Propriété colligative

De testwiki
Aller à la navigation Aller à la recherche
Diagramme de phases d'un solvant pur (courbes pleines) et du même solvant en présence d'un soluté (pointillés). Les propriétés colligatives se traduisent par un déplacement des courbes d'équilibre solide-liquide et gaz-liquide.

En chimie physique, une propriété colligative d'une solution chimique correspond à la différence entre une propriété donnée d'un solvant pur liquide à l'équilibre avec une autre phase et la même propriété de ce solvant en présence d'un soluté. Le mot colligatif vient du mot latin colligatus qui signifie lié ensemble, une propriété colligative étant la conséquence de la dilution du solvant par le soluté.

Les propriétés colligatives sont étudiées sur les solutions liquides dans lesquelles le soluté est très fortement dilué et qui peuvent en conséquence être considérées comme des solutions idéales : elle ne dépendent alors que de la quantité (nombre de moles) du soluté et non de sa nature chimique. La condition de solution idéale permet en effet de négliger les interactions particulières existant entre solvant et soluté et qui diffèrent selon les espèces chimiques présentes. Sous la condition de la solution idéale, les propriétés colligatives fournissent des moyens expérimentaux de détermination de la masse molaire du soluté en ne connaissant que les propriétés du solvant pur. Elles permettent également d'étudier le comportement du soluté en solution, celui-ci pouvant en effet se dissocier (par exemple en formant des ions) ou s'associer (par exemple en formant des dimères). Les propriétés colligatives comprennent :

Les trois premières lois ont été énoncées par François-Marie Raoult à partir de 1878, elles sont appelées collectivement lois de Raoult. La quatrième loi a été énoncée par Jacobus Henricus van 't Hoff en 1886, ce qui le valut le premier prix Nobel de chimie en 1901.

Principe général

Diminution du potentiel chimique du solvant

Lorsqu'un solvant pur liquide est en équilibre avec une autre phase φ (solvant pur gazeux ou solide) sous la pression P et à la température T, les potentiels chimiques de ce corps dans les deux phases sont égaux :

Équilibre de phases du solvant pur
μφ,*(P,T)=μl,*(P,T)

avec :

  • μφ,* le potentiel chimique du solvant pur en phase φ ;
  • μl,* le potentiel chimique du solvant pur en phase liquide.

Lorsque l'on introduit une quantité très petite de soluté dans le solvant liquide, la solution obtenue peut être considérée comme idéale. Le potentiel chimique du solvant en phase liquide est alors modifié selon :

μl(P,T,x)=μl,*(P,T)+RTlnxs

avec :

Puisque R et T sont positives et que 0<xs<1, alors :

μl(P,T,x)<μl,*(P,T)

À pression et température constantes la présence du soluté diminue le potentiel chimique du solvant en phase liquide. En conséquence, lors de la formation d'une solution les molécules du solvant ont moins tendance à se déplacer vers une autre phase, les solutions liquides deviennent ainsi stables :

Rétablissement d'un équilibre de phases

Évolution du potentiel chimique du solvant en fonction de la température. La présence du soluté diminue le potentiel chimique du solvant liquide, ce qui augmente sa température d'ébullition et diminue sa température de fusion (congélation).

On considère que le soluté est absent de la phase φ (le soluté n'est pas volatil dans le cas d'une phase gazeuse, ou ne se solidifie pas dans le cas d'une phase solide). La phase φ est donc exclusivement constituée du solvant pur (à l'état gazeux, liquide ou solide).

L'équilibre de phases du solvant en présence du soluté ne peut pas s'établir à P et T, puisque μφ,*(P,T)μl(P,T,x). Les propriétés colligatives correspondent aux modifications de pression ou de température nécessaires pour retrouver un équilibre de phases avec, toujours dans l'hypothèse d'une solution liquide suffisamment diluée pour être idéale :

Équilibre de phases du solvant en solution
μφ,*(P,T)=μl,*(P,T)+RTlnxs
Modification de la pression
Si l'on travaille à température T constante, on ne peut retrouver un équilibre de phases du solvant qu'en modifiant la pression afin d'obtenir :
μφ,*(P,T)=μl,*(P,T)+RTlnxs
Si la phase φ est une phase gazeuse, alors P<P : la pression de vapeur saturante du solvant est abaissée.
Cas de l'osmose
Dans le cas particulier de l'osmose, la phase φ est le solvant pur à l'état liquide. Une membrane semi-perméable sépare le solvant liquide pur de la solution. Cette membrane permet d'établir un équilibre mécanique dans lequel les deux phases liquides sont sous des pressions différentes à la même température. On peut ainsi conserver la pression P dans le solvant pur et modifier la pression uniquement dans la solution :
μl,*(P,T)=μl,*(P,T)+RTlnxs
avec P>P : la présence du soluté augmente la pression d'équilibre de la solution, il s'agit de la pression osmotique.
Modification de la température
Si l'on travaille à pression P constante, on ne peut retrouver un équilibre de phases du solvant qu'en modifiant la température afin d'obtenir :
μφ,*(P,T)=μl,*(P,T)+RTlnxs
Si la phase φ est une phase gazeuse, alors T>T : la température d'ébullition du solvant est élevée.
Si la phase φ est une phase solide, alors T<T : la température de fusion du solvant est abaissée.

Énoncé des lois

Les écarts colligatifs ΔX sont tous positifs. La propriété X de la solution est calculée pour un abaissement par soustraction de l'écart colligatif à la propriété X* du solvant pur : X=X*ΔX ; pour une élévation l'écart colligatif est ajouté à la propriété du solvant pur : X=X*+ΔX.

Abaissement de la pression de vapeur saturante

Modèle:Article détaillé

Lorsque l'on considère un solvant s contenant un soluté σ, la pression de vapeur saturante du solvant avec le soluté est plus basse que la pression de vapeur saturante du solvant seul à la même température. La loi de la tonométrie s'énonce ainsi :

Modèle:Début citationDans une solution binaire, l'abaissement relatif de la pression de vapeur saturante du solvant est égal à la fraction molaire du soluté.Modèle:Fin citation

Soit :

Loi de la tonométrie : ΔPsatPsat=xσ

avec :

Le terme ΔPsatPsat est l'abaissement relatif de la pression de vapeur saturante du solvant.

Autrement dit, à température constante, la pression de vapeur saturante Psat du solvant pur passe à P=PsatΔPsat en présence d'un soluté. La fraction molaire du soluté étant une grandeur positive, l'abaissement de pression est positif. Ainsi l'ajout d'un soluté fait-il diminuer la pression de vapeur saturante du solvant à température constante (ΔPsat>0, soit P<Psat).

La loi de la tonométrie peut également s'exprimer en fonction de la molalité bσ=nσ/ms du soluté (en mol/kg) selon :

Loi de la tonométrie : ΔPsat=MsPsat1000bσ

avec :

Élévation de la température d'ébullition

Modèle:Article détaillé

Lorsque l'on considère un solvant s contenant un soluté σ, la température d'ébullition du solvant avec le soluté est plus haute que la température d'ébullition du solvant seul. La loi de l'ébulliométrie s'énonce ainsi :

Modèle:Début citationL'élévation de la température d'ébullition est proportionnelle à la fraction molaire du soluté.Modèle:Fin citation

Soit (en remarquant que pour un corps pur la température d'ébullition est égale à la température de vaporisation) :

Loi de l'ébulliométrie : ΔTvap=Kébxσ

avec :

La constante ébullioscopique ne dépend que des propriétés du solvant :

Constante ébullioscopique : Kéb=RTvap2ΔvapH

avec :

Sous cette forme, la constante ébullioscopique a la dimension d'une température, elle s'exprime en kelvins (K).

Autrement dit, à pression constante, la température d'ébullition Tvap du solvant pur passe à T=Tvap+ΔTvap en présence d'un soluté. L'enthalpie de vaporisation étant une grandeur positive, la constante ébullioscopique est positive. Ainsi l'ajout d'un soluté fait-il augmenter la température d'ébullition du solvant à pression constante (ΔTvap>0, soit T>Tvap).

La loi de l'ébulliométrie peut également s'exprimer en fonction de la molalité bσ=nσ/ms du soluté (en mol/kg) selon :

Loi de l'ébulliométrie : ΔTvap=Kébbσ
Constante ébullioscopique molale : Kéb=RTvap2ΔvapHMs1000

avec :

Sous cette forme, la constante ébullioscopique s'exprime en K·kg/mol (ou en °C·kg/mol), elle ne dépend toujours que des propriétés du solvant pur.

Abaissement de la température de fusion

Modèle:Article détaillé

Lorsque l'on considère un solvant s contenant un soluté σ, la température de solidification du solvant avec le soluté est plus basse que la température de solidification du solvant seul. La loi de la cryométrie s'énonce ainsi :

Modèle:Début citationL'abaissement de la température de solidification est proportionnel à la fraction molaire du soluté.Modèle:Fin citation

Soit (en remarquant que pour un corps pur la température de solidification - ou température de congélation - est égale à la température de fusion) :

Loi de la cryométrie : ΔTfus=Kcryxσ

avec :

La constante cryoscopique ne dépend que des propriétés du solvant :

Constante cryoscopique : Kcry=RTfus2ΔfusH

avec :

Sous cette forme, la constante cryoscopique a la dimension d'une température, elle s'exprime en kelvins (K).

Autrement dit, à pression constante, la température de fusion Tfus du solvant pur passe à T=TfusΔTfus en présence d'un soluté. L'enthalpie de fusion étant une grandeur positive, la constante cryoscopique est positive. Ainsi l'ajout d'un soluté fait-il diminuer la température de fusion du solvant à pression constante (ΔTfus>0, soit T<Tfus).

La loi de la cryométrie peut également s'exprimer en fonction de la molalité bσ=nσ/ms du soluté (en mol/kg) selon :

Loi de la cryométrie : ΔTfus=Kcrybσ
Constante cryoscopique molale : Kcry=RTfus2ΔfusHMs1000

avec :

Sous cette forme, la constante cryoscopique s'exprime en K·kg/mol (ou en °C·kg/mol), elle ne dépend toujours que des propriétés du solvant pur.

Pression osmotique

Modèle:Article détaillé

Un solvant et une solution d'un soluté quelconque dans ce même solvant sont séparés par une membrane semi-perméable. À l'équilibre osmotique, la pression osmotique correspond à l'écart de pression de part et d'autre de cette membrane.

Lorsque l'on place un solvant s pur et une solution d'un soluté σ quelconque dans le même solvant de part et d'autre d'une membrane semi-perméable (ne laissant passer que le solvant), le solvant migre spontanément à travers la membrane du Modèle:Nobr contenant le solvant pur vers le Modèle:Nobr contenant la solution : ce phénomène est appelé osmose. Au bout d'un certain temps la migration du solvant cesse et un équilibre s'établit entre les deux compartiments. À l'équilibre osmotique la membrane subit une pression plus importante de la part de la solution que de la part du solvant pur ; le solvant migre donc du compartiment de plus faible pression, le Modèle:Nobr, vers celui de plus forte pression, le Modèle:Nobr.

La loi de van 't Hoff permet de calculer le surcroît de pression exercée par le compartiment contenant la solution dans le cas des solutions très diluées selon :

Loi de van 't Hoff, ou loi de l'osmométrie : ΠV=nσRT

avec :

La forme de cette loi rappelle celle des gaz parfaits PV=nRT. Elle est totalement indépendante des propriétés intrinsèques du solvant et du soluté. Quelles que soient les conditions opératoires Π>0, c'est donc toujours le compartiment B contenant la solution qui exerce la pression la plus importante sur la membrane.

La loi de l'osmométrie peut également s'exprimer en fonction de la molalité bσ=nσ/ms du soluté (en mol/kg) selon :

Loi de l'osmométrie : Π=ρsRTbσ

avec :

Applications

Détermination d'une masse molaire

Les propriétés colligatives permettent notamment de déterminer la masse molaire Mσ d'un soluté.

De façon générale, on crée une solution en dissolvant une masse mσ de soluté dans un solvant liquide. Cette masse doit être suffisamment faible afin que la solution obtenue soit le plus proche possible d'une solution idéale. On détermine expérimentalement l'un des écarts colligatifs ΔPsat, ΔTvap, ΔTfus ou Π de cette solution. Les lois énoncées précédemment permettent de calculer la quantité nσ du soluté en solution. La masse molaire du soluté peut donc être obtenue selon : Mσ=mσ/nσ.

Exemple[1]
On prépare une solution de Modèle:Unité de salicylate de méthyle (essence de gaulthérie couchée ou wintergreen) dans Modèle:Unité de benzène. La température d'ébullition du benzène pur est de Modèle:Unité, celle de la solution de Modèle:Unité. La constante ébullioscopique molale Kéb du benzène vaut Modèle:Unité.
L'élévation de la température d'ébullition est de :
ΔTvap=80,3180,1=0,21°C
Le nombre de moles du salicylate de méthyle est de :
nsdm=0,212,53991000=0,00822mol
La masse molaire du salicylate de méthyle est donc de :
Msdm=1,250,00822=152g/mol

Étude du comportement d'un soluté en solution

Dans certains cas, notamment celui des électrolytes, les écarts colligatifs ΔPsat, ΔTvap, ΔTfus ou Π obtenus expérimentalement sont plus importants que ceux prévus théoriquement. Ceci s'explique par la dissociation (notamment sous forme d'ions) du soluté dans la solution : le nombre de particules en solution est plus élevé que prévu. Ainsi, le chlorure de sodium (sel de table) Modèle:Formule chimique se dissocie dans l'eau en deux ions selon :

NaCl(s)Na+(aq)+Cl(aq)

L'abaissement de la température de fusion ΔTfus d'une solution aqueuse de sel est quasiment deux fois plus important que prévu. Le sulfate de sodium Modèle:Formule chimique se dissocie dans l'eau en trois ions selon :

Na2SO4(s)2Na+(aq)+SO42(aq)

L'abaissement de la température de fusion ΔTfus d'une solution aqueuse de sulfate de sodium est quasiment trois fois plus important que prévu[2].

Dans d'autres cas les écarts colligatifs expérimentaux sont inférieurs aux écarts prévus théoriquement. Ceci s'explique par une association des molécules de soluté en solution : le nombre de particules en solution est plus petit que prévu. Ainsi, dans le benzène l'acide acétique forme des dimères selon :

2CH3COOH(l)(CH3COOH)2(sln)

En conséquence, les écarts colligatifs de ces solutions sont la moitié de ceux attendus théoriquement.

De façon générale, les quatre lois relatives aux propriétés colligatives peuvent s'écrire dans leur forme molale selon :

Δ=Knσms

avec :

  • Δ l'écart colligatif ;
  • K une constante ne dépendant que des propriétés du solvant ;
  • ms la masse de solvant ;
  • nσ la quantité de soluté.

On définit :

  • Δth l'écart colligatif théorique que l'on devrait obtenir si le soluté ne se dissociait et ne s'associait pas ;
  • Δexp l'écart colligatif que l'on obtient expérimentalement ;
  • nσ,a la quantité de soluté théorique, ou apparente, en l'absence de toute dissociation ou association ;
  • nσ,r la quantité de soluté réelle, conséquence d'une dissociation ou d'une association.

On a :

Δth=Knσ,ams
Δexp=Knσ,rms

Le facteur de van 't Hoff i est défini par :

Facteur de van 't Hoff : i=ΔexpΔth

Ce facteur permet de déterminer le nombre de particules produites par une particule de soluté en solution :

nσ,r=inσ,a

Une particule de soluté produit i particules en solution. Si le soluté ne subit aucune modification lors de sa mise en solution, alors i=1 ; si le soluté se dissocie dans la solution, alors i>1 ; si le soluté s'associe dans la solution, alors i<1.

Exemple 1 - dissociation d'un sel[3]

La température de fusion d'une solution aqueuse de [Co(NH3)(NO2)]Cl à une molalité de Modèle:Unité est de Modèle:Unité. La constante cryoscopique molale Kcry de l'eau vaut Modèle:Unité.
L'abaissement de la température de fusion théorique est de :
ΔTfus, th=1,86×0,002=0,00372°C
La température de fusion de l'eau pure est de Modèle:Unité. L'abaissement de la température de fusion expérimental est de :
ΔTfus, exp=0(0,00732)=0,00732°C
Le facteur de van 't Hoff est donc de :
i=ΔTfus, expΔTfus, th=0,007320,003721,972
Le corps dissout se dissocie donc en deux ions. D'autres expériences montrent qu'il s'agit de [Co(NH3)(NO2)]+ et Cl.

Exemple 2 - association du soufre[4]

Modèle:Unité de soufre S, de masse atomique Modèle:Unité, dissout dans Modèle:Unité de tétrachlorure de carbone CClModèle:Ind abaisse la température de fusion de celui-ci de Modèle:Unité. La constante cryoscopique molale du CClModèle:Ind vaut Modèle:Unité.
La molalité du soufre est de :
bS=0,2432100×1000=0,075mol/kg
L'abaissement théorique de la température de fusion du CClModèle:Ind est de :
ΔTfus, th=30×0,075=2,25°C
Le facteur de van 't Hoff est donc de :
i=ΔTfus, expΔTfus, th=0,282,250,12418
Le soufre dissout se présente sous une forme moléculaire comprenant huit atomes : le cyclooctasoufre de formule SModèle:Ind.

Notes et références

Notes

Bibliographie

Articles connexes

Modèle:Autres projets

Modèle:Portail