Loi des cosinus
En mathématiques, la loi des cosinus est un théorème de géométrie couramment utilisé en trigonométrie, qui relie dans un triangle la longueur d'un côté à celles des deux autres et au cosinus de l'angle formé par ces deux côtés. Cette loi s'exprime de façon analogue en géométrie plane, sphérique ou hyperbolique. Cette loi généralise le théorème de Pythagore.
Les Éléments d'Euclide contenaient déjà une approche géométrique de la généralisation du théorème de Pythagore dans deux cas particuliers : ceux d'un triangle obtusangle et d'un triangle acutangle. Le développement, au Moyen Âge, de la trigonométrie arabo-musulmane permit au théorème d'évoluer dans sa forme et dans sa portée : l'astronome et mathématicien al-Battani généralisa le résultat d'Euclide à la géométrie sphérique au début du Xe siècle, et l'introduction des fonctions trigonométriques permit à Ghiyath al-Kashi, mathématicien de l'école de Samarcande, de mettre le théorème sous une forme utilisable pour la triangulation au cours du Modèle:S[1]. La propriété a été popularisée en occident par François Viète qui l'a vraisemblablement redécouverte indépendamment.
En ce qui concerne la géométrie plane, cette loi est connue sous les noms de théorème d'Al-Kashi[alpha 1], ou encore théorème de Pythagore généralisé[2]. Le nom francisé du mathématicien persan Ghiyath Al-Kashi (1380-1429) apparut dans les années 1990 dans les manuels scolaires édités en France, les appellations théorème de Pythagore généralisé ou loi des cosinus étant utilisées jusque-là[3].
En géométrie plane
Énoncé

Fig. 1 - Notations usuelles dans un triangle quelconque - Soit un triangle ABC, dans lequel on utilise les notations usuelles exposées sur la figure 1 : d'une part , et pour les angles et, d'autre part, Modèle:Mvar, Modèle:Mvar et Modèle:Mvar pour les longueurs des côtés respectivement opposés à ces angles. Alors la loi des cosinus, ou relation d'Al-Kashi, s'écrit, concernant l'angle en C :
On obtient les relations concernant A et B par permutations.
Histoire

Les Éléments d'Euclide, du Modèle:-s-, contiennent déjà une approche géométrique de la généralisation du théorème de Pythagore : les propositions 12 et 13 du livre II, traitent séparément le cas d'un triangle obtusangle et celui d'un triangle acutangle. L'absence de fonction trigonométrique et d'algèbre oblige à formuler le théorème en termes de différences d'aires. Aussi la proposition 12 énonce-t-elle : Modèle:Citation bloc En notant ABC le triangle d'angle obtus C et H le pied de la hauteur issue de B, les notations modernes permettent de résumer l'énoncé ainsi :
Il faut attendre la trigonométrie arabo-musulmane au Moyen Âge pour voir le théorème évoluer dans sa forme et dans sa portée. Durant la même période sont établies les premières tables trigonométriques, pour les fonctions sinus et cosinus. En 1428, on trouve un énoncé du théorème, utilisant les cosinus, dans l'œuvre d'al-Kashi, Les clés de l'arithmétique[4].
C'est au début du Modèle:S- que les notations algébriques modernes permettent d'écrire le théorème sous sa forme actuelle et qu'il prend dans de nombreuses langues le nom de loi (ou théorème) des cosinus. Modèle:Clr
Le théorème et ses applications

La loi des cosinus généralise le théorème de Pythagore, puisqu'elle permet d'énoncer que l'angle Modèle:Mvar est droit (autrement dit Modèle:Math) si et seulement si Modèle:Math.
Plus généralement, le théorème s'utilise en triangulation pour résoudre un triangle, à savoir déterminer
- le troisième côté d'un triangle dont on connaît un angle et les côtés adjacents :
- ;
- les angles d'un triangle dont on connaît les trois côtés :
Ces formules sont instables numériquement dans le cas de triangles en épingle, c'est-à-dire lorsque Modèle:Mvar est petit devant Modèle:Mvar et Modèle:Mvar — ou, de façon équivalente, lorsque Modèle:Mvar est petit devant 1.
Il existe un corollaire de la loi des cosinus : pour deux triangles directement semblables ABC et A'B'C'
On peut aussi trouver la formule de Héron :
Partant de et des formules trigonométriques ,
on obtient les formules suivantes où Modèle:Mvar désigne le demi-périmètre :
On en déduit la surface S du triangle : Modèle:Clr
Démonstrations
Tout comme le théorème de Pythagore, la loi des cosinus possède de nombreuses démonstrations, certaines utilisant des propriétés sur les aires comme celles d'Euclide ou la loi des cosinus, d'autres utilisant des propriétés trigonométriques ou liées au cercle. Enfin, la loi des cosinus peut être vue comme une application des propriétés sur le produit scalaire[alpha 1].
Démonstration d'Euclide

La démonstration d'Euclide[6] par la proposition 12 (angle obtus) et 13 (angle aigu) s'appuie sur le théorème de Pythagore et fait intervenir le point H pied de la hauteur issue de B. Pour Euclide cette propriété est une propriété sur des aires. Pour l'angle obtus (proposition 12), Euclide construit le carré extérieur au triangle AHB de côté [AH] et remarque que
Il lui suffit alors d'ajouter l'aire du carré de côté HB
et d'utiliser le théorème de Pythagore deux fois
- dans le triangle rectangle AHB
- dans le triangle rectangle CHB
Après simplification, on obtient
Une démonstration analogue est réalisable pour l'angle aigu :
Démonstration d'Al-Kashi

Dans son livre Clé de l'arithmétique en 1429[7], Al-Kashi généralise le théorème de Pythagore et introduit dans l'égalité la trigonométrie.
Pour lui aussi, cette propriété est liée aux aires. Ainsi dans un triangle acutangle ABC, il mène par A, B et C les 3 hauteurs du triangle, qui découpent dans les carrés s'appuyant sur CB, CA et AB des rectangles.
Dans la figure ci-contre, on prouve l'égalité des aires des rectangles verts en prouvant l'égalité des aires des triangles
- JAE et JAB par glissement d'un sommet parallèlement à une base ;
- JAB et CAM par rotation d'angle droit ;
- CAM et FAM par glissement d'un sommet parallèlement à une base[8].
On fait de même pour les rectangles rouges.
Quant aux rectangles bleus, dont les côtés ont pour longueur CL (= CA) et CE (= CB cos Ĉ), pour l'un, et CI (= CB) et CD (= CA cos Ĉ) pour l'autre, ils ont même aire égale à CA × CB × cos Ĉ.
On en déduit par somme Modèle:Retrait

Une démonstration analogue est envisageable pour un triangle obtusangle en opérant par soustraction d'aires. Dans ce cas les points D et E, bases des hauteurs issues de A et B, sont extérieurs au triangle ABC. Par le même procédé de glissement de triangles et de rotation de 90° on voit que le grand carré ABMO a la même aire AB2 que la somme des rectangles AEJK et BDGH d'aire AE×AC+BD×BC. Or l'aire du carré de côté AC vaut : AC2=AE×AC-CE×AC et l'aire du carré de côté BC vaut : BC2=BD×BC-CD×BC. Et comme CD=AC×cos(π-Ĉ)=-AC×cosĈ et CE=BC×cos(π-Ĉ)=-BC×cosĈ, alors la somme s'écrit : AC2+BC2=AB2+2AC×BC×cosĈ. Sachant que cosĈ est négatif on vérifie bien une soustraction d'aire. Modèle:Clr
Par un découpage d'aires


Un certain nombre des démonstrations du théorème font intervenir un calcul d'aires[9]. Il convient en effet de remarquer que
- Modèle:Math, Modèle:Math et Modèle:Math sont les aires de carrés de côtés respectifs Modèle:Mvar, Modèle:Mvar et Modèle:Mvar ;
- Modèle:Math est celle d'un parallélogramme de côtés Modèle:Mvar et Modèle:Mvar formant un angle Modèle:Math, le changement de signe de Modèle:Math lorsque l'angle Modèle:Mvar devient obtus rendant une étude par cas obligatoire.
La figure 6a (ci-contre) découpe un heptagone de deux manières différentes de sorte à démontrer le théorème d'Al-Kashi dans le cas d'un angle aigu. Interviennent :
- en rose, les aires Modèle:Math, Modèle:Math à gauche, et les aires Modèle:Math et Modèle:Math à droite ;
- en bleu, le triangle ABC, à droite comme à gauche ;
- en gris, quelques triangles supplémentaires, identiques au triangle ABC et en même nombre dans les deux découpages.
L'égalité des aires de droite et de gauche donne
- .
La figure 6b (ci-contre) découpe un hexagone de deux manières différentes de façon à démontrer le théorème d'Al-Kashi dans le cas d'un angle obtus. La figure montre
- en rose, les aires Modèle:Math, Modèle:Math et Modèle:Math à gauche, et l'aire Modèle:Math à droite ;
- en bleu, deux fois le triangle ABC, à droite comme à gauche.
L'égalité des aires à droite et à gauche donne
- .
Une démonstration rigoureuse nécessiterait de prouver que les deux découpages sont effectivement identiques, ce qui utilise principalement les cas d'égalité des triangles. Modèle:Clr
Par le théorème de Pythagore

La figure 7 (ci-contre) indique la manière de procéder pour démontrer la loi des cosinus dans le cas d'un triangle à angles aigus en utilisant le théorème de Pythagore sur un sous-triangle rectangle formé en prenant le pied de la hauteur[10]. Seule la dernière étape n'est pas indiquée sur la figure : le théorème de Pythagore s'applique au triangle rectangle dont l'hypoténuse est le côté c :
En utilisant l'identité remarquable
on obtient le résultat escompté, après simplification :
La méthode est en tous points similaire pour les angles obtus, et conduit à un résultat identique. Modèle:Clr
En utilisant la puissance d'un point par rapport à un cercle

On considère le cercle de centre B et de rayon [BC] (cf. figure ci-contre). Il coupe la droite (AC) en C et K. La puissance du point A par rapport au dit cercle est :
d'où
- .
Contrairement aux précédentes, pour cette démonstration, il n'est pas nécessaire de recourir à une étude par cas. En effet, les mesures algébriques permettent de traiter pareillement un angle aigu Modèle:Nobr et un angle obtus Modèle:Nobr.
On trouve trace de l'utilisation de la puissance d'un point par rapport à un cercle pour déterminer tous les angles d'un triangle dont les longueurs sont connues, dans l'œuvre de Nicolas Copernic, Des révolutions des sphères célestes. Il présente ainsi deux algorithmes, l'un utilisant le théorème de Pythagore généralisé présent dans l'œuvre d'Euclide, l'autre utilisant la puissance d'un point par rapport à un cercle[11].
Ainsi dans une figure analogue à celle ci-contre, il fait remarquer que, Modèle:Mvar et Modèle:Mvar étant connus, la puissance du point A par rapport au cercle tracé est connue
- en langage mathématique actuel, elle vaut Modèle:Math
Il en déduit que, puisque Modèle:Mvar est connu, AK est connu.
- En effet donc
Puisque AK est connu, alors CK est connu.
- En effet, dans la figure ci-contre,
Enfin, il fait remarquer que CK étant connu, l'angle KCB est connu.
- En effet,
Et puisque l'angle KCB est connu, il en est de même de l'angle ACB.
- Ainsi, on retrouve la règle du cosinus :
Ne manipulant pas les mesures algébriques, Nicolas Copernic présente deux cas de figure pour l'angle obtus et l'angle aigu, travaille sur un cercle dont le rayon correspond au plus petit côté, et ne présente pas de formule, mais un algorithme de calcul. Une utilisation analogue de la puissance d'un point par rapport à un cercle pour retrouver la règle du cosinus est faite par Pitiscus[12].
À l'aide du produit scalaire
En utilisant le calcul vectoriel, plus précisément le produit scalaire, il est possible de retrouver la loi des cosinus en quelques lignes[alpha 1] :
En géométrie non euclidienne
Modèle:Section à sourcer Modèle:Référence nécessaire Modèle:Mvar par :
puis les Modèle:Référence nécessaire Modèle:Mvar, Modèle:Mvar et Modèle:Mvar du triangle par :
En géométrie sphérique

Le développement de la trigonométrie sphérique dans le monde arabo-musulman et le travail d'al-Battani sur celle-ci, conduisent Delambre dans son Histoire de l'astronomie du Moyen Âge[13] à attribuer à al-Battani, la première version de la loi des cosinus en trigonométrie sphérique. Cependant, pour Modèle:Lien[14], le travail d'al-Battani ne met pas en évidence de formule générale, et il faut attendre Regiomontanus, qui s'appuyant sur les travaux d'al-Battani, énonce et démontre la loi à l'aide des sinus verses[15]Modèle:,[16].
Dans un triangle sphérique ABC (Fig. 9), les dimensions réduites Modèle:Mvar, Modèle:Mvar et Modèle:Mvar correspondent à la mesure angulaire des segments de grand arc [BC], [AC] et [AB] et la loi des cosinus s'écrit[17] :
Il existe une identité similaire qui relie les trois angles :
Lorsque le rayon de courbure tend vers l'infini, c’est-à-dire lorsque Modèle:Mvar, Modèle:Mvar et Modèle:Mvar tendent vers 0, la loi des cosinus sphérique se simplifie pour donner la version euclidienne de la même loi. Pour le montrer, on utilise les développements limités suivants :
et on identifie les coefficients du second ordre dans la relation Modèle:Math, ce qui donne :
En géométrie hyperbolique
Pour un triangle hyperbolique ABC sur une pseudosphère, la loi des cosinus s'écrit
- .
Lorsque le rayon de courbure devient très grand devant les dimensions du triangle, on retrouve la loi des cosinus euclidienne à partir des développements limités
- ,
en identifiant les termes du second ordre.
Formule générale pour une surface de courbure constante
Modèle:Section à sourcer On peut regrouper les formules du plan, de la sphère et de la pseudosphère en une seule :
Avec et
Modèle:Mvar est un complexe, plus précisément le rayon de courbure de la surface.
Trois cas sont possibles :
- Modèle:Mvar réel : on est sur une sphère de rayon Modèle:Mvar, la courbure y est constante et égale à Modèle:Sfrac ;
- Modèle:Mvar imaginaire pur : on est sur une pseudosphère de rayon imaginaire Modèle:Math (Modèle:Mvar réel), la courbure y est constante et égale à Modèle:Sfrac = –Modèle:Sfrac ;
- Modèle:Mvar infini : on est sur un plan euclidien, la courbure y est constante et égale à .
- Validation en géométrie non-euclidienne
Dans les deux premiers cas, Modèle:Math et Modèle:Math sont bien définies sur le plan complexe pour tout Modèle:Mvar différent de 0, et le résultat est immédiat.
Ainsi, pour une sphère de rayon 1 :
- .
De même, pour une pseudosphère de rayon Modèle:Math :
- .
En effet, Modèle:Math et Modèle:Math.
- Validation en géométrie euclidienne
Pour le troisième cas, celui du plan euclidien, on peut généraliser Modèle:Math et Modèle:Math en passant à la limite :
et
- .
Il est moins aisé de retrouver la formule d'Al-Kashi. En effet, une transposition simple revient à écrire :
- ,
- ,
- ,
et
- .
Pour retrouver la formule d'Al-Kashi, il faut passer par un développement limité :
et
- .
Par application de la formule pour Modèle:Mvar fini, nous obtenons donc :
Ce qui donne par la suite :
Puis, en simplifiant un peu et en multipliant par Modèle:Math de chaque côté :
Ce qui donne bien la formule attendue lorsque Modèle:Mvar tend vers l'infini.
Généralisation à l'espace euclidien

On considère un tétraèdre A1A2A3A4 de l'espace euclidien. La figure 10 ci-contre présente les notations concernant les sommets, faces et angles dans le tétraèdre :
- la face opposée au sommet ;
- la surface de ;
- le plan dans lequel est plongée ;
- l'angle diédral .
Alors, surfaces et angles vérifient[18]Modèle:,[19] :
Notes et références
Notes
Références
Voir aussi
Bibliographie
- N. Éfimov, Géométrie supérieure, Moscou, éditions Mir, 1981
- Modèle:Ouvrage
- Antoine Arnauld, Nouveaux éléments de géométrie, Paris, Charles Savreux, 1667, Modèle:P. (sixième théorème)
- A. Amiot, Éléments de géométrie, Paris, Delagrave, Modèle:14e éd., 1870, Modèle:P.
- Paul-Louis Cirodde, Leçons de géométrie, Paris, Hachette, Modèle:3e éd., 1858, Modèle:P. (théorème XI)
Articles connexes
Liens externes
- ↑ Modèle:Lien web.
- ↑ Modèle:Ouvrage.
- ↑ Modèle:Lien web.
- ↑ Modèle:Article (Modèle:P.).
- ↑ On peut aussi n'utiliser que la formule Modèle:Nobr :
- ↑ Denis Henrion (trad.), Les quinze livres des éléments géométriques d'Euclide, 1632, Modèle:P..
- ↑ Selon Modèle:Harvsp, la démonstration se trouve dans KASHI (al) (1967): Miftam al-misab [Clé de l'Arithmétique], al-Damardache, A. S. & al-Manfi al-Shikh, M. M. (Edit.), Le Caire, Dar al-Kitab al-cArabi li at-tibaqa wa an-Nashr, Modèle:P..
- ↑ Voir cette Modèle:Commons-inline.
- ↑ Voir par exemple Modèle:Ouvrage, et plus généralement l'article « Preuve sans mots ».
- ↑ Modèle:Harvsp.
- ↑ Modèle:La N. Copernic, De revolutionibus orbium coelestium, Livre I, chap. XII, § VII, [[s:la:Pagina:Nicolai Copernici torinensis De revolutionibus orbium coelestium.djvu/54|Modèle:P.]] et [[s:la:Pagina:Nicolai Copernici torinensis De revolutionibus orbium coelestium.djvu/55|Modèle:P.]], respectivement.
- ↑ Modèle:Ouvrage.
- ↑ Modèle:Ouvrage
- ↑ Modèle:Ouvrage, note 1.
- ↑ Modèle:Harvsp.
- ↑ Modèle:Lien web.
- ↑ Voir l'article « Trigonométrie sphérique », et une démonstration différente de celle de l'article, par exemple, le « cours » de cartographie de David Madore.
- ↑ Modèle:Ouvrage
- ↑ Modèle:Article, cité par Modèle:MathWorld.
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