Fonction de Thomae

La fonction de Thomae (parfois appelée fonction pop-corn) constitue un exemple de fonction réelle à la fois continue en tout point d'une partie dense (l'ensemble des irrationnels) et discontinue sur une autre partie dense (l'ensemble des rationnels). La fonction de Thomae est définie par
(une fraction irréductible est un quotient p/q de deux entiers premiers entre eux, avec q > 0).
La fonction de Thomae est une variante de la fonction de Dirichlet. Elle est nommée en l'honneur du mathématicien Carl Johannes Thomae qui l'a définie pour la première fois en 1875.
Propriétés
La fonction T de Thomae est limite uniforme d'une suite de fonctions TModèle:Ind dont chacune, sur tout segment [a, b], est nulle sauf en un nombre fini de points. Par conséquent :
- T a une limite (limite « épointée ») nulle en tout point, donc elle est semi-continue supérieurement (donc de classe de Baire 1), continue en tout point irrationnel, et sa restriction aux rationnels est discontinue partout ;
- d'après le critère de Lebesgue, T est donc Riemann-intégrable sur tout segment [a, b] (car continue presque partout) ;
- elle est même réglée (puisque les TModèle:Ind sont des fonctions étagées) et son intégrale de Riemann sur [a, b] est nulle (comme celle des TModèle:Ind).
- T n'est différentiable en aucun point[1].
- Approximation par les TModèle:Ind :
Dans tout intervalle borné il n'y a, pour tout entier n > 0, qu'un nombre fini de rationnels dont l'image par T est supérieure à 1/n : ce sont les p/q tels que q < n . (On le voit d'ailleurs sur le graphe de T tel celui montré à la figure du haut de cet article ; et dans le verger d'Euclide, il n'y a qu'un nombre fini d'arbres dont la hauteur apparente est supérieure à une hauteur donnée.) - Non-différentiabilité[1] :
La question de la différentiabilité ne se pose qu'en les points où T est continue, c'est-à-dire les irrationnels. Or si x est irrationnel, en considérant les accroissements pour des suites de nombres irrationnels on voit facilement que, si T est supposée différentiable en x alors nécessairement T'(x) = 0. Mais, pour tout entier n > 0, en notant jModèle:Ind un entier tel que Modèle:Nobr on a |jModèle:Ind/n – x| < 1/n ; alors, en considérant la suite des accroissements on aboutit à une contradiction car ces accroissements sont en valeur absolue toujours plus grands que 1, et ils ne peuvent donc tendre vers 0.
- T est un exemple de fonction continue sur et discontinue sur . À l'inverse, il n'existe aucune fonction discontinue sur et continue sur . En effet, n'est pas un Gδ, alors que l'ensemble des points de continuité d'une fonction réelle en est un.
Fonction de Thomae et verger d'Euclide


Cette fonction est utilisée pour mettre en évidence certains comportements curieux liés à la définition des notions de limite et de continuité en mathématiques. Bien que d'apparence étrange, elle peut s'introduire très naturellement, par l'exemple du « verger d'Euclide »[2].
Considérons le réseau formé par les segments de droites verticaux joignant (i, j, 0) à (i, j, 1) , où i et j décrivent l'ensemble des entiers strictement positifs. Ces segments, qui représentent des arbres plantés de façon régulière forment le « verger d'Euclide ».
Les arbres visibles depuis l'origine correspondent aux points du réseau (i, j, 0) où i et j sont premiers entre eux. Si le verger est projeté selon une perspective linéaire relativement à l'origine sur le plan x + y = 1 (c'est-à-dire s'il est vu en perspective depuis l'origine en regardant l'image formée sur un plan perpendiculaire à la première bissectrice), les sommets des arbres projetés forment le graphe de la fonction de Thomae. Modèle:Clr
Généralisations
Différentiabilité
La « fonction de Thomae modifiée » suivante[1] est associée à n'importe quelle suite réelle décroissante Modèle:Math convergeant vers 0 :
Elle a le même comportement que Modèle:Math du point de vue de la continuité et est encore non dérivable sur un ensemble non dénombrable dense d'irrationnels. Cependant, pour tout ensemble dénombrable E d'irrationnels, il existe une suite Modèle:Math telle qu'en tout point de E, Modèle:Math soit dérivable (donc de dérivée nulle). De plus, le domaine de dérivabilité de Modèle:Math, déterminé par la rapidité de la décroissance de la suite Modèle:Math, est souvent beaucoup plus gros. Par exemple[1]Modèle:,[3] :
- pour Modèle:Math, Modèle:Math n'est dérivable nulle part si k ≤ 2 mais si k > 2, elle est dérivable en tout irrationnel de mesure d'irrationalité strictement inférieure à k, donc presque partout (et sur une partie dense) ;
- pour Modèle:Math, Modèle:Math est même dérivable en tout irrationnel qui n'est pas de Liouville.
Bijectivité
Posons , et pour q entier supérieur ou égal à 2, posons l'ensemble des fractions où p décrit l'ensemble des entiers relatifs non nuls tels que p soit premier avec q. La famille des forme une partition de . Pour chaque q, est un ensemble discret pour lequel on peut dénombrer les éléments par ordre strictement croissant , étant le plus petit élément positif ou nul de . Posons alors :
On peut alors montrer[4] que f est une fonction bijective de dans , continue en tout point irrationnel, discontinue en tout point rationnel.