Principe fondamental d'Ehrenpreis

De testwiki
Aller à la navigation Aller à la recherche

En mathématiques, le principe fondamental d'Ehrenpreis joue un rôle très important dans la théorie des systèmes d'équations linéaires aux dérivées partielles à coefficients constants. On dit d'un espace fonctionnel 𝒲 qu'il vérifie le principe fondamental s'il est un 𝔇-module, où 𝔇 est l'anneau des opérateurs différentiels, et si les solutions exponentielles-polynômes du système homogène forment un sous-ensemble total de l'espace des solutions dans une puissance de 𝒲. C'est le cas des fonctions indéfiniment dérivables et des distributions sur un ouvert convexe de n. Ce théorème a d'abord été énoncé[1] par Modèle:Lien[2]Modèle:,[3], puis démontré par Victor P. Palamodov[4] et indépendamment par Bernard Malgrange[5]Modèle:,[6], et enfin par Ehrenpreis lui-même[7] ; on devrait donc l'appeler plus justement (malgré la tradition) « principe fondamental d'Ehrenpreis-Palamodov-Malgrange ».

Ce résultat, qui a son intérêt propre, a des conséquences très importantes : d'une part on en déduit que tout opérateur différentiel scalaire à coefficients constants admet une solution fondamentale (ou « fonction de Green »), résultat dû à Ehrenpreis[8] et Malgrange[9] (indépendamment et avec des méthodes différentes) ; d'autre part, il permet de déterminer de manière algébrique s'il existe des solutions, dans une puissance de 𝒲, à un système différentiel linéaire aux dérivées partielles non homogène à coefficients constants : il faut et il suffit (lorsque 𝒲 vérifie le principe fondamental) que le second membre vérifie des « conditions de compatibilité ». Les espaces 𝒲 vérifiant le principe fondamental sont des 𝔇-modules injectifs. L'espace des fonctions indéfiniment dérivables et celui des distributions sur un ouvert convexe de n ont donc cette dernière propriété ; il en va de même de l'espace des hyperfonctions sur un tel ouvert.

Principe fondamental

Introduction

Considérons tout d'abord une équation différentielle (ordinaire) linéaire à coefficients constants

R(D)u=0

D=i, =ddx et où R(D)𝔇 avec 𝔇=[D]. Soit la décomposition en facteur premiers de R(ζ) sur [ζ] :

R(ζ)=σ=1μPσ(ζ)

Pσ=pσρσ avec pσ(ζ)=ζζσ (ζσ, ρσ1). La solution générale de R(D)u=0 est maintenant bien connue[10], mais en vue de la généralisation qui va suivre nous allons indiquer une méthode algébrique (ou, plus précisément, relevant de l'« analyse algébrique ») pour déterminer cette solution. Posons N=[ζ]R(ζ) et Qσ=[ζ]Pσ(ζ). On a

N=ρ=1μQσ

et cette expression est la décomposition primaire de l'idéal N de [ζ] (les idéaux primaires étant les Qσ). On a d'après le théorème des restes chinois, puisque les Qσ sont premiers entre eux pris deux à deux,

[ζ]N=σ=1μ[ζ]Qσ.

D'autre part, l'espace des solutions dans un espace fonctionnel 𝒲 (qu'on suppose être un 𝔇-module) de l'équation R(D)u=0 s'identifie à[6]

Hom𝔇(𝔇𝔇R(D),𝒲)=Hom𝔇(coker𝔇(R),𝒲)

(voir l'article Module injectif). Or, on a d'après ce qui précède

Hom𝔇(𝔇𝔇R,𝒲)σ=1μHom𝔇(𝔇𝔇Pσ,𝒲),

soit donc ker𝒲(R)σ=1μker𝒲(Pσ).

Prenons 𝒲=() (où ()=C()). Comme il est bien connu, tout élément de ker𝒲(Pσ) est de la forme

uσ(x)=l=1ρσλσ,lσ,l(ζσ,x)eixζσ

λσ,l et σ,l(ζσ,x)=xl1. On obtient donc le résultat classique

u(x)=σ=1μl=1ρσλσ,lσ,l(ζσ,x)eixζσ.

Il en irait de même si l'on avait choisi pour 𝒲 l'espace des distributions 𝒟() ou l'espace des combinaisons linéaires d'exponentielles-polynômes

𝒫()=ζ[x]eixζ

Soit 𝔭σ=Qσ l'idéal premier appartenant à Qσ (i.e. 𝔭σ=[ζ](ζζσ)) et Vσ=𝒵(𝔭σ) la variété algébrique associée à 𝔭σ (voir l'article Décomposition primaire). On a évidemment ici Vσ={ζσ} et on peut écrire

u(x)=σ=1μl=1ρσVσσ,l(ζ,x)eixζdμσ,l(ζ)

μσ,l est la mesure sur Vσ donnée par μσ,l{Vσ}=λσ,l. C'est sous cette forme que la solution est généralisée dans ce qui suit[11].

On appelle variété caractéristique du 𝔇-module coker𝔇(R) l'ensemble algébrique V=𝒵([ζ]/N). On a

V=1σμVσ

où les Vσ=𝒵(𝔭σ) sont les composantes irréductibles de V (voir l'article Décomposition primaire).

Notons encore que les polynômes σ,l(ζ,x) ont la propriété suivante : un polynôme f(ζ)[ζ] appartient à Qσ si, et seulement si

σ,l(ζ,ζ)f(ζ)𝔭σ (l=1,...,ρσ).

Les σ,l(ζ,ζ) (l=1,...,ρσ) sont appelés des opérateurs noethériens attachés à l'idéal primaire Qσ (terminologie de Palamodov[4]).

Représentation intégrale des solutions

La représentation intégrale détaillée des solutions, telle que présentée ci-dessous, a tout d'abord été obtenue par Palamodov[4], dont la terminologie est réutilisée dans cet article.

Définition du système différentiel

Considérons à présent le système multidimentionnel d'équation

R(D)u=0

D=(D1,...,Dn), Dj=ij=ixj, Dα=(i)|α|α, α=(α1,...,αn), 𝔇=[D] et R(D)𝔇q×k (voir l'article Opérateur différentiel). Soit alors M=coker𝔇(R(D)). Ce 𝔇-module M de présentation finie est une représentation intrinsèque du système considéré (voir l'article Système linéaire). L'anneau 𝔇 est noethérien d'après le théorème de la base de Hilbert.

Soit 𝒲 un espace fonctionnel qui est un 𝔇-module. Le -espace vectoriel des solutions du système défini par M dans 𝒲k s'identifie à

𝔅𝒲=Hom𝔇(M,𝒲).

(voir l'article Module injectif).

Variété caractéristique

La variété caractéristique associée au 𝔇-module M est par définition l'ensemble algébrique V associé au module coker[ζ](R(ζ))ζ=(ζ1,...,ζn). Cet ensemble coïncide avec l'ensemble des zn pour lesquels rangR(z)<k. La notion de variété caractéristique rend notamment possible la classification suivante des systèmes différentiels : le système est dit

  • déterminé si dimV<n (où dimV est la dimension de V: voir l'article Décomposition primaire) ;
  • surdéterminé si dimV<n1 ;
  • sous-déterminé si dimV=n, i.e. V=n.

Le cas d'un système sous-déterminé est écarté dans le reste de ce paragraphe. Généralisons les notations de l'introduction ci-dessus, en posant N=[ζ]1×qR(ζ)[ζ]1×k. Soit

N=ρ=1μQσ

la décomposition primaire de N, 𝔭σ=Qσ l'idéal premier appartenant à Qσ et Vσ=𝒵(𝔭σ) la variété algébrique associée à 𝔭σ. On a de nouveau

V=1σμVσ.

Le lemme de normalisation de Noether entraîne qu'il existe un entier nσ,0nσn1, tel que (i) 𝔭σ[ζσ]=0, où ζσ=(ζ1,...,ζnσ), et (ii) [ζ]/𝔭σ est un [ζσ]-module de type fini. Soit Kσ le corps des fractions de l'anneau intègre [ζ]/𝔭σ et eσ=dim(ζσ)Kσ.

Ce nombre eσ est la multiplicité de la variété algébrique Vσ, c'est-à-dire le nombre de points de VσAσAσ est une variété affine de n de dimension nnσ, en position générale[12].

Opérateurs noethériens et solutions exponentielles-polynômes

Le [ζσ]-module [ζ]1×k/Qσ est de type fini. Soit rσ son rang, i.e.

rσ=dim(ζσ)((ζσ)[ζσ]([ζ]1×k/Qσ)).

On montre que ρσ=rσ/eσ est un entier[12]. Pour tout σ{1,...,μ}, il existe des opérateurs noethériens, dits attachés au [ζ]-module Qσ, et notés

σ,l(ζ,ζσ)[ζ,ζ]1×k (l=1,...,ρσ)

ζσ=(ζnσ+1,...,ζn), ayant la propriété caractéristique suivante :

f(ζ)[ζ]1×k et σ,l(ζ,ζ)f(ζ)𝔭σ(l=1,...,ρσ)f(ζ)Qσ

𝐚𝐛=1ikaibi lorsque 𝐚,𝐛1×k.

Dans la suite, [ζ,ζ] est plongé dans [ζ,x]x=(x1,...,xn) et on peut donc écrire σ,l=σ,l(ζ,x). Soit

𝒲0=ζn[x]eix,ζ

l'espace des combinaisons linéaires d'exponentielles-polynômes sur n. On a le résultat suivant[13] :

Modèle:Théorème

Exemple

Considérons l'exemple suivant, dû à Palamodov[4], et détaillé par Hörmander[13] et Björk[12] :

R(D)=[D22D32D2D1D3]

d'où R(ζ)=[ζ22ζ32ζ2ζ1ζ3].

On vérifie que N=[ζ]R(ζ) est un idéal primaire Q ; on peut donc dans ce qui suit omettre l'indice σ puisqu'il ne prend que la valeur 1. La variété caractéristique V s'obtient en écrivant rangR(z)<k, soit encore R(z)=0, d'où z2=z3=0 ; il s'agit donc de l'axe z1, et sa multiplicité est e=1. On vérifie aussi que 𝔭=Q est l'idéal ζ2[ζ]+ζ3[ζ] ; cet idéal est écrit pour plus de simplicité [ζ2,ζ3]. Le quotient [ζ]/Q est engendré par les images canoniques ζ¯2 et ζ¯3 (ce qu'on écrira [ζ]/Q=[ζ¯2,ζ¯3]), on a ζ=ζ1, et le rang r de [ζ]/Q sur [ζ1]/Q est égal à 2. Par conséquent, ρ=r/e=2. On peut choisir comme opérateurs noethériens[14] 1(ζ,ζ)=1 et 2(ζ,ζ)=ζ1ζ2+ζ3 avec ζ=(ζ2,ζ3). En effet, on vérifie que

{1.f(ζ)[ς2,ς3]ζ1fζ2+fζ3[ζ2,ζ3]f(ζ)[ζ22,ζ32,ζ2ζ1ζ3].

Les solutions exponentielles-polynômes du système différentiel forment donc le -espace vectoriel engendré par u:xu(x)

u(x)=eix1ζ1+(ζ2x2+x3)eix1ζ1

comme on le vérifie facilement a posteriori. On notera que 2(ζ,ζ) dépend de ζ et cette dépendance est inévitable dans cet exemple. Une méthode systématique pour déterminer des opérateurs noethériens associés à un module primaire a été obtenue par Oberst[15].

Principe fondamental

Soit Kn un compact convexe. Nous caractérisons ici les solutions dans Cν(K), l'espace des (germes de) fonctions ν fois continûment différentiables dans un voisinage ouvert de K[13]. La fonction support de K est

HK(ξ)=sup\limits xKx,ξ.

Soit

ν=sup1σμ{nnσ}.

Modèle:Théorème

D'autres conditions fournissent les solutions dans des espaces de distributions[4] ou d'hyperfonctions[16].

On suppose dans tout ce qui suit que l'anneau 𝔇 est muni de la topologie discrète, ce qui en fait un anneau topologique.

Modèle:Théorème

Le résultat suivant est clair :

Modèle:Théorème

On a d'autre part le résultat suivant[5]Modèle:,[4]Modèle:,[7] :

Modèle:Théorème

L'espace (Ω) des hyperfonctions sur un ouvert convexe Ω de n n'est pas un espace vectoriel topologique, néanmoins une représentation intégrale telle que ci-dessus existe pour une hyperfonction u(x), les intégrales devant être prises au sens des hyperfonctions[16] (ce résultat est dû à Kaneto).

Systèmes différentiels non homogènes

Position du problème

Considérons maintenant le système multidimentionnel d'équation

R1(D)u=f

où l'opérateur D est défini comme plus haut ; 𝔇 désigne de nouveau l'anneau des opérateurs différentiels et R1(D)𝔇q1×k1. Le second membre v appartient à 𝒲q1𝒲 un espace fonctionnel qui est un 𝔇-module. La question qui se pose est de savoir si ce système admet des solutions u𝒲k1.

Condition de compatibilité

Puisque l'anneau 𝔇 est noethérien, il existe une matrice R2(D)𝔇q2×k2, avec k2=q1, pour laquelle la suite

𝔇1×q2R2(D)𝔇1×q1R1(D)𝔇1×k1

est exacte, c'est-à-dire ker𝔇(R1(D))=im𝔇(R2(D)).

En effet, ker𝔇(R1(D))𝔇1×q1 est de type fini, et il suffit donc de choisir une matrice R2(D) dont les lignes forment un ensemble générateur de ker𝔇(R1(D)) (ce raisonnement resterait valable si 𝔇 était seulement un anneau cohérent).

Puisque R2(D)R1(D)=0, pour que le système ci-dessus ait une solution, il faut évidemment que la condition de compatibilité

R2(D)f=0

soit satisfaite. La question qui se pose est de savoir si cette condition de compatibilité, qui est nécessaire, est suffisante pour que le système différentiel admette une solution, c'est-à-dire si l'on a

im𝒲(R1(D))=ker𝒲(R2(D)).

Principe fondamental, injectivité et platitude

Modèle:Théorème

Modèle:Démonstration

Modèle:Théorème

Modèle:Démonstration

Oberst[17]Modèle:,[18] a montré que l'espace 𝒲0 des combinaisons linéaires d'exponentielles-polynômes est le 𝔇-module cogénérateur canonique.

Modèle:Théorème

Modèle:Démonstration

En outre, le module des hyperfonctions sur un ouvert convexe de n est un cogénérateur injectif (d'après un résultat dû à Komatsu[19]). Pour que (Ω) soit un 𝔇-module divisible, l'ouvert Ω étant connexe, il est nécessaire (et suffisant) que Ω soit convexe (résultat dû à Malgrange[6]).

En liaison avec le corollaire ci-dessus, on obtient par dualité le résultat suivant[4] :

Modèle:Théorème

On notera qu'un 𝔇-module injectif ne vérifie pas nécessairement le principe fondamental au sens précisé ci-dessus. Par exemple, l'espace 𝒮(n) des distributions tempérées sur n est un 𝔇-module injectif[20], mais ne contient pas les exponentielles-polynômes, et n'est donc pas cogénérateur. (Néanmoins, son dual 𝒮(n), à savoir l'espace de Schwartz des fonctions déclinantes, est un 𝔇-module plat[6], ce qu'on peut conclure aussi d'un résultat général sur la dualité entre injectivité et platitude[21].)

Notes et références

Notes

Modèle:Références

Références

Articles connexes

Modèle:Portail

  1. Avec une erreur, heureusement sans conséquence majeure, relevée et corrigée par Palamodov.
  2. Modèle:Harvsp
  3. Modèle:Harvsp
  4. 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 et 4,6 Modèle:Harvsp
  5. 5,0 et 5,1 Modèle:Harvsp
  6. 6,0 6,1 6,2 et 6,3 Modèle:Harvsp
  7. 7,0 et 7,1 Modèle:Harvsp
  8. Modèle:Harvsp
  9. Modèle:Harvsp
  10. Modèle:Harvsp
  11. Cette écriture peut paraître redondante et exagérément compliquée, avec notamment la dépendance de σ,l par rapport à ζ, mais elle est indispensable en vue de la génération effectuée plus loin et qui est le but principal de cet article ; cette dépendance est alors polynômiale, et son omission est l'erreur initiale d'Ehrenpreis déjà mentionnée.
  12. 12,0 12,1 et 12,2 Modèle:Harvsp
  13. 13,0 13,1 et 13,2 Modèle:Harvsp
  14. Ce choix n'est pas unique.
  15. Modèle:Harvsp
  16. 16,0 et 16,1 Modèle:Harvsp
  17. Modèle:Harvsp
  18. Modèle:Harvsp
  19. Modèle:Harvsp
  20. Modèle:Harvsp
  21. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Bourles