soit Psys=Pext=P à tout instant (P pouvant varier au cours de la réaction) ;
  • sont en équilibre thermique permanent, soit Tsys=Text=T à tout instant (T pouvant varier au cours de la réaction).

Nous avons donc pour le travail des forces de pression :

δWsys=PsysdVsys=PdVsys
δWext=PextdVext=PdVsys
PsysdVsysPextdVext=0
δWsys+δWext=0

Par conséquent :

dUsys+dUext=TdSsys+TdSext𝒜dξ=δQsys+δQext=0

et donc pour la chaleur :

δQsys+δQext=0

Il s'ensuit également la relation qui relie affinité chimique et entropie :

Affinité chimique : 𝒜dξT=dSsys+dSext

L'expression 𝒜dξT est donc l'entropie créée par la réaction.

On peut également écrire, puisque :

dSext=δQextT
δQext=δQsys
Affinité chimique : 𝒜dξ=TdSsysδQsys

L'expression 𝒜dξ est donc la chaleur créée par la réaction qui n'est pas échangée avec l'extérieur, c'est-à-dire la « chaleur non compensée » de Clausius.

Formulation générale

Le deuxième principe de la thermodynamique implique que l'entropie globale du système et de l'extérieur ne peut qu'augmenter, d'où :

𝒜dξT=dSsys+dSext0

On en tire la condition d'évolution spontanée de toute réaction chimique (la température absolue T étant toujours positive)[12] :

Condition d'évolution spontanée : 𝒜dξ0

Une réaction ne peut être spontanée que si 𝒜dξ>0 ; dans ce cas la réaction libère une forme d'énergie, elle est dite exergonique. Une réaction dans laquelle 𝒜dξ<0 n'est pas impossible, mais elle doit être provoquée par un apport d'énergie, elle est alors dite endergonique. Une réaction endergonique peut par exemple avoir lieu en présence d'une autre réaction créant suffisamment d'entropie pour que le bilan entropique global des deux réactions soit positif conformément au deuxième principe de la thermodynamique.

Dans une réaction spontanée 𝒜 et dξ ne peuvent donc être que de même signe :

  • une progression est associée à un signe positif : dξ>0 et par conséquent 𝒜>0, la réaction progresse : des réactifs sont consommés, des produits apparaissent ;
  • une régression est associée à un signe négatif : dξ<0 et par conséquent 𝒜<0, la réaction régresse : des produits sont consommés, des réactifs apparaissent.

Cette relation permet de prédire le sens d'évolution spontanée de la réaction à partir du signe de l'affinité chimique. L'affinité chimique étant une fonction d'état, il suffit de la calculer dans les conditions opératoires initiales pour savoir dans quel sens la réaction va s'effectuer spontanément.

Rappelons toutefois que l'expression de l'affinité chimique dépend de la façon dont la réaction est écrite. Cette écriture conditionne par conséquent le signe de l'affinité. Reprenons l'exemple de l'équilibre du trioxyde et du dioxyde de soufre en présence d'oxygène, nous avons notamment une première écriture :

2SO2(g)+1O2(g)2SO3(g)
𝒜1=2μSO2+1μO22μSO3
dξ1=dnSO22=dnO21=dnSO32

et une deuxième écriture avec l'écriture inverse :

2SO3(g)2SO2(g)+1O2(g)
𝒜2=2μSO32μSO21μO2
dξ2=dnSO22=dnO21=dnSO32

Quelle que soit l'écriture, une affinité positive signifie que la réaction progresse, qu'elle se déplace de la gauche vers la droite (sens direct ) ; cependant :

  • selon la première écriture : 𝒜1>0 et dξ1>0, donc dnSO3>0 et dnSO2<0, c'est la formation du trioxyde de soufre SO3 qui est favorisée ;
  • selon la deuxième écriture : 𝒜2>0 et dξ2>0, donc dnSO2>0 et dnSO3<0, c'est la formation du dioxyde de soufre SO2 qui est favorisée.

Inversement, une affinité négative signifie que la réaction régresse, qu'elle se déplace de la droite vers la gauche (sens inverse ) ; cependant :

  • selon la première écriture : 𝒜1<0 et dξ1<0, donc dnSO2>0 et dnSO3<0, c'est la formation du dioxyde de soufre SO2 qui est favorisée ;
  • selon la deuxième écriture : 𝒜2<0 et dξ2<0, donc dnSO3>0 et dnSO2<0, c'est la formation du trioxyde de soufre SO3 qui est favorisée.

On a donc deux cas selon le produit recherché :

  • la production de SO3 est favorisée si 𝒜1>0 ou 𝒜2<0 ;
  • la production de SO2 est favorisée si 𝒜1<0 ou 𝒜2>0.

Cet exemple illustre la nécessité de connaitre la façon dont la réaction est écrite dans l'utilisation de l'affinité chimique. Néanmoins, quelle que soit l'écriture et quel que soit le sens de déplacement de la réaction, on a 𝒜1dξ1=𝒜2dξ20.

À l'équilibre l'entropie atteint un maximum et ne varie plus, alors 𝒜dξ=0. Deux cas sont possibles :

  • 𝒜0 et dξ=0, la réaction pourrait avoir lieu car le potentiel de réaction est non nul, mais l'avancement de réaction ne varie pas ; les causes de ce défaut de réaction peuvent être une cinétique extrêmement lente (l'équilibre est dit instable) ou l'absence d'un facteur déclenchant (l'équilibre est dit métastable)[13] ;
  • 𝒜=0 et dξ0, la réaction a eu lieu, le potentiel de réaction est désormais nul ; l'équilibre est dit stable.

Lorsqu'une réaction est équilibrée, cela ne signifie pas qu'il n'y a plus de transformation chimique dans le milieu : des réactifs continuent à se transformer en produits (réaction directe), et des produits à se transformer en réactifs (réaction inverse), cependant les deux réactions ont lieu à la même vitesse. L'état d'équilibre obtenu dans ce cas peut être qualifié de dynamique ou stationnaire : globalement les effets des deux réactions s'annulent ; par exemple l'une consomme les réactifs aussi vite que l'autre les recrée, d'où une composition stable dans le temps ; ou encore l'une absorbe totalement la chaleur dégagée par l'autre, d'où un bilan énergétique globalement nul. En conséquence, à l'équilibre dξ0, d'où :

À l'équilibre : 𝒜=0

Ceci est vrai quelle que soit la façon dont la réaction chimique est écrite. Pour reprendre l'exemple précédent, à l'équilibre 𝒜1=𝒜2=0.

Formulations avec les potentiels thermodynamiques

Cas général

Comme vu précédemment, l'affinité chimique peut être définie par la dérivée partielle d'un potentiel thermodynamique par rapport à l'avancement de la réaction ξ :

𝒜=(Uξ)V,S=(Fξ)V,T=(Hξ)P,S=(Gξ)P,T

Notons de façon générique Φ un potentiel thermodynamique, X et Y les deux variables gardées constantes dans la dérivation :

𝒜=(Φξ)X,Y

Nous avons la différentielle du potentiel thermodynamique :

dΦ=(ΦX)Y,ξdX+(ΦY)X,ξdY+(Φξ)X,Ydξ

et par conséquent pour toute réaction effectuée à X et Y constantes on a, selon la condition d'évolution spontanée d'une réaction chimique :

dΦ=(Φξ)X,Ydξ=𝒜dξ0

Autrement dit, au cours de la réaction l'entropie globale Ssys+Sext augmente selon le deuxième principe de la thermodynamique, ce qui implique une diminution du potentiel thermodynamique Φ, d'où une autre formulation de la condition d'évolution spontanée d'une réaction chimique effectuée à X et Y constantes :

Condition d'évolution spontanée à X et Y constantes : dΦ=(Φξ)X,Ydξ0

Ceci implique que (Φξ)X,Y et dξ ne peuvent être que de signes contraires :

  • (Φξ)X,Y<0 et dξ>0, la réaction progresse : l'équilibre se déplace de la gauche vers la droite, des réactifs sont consommés et des produits apparaissent ;
  • (Φξ)X,Y>0 et dξ<0, la réaction régresse : l'équilibre se déplace de la droite vers la gauche, des produits sont consommés et des réactifs apparaissent.

À l'équilibre l'entropie ne varie plus, soit :

dSsys+dSext=0
dΦ=(Φξ)X,Ydξ=𝒜dξ=0

d'où à l'équilibre :

À l'équilibre : (Φξ)X,Y=0

Cas d'une réaction à volume et température constants

Dans le cas d'une réaction à volume constant, δQsys=dUsys. Si la réaction se fait également à température constante, on a :

𝒜dξ=TdSsysdUsys=d(UsysTSsys)=dFsys

avec :

D'où, puisque 𝒜dξ0 :

Condition d'évolution spontanée à volume et température constants : dFsys0

Cas d'une réaction à pression et température constantes

Modèle:Article détaillé

Évolution d'un équilibre chimique à pression et température constantes selon le signe de l'enthalpie libre de réaction ΔrG
La réaction progresse lorsque ΔrG<0. La réaction régresse lorsque ΔrG>0. L'équilibre est atteint lorsque ΔrG=0.

Dans le cas d'une réaction à pression constante, δQsys=dHsys. Si la réaction se fait également à température constante, on a :

𝒜dξ=TdSsysdHsys=d(HsysTSsys)=dGsys

avec :

D'où, puisque 𝒜dξ0 :

Condition d'évolution spontanée à pression et température constantes : dGsys0

Nous avons vu dans les relations définissant l'affinité chimique que 𝒜=(Gξ)P,T=ΔrG. Cette dernière expression est l'enthalpie libre de réaction ; ainsi, à pression et température constantes : dGsys=ΔrGdξ0. Cette relation est centrale dans l'étude des équilibres chimiques à pression et température constantes :

  • ΔrG<0 et dξ>0, la réaction progresse : des réactifs sont consommés et des produits apparaissent ;
  • ΔrG>0 et dξ<0, la réaction régresse : des produits sont consommés et des réactifs apparaissent ;
  • ΔrG=0 à l'équilibre.

Condition de stabilité de l'équilibre

Condition de stabilité d'un équilibre chimique en fonction du signe de (2Gξ2)P,T
L'équilibre n'est stable que lorsque (2Gξ2)P,T>0. De plus l'équilibre réel est celui pour lequel l'enthalpie libre G a atteint le minimum global sur l'ensemble des valeurs possibles de l'avancement de réaction ξ.

L'entropie croît pendant la réaction ; lorsque l'équilibre est atteint l'entropie a atteint un maximum. Par conséquent, le potentiel Φ qui décroît pendant la réaction atteint un minimum à l'équilibre. D'un point de vue mathématique, un minimum de Φ est atteint si, en plus de l'annulation de sa dérivée première, sa dérivée seconde est positive strictement, soit, à l'équilibre :

(Φξ)X,Y=𝒜=0, condition d'équilibre
(2Φξ2)X,Y=(𝒜ξ)X,Y>0, condition de stabilité

C'est à cette seconde condition seulement que l'équilibre pourra être qualifié de stable.

Il est impossible que (2Φξ2)X,Y<0 à l'équilibre, ce qui supposerait un maximum de la fonction Φ, et donc que Φ a crû. Si cette solution est mathématiquement possible, elle est irréaliste du point de vue de la thermodynamique et doit donc être écartée, cet équilibre est un équilibre instable.

Il est possible en revanche qu'à l'équilibre (2Φξ2)X,Y=0, c'est-à-dire que l'équilibre ait atteint un point d'inflexion : dans ce cas l'équilibre atteint est un équilibre métastable, et la moindre perturbation relancera la réaction jusqu'à ce qu'elle atteigne un équilibre stable. La situation est possible du point de vue de la thermodynamique.

L'équilibre peut également atteindre un minimum local de Φ, c'est-à-dire un minimum auquel la réaction revient si elle subit de petites perturbations, mais dont la réaction s'éloigne définitivement sous des perturbations plus importantes, conduisant à un autre minimum de Φ, plus bas. L'équilibre est atteint lorsque la réaction atteint le minimum global, c'est-à-dire parmi tous les minimums locaux possibles celui auquel le potentiel thermodynamique a sa valeur la plus basse.

Les situations d'équilibre métastable ou de minimum local ne sont que rarement observées expérimentalement, mais elles peuvent être obtenues lors de simulations numériques d'équilibres : les dérivées première et seconde de Φ ainsi que la possibilité d'un minimum local doivent être impérativement vérifiées pour en garantir le résultat.

Récapitulatif

Le tableau suivant récapitule les conditions d'évolution d'une réaction chimique, les conditions d'équilibre et de stabilité selon les paramètres fixés pour effectuer l'étude de la réaction. L'ensemble des grandeurs de ce tableau sont les grandeurs du système réactionnel seul, y compris l'entropie.

On entend par progression de la réaction le déplacement de la réaction dans le sens de la consommation des réactifs et de l'apparition des produits (sens direct, soit réactifsproduits). Au contraire, on entend par régression de la réaction le déplacement de la réaction dans le sens de la consommation des produits et de l'apparition des réactifs (sens inverse, soit produitsréactifs). Un équilibre chimique se caractérise par la présence simultanée d'une réaction en sens direct et d'une réaction en sens inverse qui se compensent, d'où un état stationnaire réactifs produits.

Évolution des réactions chimiques
Paramètres constants
X et Y
Potentiel thermodynamique
Φ
Condition d'évolution spontanée
𝒜dξ0
Progression de la réaction
𝒜>0
Régression de la réaction
𝒜<0
Condition d'équilibre
𝒜=0
Condition de stabilité
(2Φξ2)X,Y>0
V volume
S entropie
U
Énergie interne
dU0 (Uξ)V,S<0 (Uξ)V,S>0 (Uξ)V,S=0 (2Uξ2)V,S>0
P pression
S entropie
H
Enthalpie
dH0 (Hξ)P,S<0 (Hξ)P,S>0 (Hξ)P,S=0 (2Hξ2)P,S>0
V volume
T température
F
Énergie libre
dF0 (Fξ)V,T<0 (Fξ)V,T>0 (Fξ)V,T=0 (2Fξ2)V,T>0
P pression
T température
G
Enthalpie libre
dG0 (Gξ)P,T<0 (Gξ)P,T>0 (Gξ)P,T=0 (2Gξ2)P,T>0
Notes
  • À X et Y constants, on a pour condition d'évolution spontanée la variation du potentiel chimique correspondant : dΦ=𝒜dξ0.
  • L'enthalpie libre de réaction : ΔrG=(Gξ)P,T=(Uξ)V,S=(Hξ)P,S=(Fξ)V,T=iνiμi=𝒜, l'affinité chimique[10].
  • Tout équilibre chimique doit vérifier la condition de stabilité qui est une inégalité stricte, sans quoi l'équilibre est instable ou métastable et la réaction repart à la moindre perturbation. Vérifier aussi que l'équilibre atteint correspond au minimum global du potentiel thermodynamique (dans le cas où existent plusieurs minimum locaux, rechercher celui où le potentiel Φ a sa valeur la plus basse).

Notes et références

Notes

Modèle:Références

Bibliographie

Articles connexes

Modèle:Palette Modèle:Portail

  1. Charles Brunold, Le problème de l'affinité chimique et de l'atomistique - Étude du rapprochement actuel de la physique et de la chimie, Modèle:Éd. Masson & Cie (1930).
  2. La notion chimique d'affinité élective, selon la dénomination de l'époque, inspira à Goethe son roman paru en 1809, Les affinités électives, dans lequel les rapports humains sont assimilés à des attractions et répulsions comme dans des réactions chimiques. Bernard Joly, Revue Méthodos, savoirs et textes, numéro 6, 2006, Les Affinités électives de Goethe : entre science et littérature.
  3. SABIX - Société des amis de la bibliothèque et de l'histoire de l'École polytechnique - Bulletin Modèle:N° (avril 2000) - Biographie de Berthollet.
  4. SABIX - Société des amis de la bibliothèque et de l'histoire de l'École polytechnique - Bulletin Modèle:N° (août 2000) - Berthollet et la théorie des affinités.
  5. J. J. Berzelius, « Traité de chimie », minérale, végétale et animale, traduit par A. J. L. Jourdan, Modèle:Éd. Firmin Didot frères, libraires, Paris, 1829.
  6. Prévoir les réactions chimiques : un problème controversé au Modèle:S- par Vangelis Antzoulatos, Laboratoire SCité, Université Lille 1.
  7. Encyclopædia universalis - affinité chimique.
  8. Modèle:Article.
  9. Modèle:Ouvrage.
  10. 10,0 et 10,1 Green Book (IUPAC), Quantities, Units and Symbols in Physical Chemistry, page 58, édition 2007.
  11. Modèle:Lien web.
  12. 12,0 et 12,1 Modèle:Harvsp.
  13. Un équilibre instable est défini par des vitesses de réaction extrêmement faibles, conduisant à une variation de l'avancement de réaction quasi nulle, non mesurable, comme pour la transformation du diamant en graphite. Un équilibre métastable est un équilibre dans lequel les réactions n'ont pas lieu faute d'un facteur déclenchant ; par exemple un mélange d'hydrogène et d'oxygène est métastable, il peut être conservé dans le temps sans variation de composition, mais une simple étincelle déclenche une réaction violente produisant de l'eau. Ce terme s'emploie également dans l'état de surfusion de l'eau.