Groupe diédral

En mathématiques, le groupe diédral d'ordre 2n, pour un nombre naturel non nul n, est un groupe qui s'interprète notamment comme le groupe des isométries du plan conservant un polygone régulier à n côtés. Le groupe est constitué de n éléments correspondant aux rotations et n autres correspondant aux réflexions. Il est noté Dn par certains auteurs et DModèle:Ind par d'autres. On utilisera ici la notation DModèle:Ind[1].
Le groupe DModèle:Ind est le groupe cyclique d'ordre 2, noté CModèle:Ind ; le groupe DModèle:Ind est le groupe de Klein à quatre éléments. Parmi les groupes diédraux D2n, ce sont les deux seuls à être abéliens. L'interprétation des groupes diédraux comme groupes d'isométries ne convient pas à ces deux cas particuliers, puisqu'il n'y a pas de polygones réguliers à un ou à deux côtés. Certains auteursModèle:Sfn ne définissent d'ailleurs le groupe diédral d'ordre 2n que pour n au moins égal à 3. Néanmoins, le groupe DModèle:Ind peut être interprété comme le groupe des isométries du plan conservant un segment non réduit à un point.
Présentation et définitions équivalentes
Le groupe D2n peut être défini par la suite exacte scindée suivante :
où Cn (également noté ZModèle:Ind ou Z/nZ) est un groupe cyclique d'ordre n, CModèle:Ind est cyclique d'ordre 2, la section étant donnée par l'action d'un relevé Modèle:Math du générateur de CModèle:Ind, sur un générateur Modèle:Math du groupe cyclique d'ordre n :
Ce groupe est donc produit semi-direct de Cn par CModèle:Ind suivant le morphisme Modèle:Math, où l'unité de CModèle:Ind agit sur Cn comme l'application identique et l'autre élément de CModèle:Ind agit sur Cn par inversion[2]. Explicitement :
Une présentation est alors :
c'est-à-dire que des générateurs sont Modèle:Math, Modèle:Math et les seules relations qu'ils vérifient sont celles résultant (par les axiomes sur une loi de groupe) de :
On peut ainsi dresser une liste complète des éléments du groupe :
Une présentation alternative, où Modèle:Math dans le système de générateurs de la présentation précédente, est :
c'est-à-dire que des générateurs sont Modèle:Math, Modèle:Math et les seules relations qu'ils vérifient résultent de :
On voit ainsi que le groupe diédral admet un système de deux générateurs distincts tous deux d'ordre 2. Les groupes diédraux sont les seuls groupes finis possédant cette propriété[3].
Le groupe diédral d'ordre 2n peut aussi être vu comme le groupe des automorphismes du graphe constitué seulement d'un cycle avec n sommets (si n ≥ 3).
Interprétation géométrique
On peut définir de la façon suivante une représentation du groupe diédral D2n :
Cette représentation est en fait à valeurs dans le groupe orthogonal O(2,R).
On reconnaît que la matrice Modèle:Math est une matrice de rotation d'angle Modèle:Math et la matrice Modèle:Math une matrice de réflexion. Ces transformations laissent effectivement invariant un polygone régulier centré en l'origine à n côtés.
Les sous-groupes finis de O(2,R) sont cycliques ou diédraux[4].
Graphe de cycles
Les graphes de cycles de groupes diédraux sont constitués d'un cycle à n éléments et de cycles à 2 éléments. Le sommet sombre dans les graphes de cycle ci-dessous de divers groupes diédraux représente l'élément identité, et les autres sommets sont les autres éléments du groupe. Un cycle est constitué des puissances successives de l'un ou l'autre élément connecté à l'élément identité.
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| D4 | D6 | D8 | D10 | D12 | D14 |
Propriétés
Le sous-groupe Modèle:Math = {Modèle:Math} des rotations est normal et même, si n ≥ 3, caractéristique.
Certaines propriétés des groupes diédraux D2n avec n ≥ 3 dépendent de la parité de n. Elles peuvent souvent facilement être déduites de la représentation géométrique de ce groupe.
- Le centre Z(DModèle:Ind) de DModèle:Ind est constitué seulement de l'identité si n est impair, mais si n est pair le centre a deux éléments : l'identité et l'élément Modèle:MathModèle:Exp, si bien que le groupe quotient DModèle:Ind/Z(DModèle:Ind) est isomorphe à DModèle:Ind si n est impair et à DModèle:Ind si n est pair. Par conséquent, un groupe diédral est nilpotent si et seulement si son ordre est une puissance de deux[5], et la classe de nilpotence du groupe diédral d'ordre 2r, avec r > 1, est égale à r – 1[6].
- Le sous-groupe dérivé de DModèle:Ind est Modèle:Math (égal à Modèle:Math si n est impair)[7]. Le groupe DModèle:Ind est donc résoluble de classe ≤ 2 (de classe 2 si n ≥ 3 et de classe 1 si n = 1 ou 2). Les groupes diédraux illustrent ainsi le fait que la classe de nilpotence d'un groupe nilpotent ne peut pas être majorée en fonction de sa classe de résolubilité[8] (alors que sa classe de résolubilité peut être majorée en fonction de sa classe de nilpotence).
- Pour n impair, le groupe D4n est isomorphe au produit direct de D2n et d'un groupe cyclique d'ordre 2. Cet isomorphisme est donné par :
h et étant définis modulo 2, et k modulo n. Les générateurs des groupes diédraux sont choisis comme dans la première partie de l'article. - Dans D2n, toutes les réflexions sont conjuguées les unes des autres dans le cas où n est impair, mais elles sont contenues dans deux classes de conjugaison si n est pair.
- Si m divise n, alors D2n a n/m sous-groupes de type D2m, et un sous-groupe cyclique Cm. Par conséquent, le nombre total de sous-groupes de D2n (n ≥ 1), est égal à d (n) + σ (n), où d (n) est le nombre de diviseurs positifs de n et σ (n) est la somme des diviseurs positifs de n (voir liste des petits groupes pour les cas n ≤ 8).
Représentations
Si n est impair, le groupe D2n admet 2 représentations irréductibles complexes de degré 1 :
En revanche, si n est pair, il existe 4 représentations irréductibles de degré 1 :
Les autres représentations irréductibles sont toutes de degré 2 ; elles sont en nombre si Modèle:Math est impair, respectivement si Modèle:Math est pair. On peut les définir comme suit :
où Modèle:Math désigne une racine primitive n-ième de l'unité, et h parcourt les entiers compris entre 1 et n – 1. On peut vérifier que deux telles représentations sont isomorphes seulement pour h1 et h2 vérifiant h1 + h2 = n. On obtient alors le nombre annoncé de représentations irréductibles de degré 2 non isomorphes, et donc toutes les représentations irréductibles du groupe diédral, par la formule liant le nombre de représentations irréductibles à l'ordre du groupe.
Automorphismes
Le groupe des automorphismes de DModèle:Ind = ZModèle:Ind est trivial. Celui du groupe de Klein DModèle:Ind = [[Produit direct (groupes)|ZModèle:Ind × ZModèle:Ind]] est le groupe non abélien d'ordre 6 : GL(2, [[Corps fini|FModèle:Ind]]) ≃ [[Groupe symétrique|SModèle:Ind]] ≃ Modèle:Lien.
Pour n ≥ 3, le groupe Aut(DModèle:Ind) des automorphismes de DModèle:Ind = ZModèle:Ind⋊ZModèle:Ind est l'holomorphe Hol(ZModèle:Ind) = ZModèle:Ind⋊Aut(ZModèle:Ind) ≃ ZModèle:Ind⋊[[Anneau ℤ/nℤ#Groupe des unités|ZModèle:ExpInd]] du sous-groupe caractéristique ZModèle:Ind. En effet, fixons un élément Modèle:Math de DModèle:Ind\ZModèle:Ind puis, pour tout automorphisme f de DModèle:Ind, notons hModèle:Ind l'élément Modèle:Math f(Modèle:Math) et kModèle:Ind la restriction de f à ZModèle:Ind. On vérifie alors que l'application f ↦ (hModèle:Ind, kModèle:Ind) est un isomorphisme de Aut(DModèle:Ind) dans ZModèle:Ind⋊Aut(ZModèle:Ind)[9].
Pour n ≠ 2, le groupe Aut(DModèle:Ind) est donc d'ordre nModèle:Math(n), où Modèle:Math est l'indicatrice d'Euler.
Le sous-groupe des automorphismes intérieurs est isomorphe à DModèle:Ind/Z(DModèle:Ind), donc Modèle:Supra à DModèle:Ind si n est impair et à DModèle:Ind si n est pair.
Les seules valeurs de n pour lesquelles les deux groupes Aut(DModèle:Ind) et DModèle:Ind ont même ordre, c'est-à-dire pour lesquelles Modèle:Math(n) = 2, sont n = 3, 4 et 6. Pour ces trois valeurs, Aut(DModèle:Ind) ≃ ZModèle:Ind⋊ZModèle:ExpInd ≃ ZModèle:Ind⋊ZModèle:Ind = DModèle:Ind[9].
Groupe diédral infini
Le Modèle:Lien[10] D∞ est défini comme le groupe diédral généralisé Modèle:Infra du groupe monogène infini C∞ = Z :
En posant Modèle:Math, on voit qu'il est isomorphe au produit libre C2 * C2 :
Son centre est trivial.
On peut interpréter D∞ comme le groupe d'automorphismes du graphe constitué d'un chemin infini dans les deux sens. De façon équivalente, il s'agit du groupe des isométries de Z.
Aut(D∞) est égal à D∞⋊ZModèle:Ind, où le sous-groupe normal D∞ est constitué des automorphismes intérieurs et où l'action de ZModèle:Ind sur D∞ = C2 * C2 consiste à échanger les deux facteurs. Par conséquent[9] :
Groupe diédral généralisé
Pour tout groupe abélien H, le Modèle:Lien de H, noté Dih(H), est le produit semi-direct de H par C2, l'action de C2 sur H étant l'inversion, i. e.
où φ(0) est l'application identité et φ(1) l'inversion des éléments.
On obtient ainsi, si H et C2 sont tous deux notés additivement :
- (h1, 0) * (h2, t2) = (h1 + h2, t2)
- (h1, 1) * (h2, t2) = (h1 − h2, 1 + t2)
pour tous h1, h2 dans H et t2 dans C2.
(Si C2 est noté multiplicativement, ces deux formules se résument en (h1, t1) * (h2, t2) = (h1 + t1h2, t1t2) .)
Le sous-groupe de Dih(H) constitué des éléments de la forme (h, 0) est un sous-groupe normal d'indice 2, isomorphe à H. Quant aux éléments de la forme (h, 1), chacun est son propre inverse.
Les classes de conjugaison sont
- les ensembles {(h,0 ), (−h,0 )} ;
- les ensembles {(h + k + k, 1) | k dans H }.
Ainsi, pour tout sous-groupe M de H, les éléments correspondants (m,0) forment aussi un sous-groupe normal de Dih(H) isomorphe à M, et l'on a :
Exemples :
- D2n = Dih(Cn).
- Si n est pair, il y a deux ensembles de la forme {(h + k + k, 1) | k dans H }, et chacun d'eux engendre un sous-groupe normal isomorphe à Dn. Ce sont deux sous-groupes du groupe des isométries d'un n-gone régulier, isomorphes mais distincts : tous deux contiennent les mêmes rotations, mais dans l'un des deux sous-groupes, chaque réflexion fixe deux des sommets, tandis que dans l'autre, les réflexions ne fixent aucun sommet.
- Si n est impair, il n'y a qu'un ensemble de la forme {(h + k + k, 1) | k dans H }.
- D∞ = Dih(Z) ; il y a deux ensembles de la forme {(h + k + k, 1) | k dans H }, et chacun d'eux engendre un sous-groupe isomorphe à D∞. Ce sont deux sous-groupes du groupe des isométries de Z, isomorphes mais distincts : tous deux contiennent les mêmes translations (par les entiers pairs), mais dans l'un des deux sous-groupes, chaque réflexion a un point fixe entier (son centre), tandis que dans l'autre, les réflexions sont sans point fixe entier (leurs centres sont des demi-entiers).
- Dih(S1) est isomorphe au groupe orthogonal O(2,R) des isométries du plan euclidien qui fixent l'origine ou de façon équivalente, au groupe des isométries du cercle. Les rotations forment le groupe SO(2,R), isomorphe au groupe additif R/Z, et également isomorphe au groupe multiplicatif S1 égal au cercle unité (constitué des nombres complexes de module 1). Dans ce dernier cas, l'une des réflexions (qui, avec les rotations, engendre tout le groupe), est la conjugaison complexe. Les sous-groupes normaux propres ne contiennent que des rotations. Les sous-groupes normaux discrets sont, pour chaque entier n, un sous-groupe cyclique d'ordre n, et les quotients sont isomorphes au même groupe Dih(S1).
- Dih(Rn ) est le groupe des translations et symétries centrales de Rn (qui, si n > 1 n'épuisent pas toutes les isométries).
- Dih(H) pour n'importe quel sous-groupe de Rn, par exemple un groupe discret ; dans ce cas, s'il agit dans les n directions, c'est un réseau.
- Les sous-groupes discrets de Dih(R2 ) qui contiennent des translations dans une seule direction sont les groupes de frise de types ∞∞ et 22∞.
- Ceux qui contiennent des translations dans deux directions sont les groupes de papier peint de types p1 et p2.
- Les sous-groupes discrets de Dih(R3 ) qui contiennent des translations dans trois directions sont les groupes d'espace de systèmes cristallin tricliniques.
Dih(H) est abélien si et seulement si le produit semi-direct est direct, c'est-à-dire si et seulement si chaque élément de H est son propre inverse, i. e. H est un 2-groupe abélien élémentaire : Dih(C2k) = C2k+1.
Notes et références
- ↑ Cette notation semble devenue prévalente. Modèle:Rotman1, 1999, p. 68 (Modèle:Google Livres), dit avoir abandonné DModèle:Ind en faveur de DModèle:Ind. J. Delcourt, Théorie des groupes, Modèle:2e éd., Dunod, tirage de 2012, p. 27, utilise la notation D2n.
- ↑ Voir Modèle:En M. Aschbacher, Finite Group Theory, Cambridge University Press, 2000, p. 141, Modèle:Google Livres.
- ↑ Modèle:Harvsp.
- ↑ Modèle:Ouvrage.
- ↑ Modèle:Harvsp.
- ↑ Modèle:En Modèle:Lien et Susan R. McKay, The Structure of Groups of Prime Power Order, Oxford University Press, 2002, cor. 3.3.4, (iii), p. 60-61, Modèle:Google Livres.
- ↑ Voir par exemple Produit semi-direct#Groupe dérivé, ou ce problème corrigé sur Wikiversité.
- ↑ Modèle:Harvsp.
- ↑ 9,0 9,1 et 9,2 Modèle:Article.
- ↑ Modèle:Harvsp.
Voir aussi
Bibliographie
- Modèle:Serre2.
- Bernard Charles et Denis Allouch, Algèbre générale, Paris, PUF, 1984.
- Modèle:Ouvrage.





