Dualité (géométrie projective)
Modèle:Ébauche Modèle:Voir homonymes La dualité projective, découverte par Jean-Victor Poncelet, est une généralisation de l'analogie entre le fait que par deux points distincts passe une droite et une seule, et le fait que deux droites distinctes se coupent en un point et un seul (à condition de se placer en géométrie projective, de sorte que deux droites parallèles se rencontrent en un point à l'infini). La dualité projective affirme que tout théorème de la géométrie projective du plan (donc ne faisant pas appel aux notions métriques de distances et d'angles, ni aux notions affines de parallélisme et de proportion), comme le théorème de Desargues ou le théorème de Pappus, donne naissance à un autre théorème, appelé théorème dual, obtenu en échangeant les mots de points et de droites dans son énoncé.
Dualité dans un plan projectif
Définition
Contrairement à la géométrie plane classique où les droites sont des ensembles de points, il vaut mieux considérer en géométrie projective que le plan projectif Modèle:Mvar est constitué d'un ensemble de points , d'un ensemble de droites , et d'une relation indiquant quels points sont sur quelle droite (ou quelles droites passent par quel point). Pour bien comprendre que c'est cette relation qui est importante et non la nature des points et des droites, le mathématicien David Hilbert aurait dit : Modèle:Citation[1].
Nous considérons dans un premier temps que le plan projectif Modèle:Mvar est défini de manière axiomatique ; on constate alors que l'on obtient un autre plan projectif en considérant l'objet Modèle:Mvar dont les « points » sont les droites de Modèle:Mvar et les « droites » sont les points de Modèle:Mvar, une droite de Modèle:Mvar (qui est un point Modèle:Mvar de Modèle:Mvar) passant par un « point » de Modèle:Mvar (qui est une droite Modèle:Mvar de Modèle:Mvar) lorsque Modèle:Mvar passe par Modèle:Mvar.
| Un point et une droite de Modèle:Mvar | Un point et une droite de Modèle:Mvar, dont quatre points sont dessinés |
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Pour simplifier, au lieu de travailler sur deux plans différents, Modèle:Mvar et Modèle:Mvar, on peut se contenter de travailler sur un seul plan projectif Modèle:Mvar.
Une corrélation est une transformation des points du plan en droites et des droites du plan en points et qui respecte l'incidence. Une polarité est une corrélation involutive, c’est-à-dire que la corrélation de la corrélation est la transformation identique.
Exemples
À toute configuration de points et de droites dans Modèle:Mvar correspond alors dans Modèle:Mvar une configuration duale obtenue en échangeant les points et les droites, et de même, à tout théorème dans Modèle:Mvar, correspond un théorème dual.
| Configuration dans Modèle:Mvar | Même configuration vue dans Modèle:Mvar | ||
|---|---|---|---|
| Deux points Modèle:Mvar et Modèle:Mvar et la droite passant par ces deux points, notée Modèle:Math | Deux droites Modèle:Mvar et Modèle:Mvar et leur point d'intersection, noté Modèle:Math (la notation Modèle:Math paraîtrait trop étrange) | ||
| Trois points alignés | Trois droites concourantes | ||
| Configuration de Ceva : Un triangle de sommets Modèle:Math et trois céviennes Modèle:Math concourantes en Modèle:Mvar | ![]() |
Configuration de Ménélaus : Un triangle de Modèle:Math et une ménélienne Modèle:Mvar rencontrant les côtés en Modèle:Math | ![]() |
| Configuration de Desargues : deux triangles de sommets respectifs Modèle:Math et Modèle:Math, et de côtés Modèle:Math et Modèle:Math (Modèle:Math etc), Modèle:Math les points Modèle:Math, Modèle:Math, Modèle:Math, Modèle:Math les droites Modèle:Math.
Le théorème de Desargues affirme que Modèle:Math sont alignés ssi Modèle:Math sont concourantes. |
Configuration de Desargues (qui est donc « auto-duale ») : deux triangles de côtés respectifs Modèle:Math et Modèle:Math, et de sommets Modèle:Math et Modèle:Math (Modèle:Math etc), Modèle:Math les droites Modèle:Math, Modèle:Math les pointsModèle:Math, Modèle:Math, Modèle:Math.
Le théorème de Desargues affirme que Modèle:Math sont concourantes ssi Modèle:Math sont alignés. | ||
| Configuration de Pappus :
Deux triplets de points alignés Modèle:Math et Modèle:Math, Modèle:Math, Modèle:Math Modèle:Math ; le théorème de Pappus affirme que Modèle:Math sont alignés. |
Configuration de « Copappus », ou Pappus-dual : Deux triplets de droites concourantes Modèle:Math et Modèle:Math, Modèle:Math, Modèle:Math Modèle:Math ; le théorème de « Copappus » affirme que Modèle:Math sont concourantes. (voir figure ci-dessous où on voit que cette configuration est finalement « auto-duale » également) | ||
Remarque : Si l'on convient d'identifier une droite avec l'ensemble de ses points, il faut, pour que la dualité soit parfaite, identifier un point avec l'ensemble des droites qui passent par ce point, autrement dit, identifier un faisceau de droites avec son pôle.
Dualité et birapport
Dualités, corrélations et polarités
Considérons les homographies de Modèle:Mvar sur Modèle:Math ; ce sont des bijections Modèle:Mvar de sur qui transforment une droite de Modèle:Mvar en une « droite » de Modèle:Math ; on peut donc les prolonger en une bijection, toujours notée Modèle:Mvar, de , qui transforme un point en une droite et réciproquement, et qui vérifie : .
De telles applications sont appelées des dualités ou corrélations ; lorsqu'elles sont involutives (), elles sont appelées des polarités ou autrefois « transformations par polaires réciproques ». Dans ce dernier cas, l'image d'un point est appelé la polaire de ce point, et l'image d'une droite, son pôle.
D'après le théorème fondamental de la géométrie projective, dans le cas réel toute dualité provient d'une homographie (dans le cas général, d'une semi-homographie).
Théorème d'incidence et de réciprocité
Il y a deux théorèmes importants qui découlent des définitions.
Ce théorème est plus puissant que le précédent : Modèle:Théorème
Relations avec la dualité en algèbre linéaire
On sait qu'il existe une bijection entre les points de Modèle:Mvar et les droites vectorielles d'un espace vectoriel Modèle:Mvar de dimension 3, et une bijection entre les droites de Modèle:Mvar et les plans vectoriels de Modèle:Mvar (un point appartenant à une droite si la droite vectorielle est incluse dans le plan vectoriel).
L'orthogonalité entre Modèle:Mvar et son dual Modèle:Math, ensemble des formes linéaires sur Modèle:Mvar, qui à tout sous-espace vectoriel de Modèle:Mvar associe un sous-espace vectoriel de Modèle:Math induit une bijection entre les plans vectoriels de Modèle:Mvar et les droites vectorielles de Modèle:Math, et entre les droites vectorielles de Modèle:Mvar et les plans vectoriels de Modèle:Math, qui inverse les inclusions.
Il existe donc une bijection canonique entre les points et droites de Modèle:Math et les droites et plans vectoriels de Modèle:Math qui respecte les incidences : si un plan projectif Modèle:Mvar est associé à un espace vectoriel Modèle:Mvar, le plan dual Modèle:Math est bien associé à l'espace vectoriel dual Modèle:Math.
Duale d'une homographie
Une homographie Modèle:Mvar du plan projectif dans lui-même est une bijection dans l'ensemble des points de Modèle:Mvar, qui induit une bijection Modèle:Math dans l'ensemble des droites de Modèle:Mvar, qui est l'ensemble des « points » de Modèle:Math : Modèle:Math est l'homographie duale de Modèle:Mvar (remarquons que !) ; on vérifie que si Modèle:Mvar provient d'un automorphisme de , alors Modèle:Math provient de l'automorphisme de dual de , appelé plus souvent automorphisme transposé de Modèle:Mvar.
Utilisation des coordonnées
Rapportons le plan projectif Modèle:Mvar à un repère projectif , qui est associé à une base de l'espace vectoriel Modèle:Mvar ; considérons l'isomorphisme entre Modèle:Mvar et son dual qui transforme Modèle:Mvar en la base duale , lequel induit une dualité entre Modèle:Mvar et Modèle:Math ; à un point Modèle:Mvar de Modèle:Mvar est associé un vecteur défini à une constante multiplicative près de coordonnées dans Modèle:Mvar (les coordonnées homogènes de Modèle:Mvar dans ), auquel est associé par la forme linéaire dont le noyau est le plan d'équation ;
cette équation est l'équation homogène de la droite Modèle:Mvar image de Modèle:Mvar par la dualité ; l'on vérifie qu'inversement, l'image de Modèle:Mvar est Modèle:Mvar, ce qui fait que cette dualité est une polarité, définie par :
le repère dual de , associé à Modèle:Math est formé des droites d'équation respectives : , donc . Remarquons qu'un point et sa droite polaire ont mêmes coordonnées homogènes, l'un dans , l'autre dans .
Dualité associée à une forme bilinéaire, polarité associée à une forme quadratique ou à une conique
Soit Modèle:Mvar une dualité de Modèle:Mvar vers Modèle:Math provenant d'un isomorphisme de Modèle:Mvar vers Modèle:Math. Il est associé à ce dernier une forme bilinéaire non dégénérée sur Modèle:Mvar, définie par (noté par le crochet de dualité ) et cette correspondance est bijective ; la dualité Modèle:Mvar est dite associée à la forme bilinéaire (définie à une constante multiplicative près). La matrice de l'isomorphisme dans une base Modèle:Mvar et la base duale Modèle:Math est celle de la forme bilinéaire dans Modèle:Mvar.
La dualité Modèle:Mvar est une polarité ssi pour tous points Modèle:Mvar et : , ce qui se traduit sur la forme bilinéaire par : pour tous vecteurs et : ; on montre que cette dernière condition équivaut à ce que soit symétrique ou antisymétrique (si le corps est de caractéristique différente de 2).
Toute forme quadratique sur Modèle:Mvar engendre une forme bilinéaire symétrique, laquelle en engendre une polarité dans Modèle:Mvar, qui est dite associée à Modèle:Mvar. Le cône isotrope de Modèle:Mvar (défini par ) est un cône du second degré de Modèle:Mvar lequel engendre une conique projective Modèle:Math dans Modèle:Mvar. On dit alors par abus que la polarité Modèle:Mvar associée à Modèle:Mvar est la polarité par rapport à Modèle:Math. Remarquons qu'on a alors : .
Polarité par rapport à un cercle dans le plan euclidien
Considérons un cercle Modèle:Math de centre O de rayon a d'un plan euclidien rapporté à un repère orthonormé ; Modèle:Mvar est le complété projectif de et Modèle:Mvar son enveloppe vectorielle, rapportée à .
L'équation cartésienne du cercle est ; la polarité Modèle:Mvar par rapport à Modèle:Math est donc associée à la forme quadratique de Modèle:Mvar et l'isomorphisme de Modèle:Mvar sur Modèle:Math est celui qui envoie sur
Du point de vue du plan affine , la polarité Modèle:Mvar a une définition très simple : au point de coordonnées correspond la droite d’équation et l’image d’un point à l’infini est la droite passant par et perpendiculaire à la direction du point.
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Et on a les définitions géométriques suivantes : la polaire (droite image par la polarité) d’un point par rapport au cercle Modèle:Math est le lieu des conjugués harmoniques du point par rapport au cercle, lieu défini par la relation ; c’est la droite orthogonale à la droite passant par l’inverse de par rapport à Modèle:Math ; c’est aussi l’axe radical du cercle Modèle:Math et du cercle de diamètre ; quand est extérieur à Modèle:Math, c’est la droite qui joint les points de contact des tangentes issues de au cercle Modèle:Math. |
Dualité entre courbes
| Une dualité, qui transforme des points en droites et réciproquement, transforme une courbe (famille de points) de Modèle:Mvar en une « courbe » (famille de droites) du plan dual Modèle:Math: mais grâce à la notion d'enveloppe, on retrouve une courbe (famille de points) de Modèle:Mvar : l'enveloppe de la famille des droites duales, dite courbe duale de .
Ce qui est remarquable, c'est que lorsque la dualité est une polarité, la duale de la duale est la courbe de départ (autrement dit, la famille des droites polaires des points de la courbe duale enveloppe la courbe de départ). Ci-contre, une figure illustrant ceci, avec une polarité par rapport à un cercle Modèle:Math. Cette transformation est une transformation de contact : si une famille de courbes admet une enveloppe, la famille des courbes polaires admet pour enveloppe la polaire de cette enveloppe. Voir ici pour plus de détails. |
Configuration de Pappus, exemple détaillé de dualité
Pour illustrer géométriquement une dualité quelconque, il faut définir le processus par lequel on transforme un point en droite. Un exemple de dualité simple est donné ci-dessous: on prend le quadrangle (4 points) ACZF, on le transforme en quadrilatère (4 droites) aczf, et pour compléter un peu la figure les droites AC, CZ, ZF de la figure de départ ont été tracées, ainsi que les points d'intersection a*c, c*z et z*f de la figure d'arrivée.
- Poursuivant le dessin du même exemple, on peut figurer la dualité d'une configuration de Pappus, voir Théorème de Pappus. La configuration de départ est formée des 9 points: AEC DBF XYZ, la configuration d'arrivée est donnée par les 9 droites aec dbf xyz. Dans la configuration de départ on a pris soin de compléter la figure par les 9 droites joignant les points, il s'agit des droites jnp qhk et mgr; de même dans la configuration d'arrivée les intersection des droites donnent naissance aux 9 points JNP QHK MGR.
Dualité dans un espace projectif de dimension finie
C'est la généralisation de ce que nous venons de voir dans le plan ; en dimension , non seulement la dualité échange les points et les hyperplans, mais plus généralement les sous-espaces de dimension Modèle:Mvar avec ceux de dimension .
Par exemple, en dimension 3, les points sont échangés avec les plans, et les droites avec elles-mêmes. Le théorème dual de : « par deux points distincts » passe une droite et une seule devient : « deux plans distincts se coupent en une droite » . Un tétraèdre de sommets devient par dualité un tétraèdre de faces ; dans le premier cas, les points Modèle:Mvar et Modèle:Mvar déterminent une arête (celle qui passe par Modèle:Mvar et Modèle:Mvar, et dans le deuxième aussi (l'intersection de Modèle:Mvar et Modèle:Mvar).
Plus précisément le dual Modèle:Math d'un espace projectif Modèle:Mvar de dimension est l'espace dont les sous-espaces de dimension Modèle:Mvar sont les duaux de ceux de dimension de Modèle:Mvar, et une dualité sur Modèle:Mvar est une bijection de l'ensemble des sous-espaces projectifs de Modèle:Mvar dans lui-même qui inverse les inclusions et transforme un sous-espace de dimension Modèle:Mvar en un de dimension ; dans le cas réel, une dualité provient d'une homographie de Modèle:Mvar sur Modèle:Math (d'une semi-homographie dans le cas général).
Tout ce qui a été vu dans le cas plan se généralise ici, en particulier la notion de polarité par rapport à une conique qui devient ici celle de polarité par rapport à une (hyper)quadrique (non dégénérée).
Notes et références
Voir aussi
Bibliographie
- Alain Bigard, Géométrie, Masson, 1998
- Jean-Denis Eiden, Géométrie analytique classique, Calvage & Mounet, 2009, Modèle:ISBN
- Jean Frenkel, Géométrie pour l'élève professeur, Hermann, 1973
- Bruno Ingrao, Coniques projectives, affines et métrique, C&M, Modèle:ISBN
- Jean-Claude Sidler, Géométrie projective, Interéditions, 1993
- H.S.M. Coxeter, Projective geometry, Springer, 1998(Modèle:3e); c'est en anglais canadien très facile à comprendre, et les pages sur la dualité et la polarité sont claires, bien que très abstraites.
- Yves Ladegaillerie, Géométrie, Ellipses, 2003
Liens externes
- ↑ Phrase attribuée à Hilbert par Otto Blumenthal cf. Modèle:Lien web



