Groupe parfait
En théorie des groupes (mathématiques), un groupe est dit parfait s'il est égal à son dérivé.
Exemples et contre-exemples
Dans ce qui suit, le dérivé d'un groupe G sera noté D(G).
- Si un groupe G est parfait, l'image de G par un homomorphisme est un groupe parfait. En particulier, tout groupe quotient d'un groupe parfait est parfait.
En effet, si f est un homomorphisme d'un groupe G (quelconque) dans un autre groupe, on a toujours D(f(G)) = f(D(G)). - Si un groupe parfait G est sous-groupe d'un groupe H, il est contenu dans le dérivé de H.
En effet, si un groupe G (quelconque) est sous-groupe de H, D(G) est contenu dans D(H). Si, de plus, G est parfait, ceci revient à dire que G est contenu dans D(H). - Tout groupe simple non commutatif est parfait.
En effet, le groupe dérivé d'un groupe G est un sous-groupe normal de G, donc si G est simple, son dérivé D(G) doit être réduit à 1 ou égal à G. Puisque G est supposé non commutatif, D(G) n'est pas réduit à 1, donc D(G) = G. - De plus, dans un groupe fini simple non commutatif, tout élément est un commutateur. La démonstration de ce théorème, conjecturé par Øystein Ore en 1951, a été achevée en 2010[1].
- L'essentiel de cet article de 1951 d'Øystein Ore était consacré à démontrer que dans le groupe symétrique infini SModèle:Ind aussi, tout élément est un commutateur[2].
- Un groupe résoluble non réduit à l'élément neutre n'est pas parfait.
En effet, si G est un groupe parfait, la suite dérivée de G, c'est-à-dire la suite G, D(G), D(D(G)), ... plafonne à G, donc si, de plus, G n'est pas réduit à l'élément neutre, cette suite ne prend pas la valeur 1, donc G n'est pas résoluble. - Aucun groupe G tel que 1 < |G| < 60 n'est parfait.
En effet, un tel groupe est résoluble[3], d'où la conclusion par le point précédent. - Soient K un corps commutatif et n un nombre naturel. Sauf dans le cas où n est égal à 2 et |K| à 2 ou à 3, le groupe spécial linéaire SL(n, K) est parfait[4].
- Un groupe parfait non réduit à l'élément neutre n'est pas forcément simple.
En effet, on sait[5] que si K est un corps commutatif et n un nombre naturel, le centre SZ(n, K) de SL(n, K) est formé par les matrices scalaires de déterminant 1. Si n > 1, ce centre n'est pas SL(n, K) tout entier : considérer par exemple une matrice triangulaire distincte de la matrice identité mais dont tous les coefficients diagonaux sont égaux à 1 ; une telle matrice appartient à SL(n, K) mais non à SZ(n, K). Si, de plus, il existe un élément a de K distinct de 1 tel que aModèle:Exp = 1 (ce qui est le cas si n divise |K| – 1), alors la matrice scalaire de coefficients diagonaux égaux à a appartient au centre SZ(n, K) et est distincte de la matrice identité, donc le centre SZ(n, K) de SL(n, K) n'est pas réduit à l'élément neutre. Ainsi, dans le cas considéré, SZ(n, K) est un sous-groupe normal de SL(n, K) qui n'est ni réduit à l'élément neutre ni égal à SL(n, K) tout entier, donc SL(n, K) n'est pas simple. Pourtant, d'après le point précédent, SL(n, K) peut être parfait dans le cas considéré. Par exemple, SL(2, 5) = SL(2, FModèle:Ind) (où FModèle:Ind désigne « le » corps à 5 éléments) est parfait et non simple. - Soient K un corps commutatif et n un nombre naturel non nul. Le groupe linéaire GL(n, K) n'est parfait que dans le cas où |K| = 2 et n ≠ 2.
En effet, D(GL(n, K)) ⊂ SL(n, K) (par exemple parce que l'application M ↦ det(M) de G dans le groupe multiplicatif de K qui applique M sur son déterminant est un homomorphisme arrivant dans un groupe commutatif, de sorte que son noyau contient D(GL(n, K)). (On a vu, d'ailleurs, que, dans la plupart des cas, SL(n, K) est parfait, ce qui entraîne SL(n, K) ⊂ D(GL(n, K)), d'où, dans la plupart des cas, D(GL(n, K)) = SL(n, K).) Si |K| > 2, alors SL(n, K) ⊊ GL(n, K), donc GL(n, K) n'est pas parfait. Si maintenant K est « le » corps à 2 éléments FModèle:Ind, alors GL(n, K) = SL(n, K) donc, d'après le point précédent, GL(n, FModèle:Ind) est parfait si et seulement si n est distinct de 2. - Il existe des groupes parfaits finis dont la « largeur de commutateurs » (le plus petit n tel que tout élément du groupe soit produit de n commutateurs) est arbitrairement grande[6], et des groupes parfaits de type fini de « largeur » infinie[7].
- Toute somme directe de groupes parfaits est un groupe parfait mais on construit facilement, grâce au point précédent, un produit dénombrable non parfait de groupes parfaits.
- Pour un groupe G vérifiant les deux conditions de chaîne (croissante et décroissante) sur les sous-groupes normaux — en particulier pour un groupe fini[8] — la décomposition de Modèle:Lien de G (décomposition, unique seulement à automorphisme près, en produit fini de sous-groupes indécomposables) est unique dès que G est parfait[9]Modèle:,[10].
Lemme de Grün
Otto Grün a énoncé et démontré[11] que si G est un groupe parfait, si Z(G) désigne le centre de G, alors le centre du groupe G/Z(G) est réduit à l'élément neutre.
- Première démonstration[12]
Soit G un groupe (que nous ne supposons pas encore parfait).
Pour tous éléments x, y de G, définissons le commutateur [x, y] de x et y comme étant l'élément xModèle:-1yModèle:-1xy de G.
D'après le théorème de correspondance, il existe un et un seul sous-groupe ZModèle:Ind(G) de G contenant Z(G) tel que le centre de G/Z(G) soit égal à ZModèle:Ind(G)/Z(G). (Le sous-groupe ZModèle:Ind(G) est celui qui vient après Z(G) dans la Modèle:Lien ascendante de G.) On vérifie facilement qu'un élément c de G appartient à ZModèle:Ind(G) si et seulement si, pour tout élément g de G, [g, c] appartient à Z(G).
Étant donné un élément c de ZModèle:Ind(G), nous pouvons donc considérer l'application de G dans Z(G).
D'autre part, d'après une relation classique entre commutateurs, on a, pour tous éléments x, y, z de G,
(où tModèle:Exp désigne le conjugué yModèle:-1ty de t).
Faisons D'après ce qui a été noté plus haut, [x, c] appartient à Z(G), donc , d'où
Ceci montre que l'application de G dans Z(G) est un homomorphisme de G dans Z(G). Comme le groupe d'arrivée est commutatif, D(G) est contenu dans le noyau de , autrement dit, tout élément de D(G) commute avec c.
Nous avons donc prouvé que, pour tout groupe G, tout élément de ZModèle:Ind(G) commute avec tout élément de D(G). Si maintenant G est parfait, notre résultat revient à dire que tout élément de ZModèle:Ind(G) commute avec tout élément de G, c'est-à-dire que ZModèle:Ind(G) est réduit au centre de G. D'après notre définition de ZModèle:Ind(G), ceci signifie que le centre de G/Z(G) est réduit à l'élément neutre.
- Seconde démonstration[13]
Soit G un groupe quelconque.
Nous avons vu que si c est un élément de ZModèle:Ind(G), alors, pour tout élément g de G, [g, c] appartient à Z(G). Il en résulte que [G, ZModèle:Ind(G)] est contenu dans le centre de G, d'où
et
D'après le lemme des trois sous-groupes, ceci entraîne
c'est-à-dire que tout élément de ZModèle:Ind(G) commute avec tout élément de D(G). On conclut comme dans la première démonstration.
Remarque. Le fait que tout élément de ZModèle:Ind(G) commute avec tout élément de D(G) est un cas particulier de la relation suivante[14] entre la suite centrale descendante de G et sa suite centrale ascendante (voir l'article Groupe nilpotent) :
si G est un groupe et i, j des entiers naturels non nuls tels que j ≥ i, alors
(Faire i = j = 2 et noter que C2(G) = D(G).)
Notes et références
Modèle:Traduction/Référence Modèle:Reflist
Article connexe
- ↑ Modèle:Article.
- ↑ Modèle:Article.
- ↑ Modèle:Rotman1, Modèle:4e éd., exerc. 5.21, p. 107.
- ↑ Voir par exemple Modèle:Harvsp, démonstration du théorème 9.46, p. 280, ou encore Marc Hindry, Université Paris 7, Cours d’algèbre au magistère de Cachan, en ligne, p. 65-66.
- ↑ Modèle:Harvsp, théorème 8.9, p. 222.
- ↑ Modèle:Article.
- ↑ Modèle:Article.
- ↑ Modèle:Ouvrage.
- ↑ Modèle:Ouvrage.
- ↑ Modèle:Ouvrage.
- ↑ Modèle:Article, théorème 4, p. 3
- ↑ On trouve cette démonstration dans Modèle:Ouvrage et dans J. Delcourt, Théorie des groupes, Paris, Dunod, 2001, Modèle:P. et Modèle:P..
- ↑ On trouve cette démonstration dans Modèle:Harvsp, exerc. 5.49, p. 118.
- ↑ Voir Modèle:Harvsp, énoncé 5.1.11, (iii), où il faut emplacer j – 1 par j – i. L'énoncé est donné sous sa forme correcte dans Modèle:Ouvrage, énoncé 1.2.4 (iii), p. 6.