Forme indéterminée
En mathématiques, une forme indéterminée est une opération apparaissant lors d'un calcul d'une limite d'une suite ou d'une fonction sur laquelle on ne peut conclure en toute généralité et qui nécessite une étude au cas par cas.
Par exemple, on ne peut conclure de manière générale sur la limite de la somme de deux suites dont l'une tend vers et l'autre vers . Selon les cas, cette limite peut être nulle, égale à un réel non nul, être égale à ou ou bien même ne pas exister.
Pour lever une indétermination, il existe de nombreuses techniques, par exemple via des procédés algébriques (factorisation, multiplication par la quantité conjuguée, etc.) ou des procédés analytiques (utilisation de la dérivée, de développements limités, de la règle de L'Hôpital, etc.).
Il existe quatre formes indéterminées fondamentales concernant des sommes, des produits et des quotients qui sont[1]: , , et
Mais de nombreux calculs aboutissent à des formes indéterminées qui peuvent se ramener, moyennant des compositions de fonctions aux 4 précédentes. Par exemple[2]: , ou encore[3] .
Présentation du problème
En mathématiques, on est fréquemment amené à étudier la limite d'une opération (addition, multiplication, etc.) de deux fonctions ou de deux suites. Il est des situations où l'on peut déterminer cette limite uniquement en connaissant les limites respectives des fonctions ou suites concernées.
Mais, dans un certain nombre de cas, cette limite ne peut être déterminée a priori, elle dépend des fonctions ou suites en présence.
Voici un exemple d'une telle situation.
Dans cet exemple, les deux limites de départ sont égales à et on constate que la limite du quotient dépend du cas étudié. On ne peut pas établir de règle générale donnant la valeur d'une limite du type . C'est ce que l'on appelle une forme indéterminée.
Voici un second exemple dans le cas des suites.
Ici, on a deux suites dont la limite est . On constate que la valeur de la limite de la différence de ces deux suites dépend du cas étudié. On ne peut donc pas établir de règle générale donnant la valeur d'une limite du type . C'est donc une forme indéterminée.
L'objectif de cet article est de présenter les différents types de formes indéterminées et d'illustrer un certain nombre de techniques permettant de les lever.
Classement des indéterminations
On classe en général les formes indéterminées en sept catégories (ici désigne soit un nombre réel, soit ou ).
| Indétermination | Limite recherchée | Condition sur | Condition sur |
|---|---|---|---|
- Les indéterminations de la forme Modèle:Math se ramènent à une indétermination de la forme Modèle:Math ou de la forme Modèle:Math en remarquant qu'une multiplication par Modèle:Math équivaut à une division par l'infini, ou qu'une multiplication par l'infini équivaut à une division par Modèle:Math.
- Les indéterminations des formes [[0^0|Modèle:Math]] et Modèle:Math se ramènent au cas précédent en utilisant que Modèle:Mvar peut s'écrire Modèle:Math et que la limite de Modèle:Math est alors de la forme Modèle:Math.
- Les indéterminations de la forme Modèle:Math (dont le logarithme est la forme Modèle:Math) : un exemple classique est Modèle:Math dont la limite vaut le [[e (nombre)|nombre Modèle:Math]].
Théorème des croissances comparées
Le théorème des croissances comparées lève les indéterminations de produits et de quotients de fonctions usuelles que sont les fonctions puissances, la fonction exponentielle et la fonction logarithme népérien.
Indétermination de la forme Modèle:Math
Cas des fonctions rationnelles
Soit Modèle:Mvar une fonction rationnelle, Modèle:C.-à-d. Modèle:Retrait où P et Q sont des polynômes.
Si a est un réel tel que Modèle:Nobr, on peut être amené à chercher la limite en a de Modèle:Math. Si Modèle:Nobr, un calcul simple de limite conduit à une indétermination de la forme Modèle:Math.
Une propriété concernant les polynômes va permettre de lever cette indétermination : pour tout polynôme P tel que Modèle:Nobr, il existe un polynôme PModèle:Ind de degré strictement inférieur tel que Modèle:Nobr. Autrement dit, si a est racine de P, P est factorisable par Modèle:Nobr. Cette factorisation peut s'obtenir par identification ou en utilisant la méthode de Horner.
Dans le cas de cette limite, les polynômes P et Q ayant tous les deux comme racine a, on peut écrire, pour tout x de l'ensemble de définition Modèle:Mvar de Modèle:Math, Modèle:Retrait Rechercher la limite en a de Modèle:Mvar revient à chercher la limite en a de Modèle:Math.
La recherche de la limite en a de Modèle:Math peut conclure à une absence de limite, à une limite infinie ou à une limite réelle.
- Exemples
-
- .
Comme le numérateur et le dénominateur s'annulent en 1, une factorisation par Modèle:Nobr est possible. Pour tout x de Modèle:Mvar,
- .
- .
Le numérateur et le dénominateur s'annulant en –2, il doit être possible de mettre Modèle:Nobr en facteur. Pour tout x de Modèle:Mvar,
- .
Modèle:RetraitCette seconde fonction ne possède pas de limite en –2. Elle possède cependant des limites à droite et à gauche en –2. Par exemple à droite : Modèle:Retrait
- .
Cette fonction est bien une fonction rationnelle qui, remise sous sa forme canonique, donne, pour tout x différent de 2 et de 0,
- .
Modèle:Retrait Il est alors simple d'en calculer la limite en 2 : Modèle:Retrait
Cas des fonctions comportant des racines carrées
Lorsqu'il existe, dans le quotient, des racines carrées, l'idée est de transférer l'indétermination à une fonction rationnelle pour utiliser la technique précédente. Le transfert se fait, en général en multipliant numérateur et dénominateur par une quantité conjuguée.
- Exemples
-
- .
On multiplie alors numérateur et dénominateur par :Modèle:RetraitModèle:RetraitLe calcul de la limite sous la dernière forme se fait aisément :Modèle:Retrait - .
On multiplie numérateur et dénominateur par (ou bien on simplifie par , ce qui revient au même).Modèle:RetraitCette dernière limite se calcule aisément :Modèle:Retrait
- .
Changement de variable
Le changement de variable permet parfois, par modification de la forme de la fonction considérée, de mettre en évidence une factorisation ou une limite de référence. Il faut cependant faire attention : un changement de variable entraîne aussi une modification de la valeur vers laquelle tend la variable. Le principe du changement de variable s'appuie sur la propriété de la limite d'une fonction composée.
- Exemples
-
- Soit Modèle:Math une fonction définie sur les intervalles réels Modèle:Math et Modèle:Math parModèle:RetraitEn première approche, la recherche de la limite de la fonction Modèle:Math quand la variable x tend vers 4 mène vers une indétermination de la forme Modèle:Math. On propose alors le changement de variable suivant :Modèle:RetraitLorsque x tend vers 4, u tend vers 2. De plus,Modèle:RetraitOn peut alors rechercher la limite quand u tend vers 2 de la fonction g définie pour tout u de Modèle:Math ou Modèle:Math parModèle:RetraitÀ ce stade, pour calculer la limite en Modèle:Math, on est toujours face à une forme indéterminée du type Modèle:Math. On peut lever cette indétermination en factorisant :Modèle:RetraitOn peut alors conclure :Modèle:Retrait
- .
Il s'agit encore d'une indétermination Modèle:Math. En posant u = 1/x, on remarque alors queModèle:Retraitet que, lorsque x tend vers 0 par la gauche, u tend vers Modèle:Math.Modèle:RetraitModèle:Retrait
Quelques procédés analytiques
On peut également utiliser les propriétés de dérivabilité des fonctions en présence, ou bien l'existence de développements limités.
Dérivée
Un cas fréquent d'apparition d'une indétermination du type Modèle:Math concerne le calcul de la dérivée en a à partir du taux d'accroissement de la fonction : si la fonction Modèle:Math est dérivable en Modèle:Math alors Modèle:Retrait
L'utilisation d'une dérivée est donc un moyen simple de lever une indétermination de ce type. Elle donne l'occasion de présenter des indéterminations Modèle:Math de référence
ici f(x) = sin(x), a = 0, f Modèle:' (x) = cos(x) et f Modèle:' (0) = 1
ici f(x) = cos(x), a = 0, f Modèle:' (x) = –sin(x) et f Modèle:' (0) = 0
ici f(x) = ln(x), a = 1, f Modèle:' (x) = 1/x et f Modèle:' (1) = 1
ici f(x) = ex, a = 0, f Modèle:' (x) = ex et f Modèle:' (0) = 1.
Il peut donc être utile dans de nombreuses expressions de faire apparaitre des taux d'accroissement quand l'indétermination est du type Modèle:Math.
Modèle:Article détaillé Cette méthode, exploitée plus à fond, conduit à la règle de L'Hôpital : si f et g ont pour limite 0 en a et si le quotient des dérivées fModèle:'/gModèle:' admet une limite en a, cette limite est aussi la limite en a de f/g.
Développements limités
Un développement limité, au voisinage de a, du numérateur et du dénominateur permet aussi souvent de résoudre simplement une indétermination de ce type.
- Exemple
- .
Le calcul direct des limites mène à une indétermination de la forme Modèle:Math. Il est alors utile de rechercher un développement limité au voisinage de Modèle:Math des différentes fonctions de référence en présence. Un développement limité d'ordre Modèle:Math ne permettra pas de conclure mais un développement limité d'ordre Modèle:Math permet de lever l'indétermination :Modèle:RetraitModèle:RetraitModèle:RetraitdoncModèle:RetraitLe passage à la limite se fait alors aisément :Modèle:Retrait
Indétermination de la forme Modèle:Math
Par exemple (pour un entier Modèle:Math quelconque) :
- .
Pour lever une telle indétermination, il existe de nombreux procédés, algébriques (factorisation) ou analytiques (utilisation de la dérivée — règle de l'Hôpital — du théorème des gendarmes ou du développement limité).
- Il suffit d'[[Règle de L'Hôpital#Utilisations et précautions à prendre|appliquer Modèle:Mvar fois la règle de l'Hôpital]].
- Une autre méthode[4] utilise le fait que, la fonction exponentielle étant convexe, sa courbe représentative est au-dessus de sa tangente au point d'abscisse : .
- Une méthode plus savante mais plus expéditive est d'utiliser le développement en série de la fonction exponentielle[5] :
- .
Cas des fractions rationnelles
Modèle:Article détaillé Modèle:Énoncé
Soit Modèle:Mvar une fonction rationnelle, Modèle:C.-à-d. Modèle:Retrait où P et Q sont des polynômes.
Les deux polynômes s'écrivant :
En factorisant par au numérateur et par au dénominateur on obtient :
Or par simplification :
On obtient donc : Modèle:Retrait
Indétermination de la forme Modèle:Math
Une technique générale consiste à mettre en facteur le terme qui semble le plus fort : est plus fort que si
Par exemple
-
- (voir plus haut) donc
- Par produit, .
Si les deux expressions sont de force équivalente — c'est-à-dire si — une telle factorisation conduit à une indétermination de la forme qui peut se ramener à et aux techniques de résolutions de ce type d'indétermination.
Par exemple :
- donne une indétermination .
- En posant , on a .
- Cette indétermination de type se lève, par exemple, par multiplication par la quantité conjuguée
- dont la limite en est nulle Donc
Mais on aurait pu utiliser d'autres méthodes (quantité conjuguée, développement limité, etc.).
La méthode de la factorisation par le plus fort conduit à une règle générale applicable aux polynômes.