Forme quadratique binaire
En mathématiques, une forme quadratique binaire est une forme quadratique — c'est-à-dire un polynôme homogène de degré 2 — en deux variables :
Les propriétés d'une telle forme dépendent de façon essentielle de la nature des coefficients a, b, c, qui peuvent être par exemple des nombres réels ou rationnels ou, ce qui rend l'étude plus délicate, entiers.
Histoire
Fermat considérait déjà des formes quadratiques binaires entières, en particulier pour son théorème des deux carrés. La résolution d'autres équations diophantiennes comme celle de Pell-Fermat fait aussi partie de leur théorie, dont l'étude systématique a été entreprise par Lagrange[1] en 1773 et 1775 et poursuivie en 1801 par Gauss[2], après des contributions de Legendre. Gauss étudia comme Lagrange les questions d'équivalence et de réduction, et introduisit la composition des formes quadratiques binaires. Ces recherches de Gauss ont fortement influencé à la fois la théorie arithmétique des formes quadratiques en plus de deux variables et le développement de la théorie algébrique des nombres, où l'étude des corps quadratiques est étendue à celle des corps de nombres.
Formes entières
Une forme quadratique binaire q(x, y) = axModèle:2 + bxy + cyModèle:2 est dite entière si les coefficients a, b et c sont des entiers relatifs. Il revient au même de dire que les valeurs représentées par q — c'est-à-dire les Modèle:Nobr lorsque (x, y) parcourt ℤModèle:2 — sont toutes entières[3]Modèle:,[4]. Une question classique est de décrire l'ensemble des entiers représentés par une forme donnée et, pour un tel entier, le nombre de ses représentations.
Une représentation primitive d'un entier est une représentation de la forme q(x, y) avec x et y premiers entre eux. Par exemple, a et c sont primitivement représentés par q, et toute représentation d'un nombre premier est primitive.
L'entier D = bModèle:2 – 4ac est appelé le discriminant de la forme[3]Modèle:,[5]. Il est congru à 0 ou 1 modulo 4.
Deux formes entières sont dites équivalentes si elles sont dans la même orbite pour l'action naturelle du groupe linéaire GL(2, ℤ) des matrices 2×2 à coefficients entiers de déterminant égal à ±1, c'est-à-dire si l'une est la composée de l'autre par le changement de variables associé à une telle matrice. Le discriminant, l'ensemble des entiers représentés, et l'ensemble des entiers primitivement représentés, sont donc invariants par équivalence. Toute classe d'équivalence est la réunion d'une ou deux classes d'équivalence propre, définie de même en considérant l'action du sous-groupe spécial linéaire SL(2, ℤ) des matrices de déterminant égal à +1.
Modèle:Démonstration/début L'écriture générale d'une forme équivalente à q(x, y) = axModèle:2 + bxy + cyModèle:2 est a(αx + βy)Modèle:2 + b(αx + βy)(γx + δy) + c(γx + δy)Modèle:2 avec α, β, γ, δ entiers tels que αδ – βγ = ±1 (+1 pour une équivalence propre), et le coefficient de son terme en xModèle:2 est q(α, γ). Le théorème de Bachet-Bézout permet de conclure. Modèle:Démonstration/fin
L'entier N est donc primitivement représenté par une forme de discriminant D (si et) seulement si D est un carré modulo 4N. La seconde propriété étant stable par diviseurs (c'est-à-dire vraie pour tout diviseur de N lorsqu'elle l'est pour N), il s'ensuit que la première aussi.
Pour tout entier D, le nombre de classes de D, c'est-à-dire le nombre de classes d'équivalence de formes quadratiques de discriminant D, est fini : on le démontre par réduction, en construisant pour chaque classe au moins un représentant appelé une forme réduite, dont les coefficients sont « les plus petits possibles » (en un sens adéquat).
La forme est dite dégénérée si D = 0, définie (positive ou négative, selon le signe de a et c) si D < 0 et indéfinie si D > 0 (ceci correspond à la classification des formes réelles associées). Lorsque D est un carré parfait, la forme est dite isotrope et elle représente 0 une infinité de fois. On exclut généralement de l'étude des formes indéfinies ce cas, qui est celui des formes quadratiques produits de deux formes linéaires à coefficients entiers[6].
Modèle:Démonstration/début Il suffit de traiter le cas des formes définies positives.
Une forme définie positive Q(x, y) = axModèle:2 + bxy + cyModèle:2 est dite réduite si |b| ≤ a ≤ c et si de plus, b ≥ 0 dès que a est égal à |b| ou à c.
Remarquons qu'alors, Q(x, y) ≥ (a – |b| + c)min(xModèle:2, yModèle:2) donc la plus petite valeur non nulle prise par Q est a, et elle l'est seulement 2 fois si a < c (la plus petite valeur suivante étant alors c), 4 fois si c = a > b (≥ 0) et 6 fois si Modèle:Nobr De plus, lorsque a et c sont connus ainsi que le discriminant, b est connu au signe près.
- Unicité. Soit Q réduite comme ci-dessus, montrons qu'aucune autre forme réduite ne lui est proprement équivalente. D'après la remarque sur la plus petite valeur, c'est immédiat si a = c ou si b = a < c, et dans le cas restant |b| < a < c, il reste à montrer que si axModèle:2 + εbxy + cyModèle:2 est proprement équivalente à Q avec ε = ±1, alors elle lui est égale. Soient α, β, γ, δ entiers tels que αδ – βγ = 1 et axModèle:2 + εbxy + cyModèle:2 = a(αx + βy)Modèle:2 + b(αx + βy)(γx + δy) + c(γx + δy)Modèle:2. Par identification des coefficients de xModèle:2 et de yModèle:2, a = Q(α, γ) et c = Q(β, δ) donc — d'après la remarque sur les plus petites valeurs — γ = β = 0, et le coefficient du terme en xy donne alors : εb = bαδ = b, ce qui conclut.
- Existence. Soit Q(x, y) = axModèle:2 + bxy + cyModèle:2 une forme proprement équivalente à q pour laquelle |b| est minimum. En composant si nécessaire par (x, y) ↦ (–y, x), on peut de plus supposer Modèle:Nobr et, dans le cas c = a, b ≥ 0. Dans Q(x + ky, y), le coefficient de xy est 2ak + b. On en déduit que |b| ≤ |2ak + b| pour tout entier k, c'est-à-dire que a ≥ |b|. Ainsi, Q est réduite, sauf si b = –a. Mais dans ce cas, Q(x + y, y) = axModèle:2 + axy + cyModèle:2 est réduite.
Modèle:Énoncé En effet, si |b| ≤ a ≤ c, alors |D| = 4ac – bModèle:2 ≥ 3aModèle:2 donc 0 < a ≤ Modèle:Sqrt. Une fois a choisi, le nombre des valeurs possibles pour b (compris entre –a et a et de même parité que D) est majoré par a + 1. Enfin, c est entièrement déterminé par D, a et b. Modèle:Démonstration/fin
Modèle:Démonstration/début Soit D un entier positif non carré. Une forme axModèle:2 + bxy + cyModèle:2 de discriminant D est dite réduite si 0 < Modèle:Sqrt – b < 2|a| < Modèle:Sqrt + b, ce qui équivaut à la même suite d'inégalités avec a remplacé par c[7]. On a donc :
Contrairement au cas des formes définies, on n'a plus unicité, mais seulement : Modèle:Énoncé L'algorithme de réduction[8]Modèle:,[9]Modèle:,[10]Modèle:, consiste à remplacer la forme q(x, y) = axModèle:2 + bxy + cyModèle:2 (si elle n'est pas déjà réduite) par aModèle:'xModèle:2 + bModèle:'xy + cModèle:'yModèle:2 := q(–y, x + ty) (donc aModèle:' = c et bModèle:' = –b + 2ct), l'entier t étant déterminé par : Modèle:Nobr (comme q n'est pas réduite, un tel t est unique). Tant qu'on obtient |cModèle:' | < |c| et qModèle:' non réduite, on recommence. D'après cette clause, l'algorithme termine. Puisque aModèle:' = c, le triplet (A, B, C) final est réduit ou vérifie |A| ≤ |C| et Modèle:Sqrt – 2|A| < B < Modèle:Sqrt. Montrons qu'il est aussi réduit dans le second cas. On a 0 < Modèle:Sqrt – B < 2|A| donc 0 < (Modèle:Sqrt – B)|Modèle:Sqrt + B| = D – BModèle:2 = –4AC, donc –4AC = 4|AC| et |Modèle:Sqrt + B| > 2|C| ≥ 2|A| > Modèle:Sqrt – B donc Modèle:Nobr et Modèle:Sqrt + B > 2|A|, ce qui conclut.
On peut de plus démontrer[11] que les formes réduites de chaque classe d'équivalence propre s'organisent en un unique cycle de « formes adjacentes », la forme adjacente à droite d'une forme réduite q étant q(–y, x + ty), pour l'unique entier t tel que cette dernière soit réduite.
- Exemple
- Les seules formes quadratiques réduites de discriminant 20 sont, à interversion près de x et y : 2(xModèle:2 + xy – yModèle:2) et (x + 2y)Modèle:2 – 5yModèle:2.
L'une des découvertes les plus profondes de Gauss fut celle de l'existence d'une loi de composition naturelle sur l'ensemble des classes (d'équivalence propre) de formes quadratiques binaires de discriminant donné, et qui en fait un groupe abélien fini appelé le groupe des classes de discriminant D. Le groupe des classes d'un Modèle:Lien D est isomorphe au Modèle:Lien du corps quadratique ℚ(Modèle:Sqrt) de discriminant D[12]. Ce dernier est le groupe des classes d'idéaux si D est négatif, mais peut être deux fois plus gros si D est positif.
Une forme q(x, y) = axModèle:2 + bxy + cyModèle:2 est dite primitive si le PGCD(a, b, c) (qui est le PGCD de toutes les valeurs qu'elle représente) est égal à 1. C'est bien sûr le cas si son discriminant D est sans facteur carré ou si q représente un entier premier avec D, mais aussi si D est un discriminant fondamental[13].
Gauss étudia aussi une relation d'équivalence moins fine, qui partitionne le groupe des classes en Modèle:Lien.
Notes et références
Modèle:Traduction/Référence Modèle:Références
Voir aussi
Articles connexes
- Norme sur un corps quadratique
- Symbole de Legendre
- Théorème de Stark-Heegner
- Loi de composition de Gauss
Liens externes
- Modèle:Lien web
- Modèle:EncycloMath
- Modèle:Lien web (§ 11 : Binary quadratic forms and quadratic fields: Positive discriminants, Negative discriminants)
Bibliographie
- ↑ Joseph-Louis Lagrange, « Recherches d'arithmétique, Nouveaux mémoires de l'Académie royale des sciences et belles lettres de Berlin, reproduit dans Joseph-Louis Lagrange, Œuvres, vol. III, Modèle:P..
- ↑ Modèle:Ouvrage, en particulier chap. V.
- ↑ 3,0 et 3,1 Voir par exemple Modèle:Lien web.
- ↑ C'est le choix initial de Lagrange et traditionnel depuis Eisenstein, tandis qu'entre-temps, Gauss se plaçait dans le cadre où l'entier b est pair, c'est-à-dire où les coefficients antidiagonaux b/2 de la matrice symétrique associée sont entiers, comme les coefficients diagonaux a et c.
- ↑ Cette définition diffère de celle du discriminant d'une forme quadratique binaire à coefficients dans un corps, qui est ac – (b/2)Modèle:2 modulo les carrés d'éléments non nuls.
- ↑ Il est cependant possible de le traiter de même, en décrétant par exemple qu'une telle forme est réduite si c = 0 et 0 ≤ a < |b| : Modèle:Lien web.
- ↑ Modèle:Ouvrage.
- ↑ Modèle:Ouvrage.
- ↑ Modèle:Lien web.
- ↑ Pour une version optimisée, voir Modèle:Cohen1, § 5.6.1.
- ↑ Modèle:Harvsp.
- ↑ Modèle:Ouvrage, Modèle:Lang.
- ↑ Modèle:Cohen1, § 5.2.