Principe fondamental d'Ehrenpreis
En mathématiques, le principe fondamental d'Ehrenpreis joue un rôle très important dans la théorie des systèmes d'équations linéaires aux dérivées partielles à coefficients constants. On dit d'un espace fonctionnel qu'il vérifie le principe fondamental s'il est un -module, où est l'anneau des opérateurs différentiels, et si les solutions exponentielles-polynômes du système homogène forment un sous-ensemble total de l'espace des solutions dans une puissance de . C'est le cas des fonctions indéfiniment dérivables et des distributions sur un ouvert convexe de . Ce théorème a d'abord été énoncé[1] par Modèle:Lien[2]Modèle:,[3], puis démontré par Victor P. Palamodov[4] et indépendamment par Bernard Malgrange[5]Modèle:,[6], et enfin par Ehrenpreis lui-même[7] ; on devrait donc l'appeler plus justement (malgré la tradition) « principe fondamental d'Ehrenpreis-Palamodov-Malgrange ».
Ce résultat, qui a son intérêt propre, a des conséquences très importantes : d'une part on en déduit que tout opérateur différentiel scalaire à coefficients constants admet une solution fondamentale (ou « fonction de Green »), résultat dû à Ehrenpreis[8] et Malgrange[9] (indépendamment et avec des méthodes différentes) ; d'autre part, il permet de déterminer de manière algébrique s'il existe des solutions, dans une puissance de , à un système différentiel linéaire aux dérivées partielles non homogène à coefficients constants : il faut et il suffit (lorsque vérifie le principe fondamental) que le second membre vérifie des « conditions de compatibilité ». Les espaces vérifiant le principe fondamental sont des -modules injectifs. L'espace des fonctions indéfiniment dérivables et celui des distributions sur un ouvert convexe de ont donc cette dernière propriété ; il en va de même de l'espace des hyperfonctions sur un tel ouvert.
Principe fondamental
Introduction
Considérons tout d'abord une équation différentielle (ordinaire) linéaire à coefficients constants
où , et où avec . Soit la décomposition en facteur premiers de sur :
où avec (, ). La solution générale de est maintenant bien connue[10], mais en vue de la généralisation qui va suivre nous allons indiquer une méthode algébrique (ou, plus précisément, relevant de l'« analyse algébrique ») pour déterminer cette solution. Posons et . On a
et cette expression est la décomposition primaire de l'idéal N de (les idéaux primaires étant les ). On a d'après le théorème des restes chinois, puisque les sont premiers entre eux pris deux à deux,
- .
D'autre part, l'espace des solutions dans un espace fonctionnel (qu'on suppose être un -module) de l'équation s'identifie à[6]
(voir l'article Module injectif). Or, on a d'après ce qui précède
- ,
soit donc .
Prenons (où ). Comme il est bien connu, tout élément de est de la forme
où et . On obtient donc le résultat classique
- .
Il en irait de même si l'on avait choisi pour l'espace des distributions ou l'espace des combinaisons linéaires d'exponentielles-polynômes
Soit l'idéal premier appartenant à (i.e. ) et la variété algébrique associée à (voir l'article Décomposition primaire). On a évidemment ici et on peut écrire
où est la mesure sur donnée par . C'est sous cette forme que la solution est généralisée dans ce qui suit[11].
On appelle variété caractéristique du -module l'ensemble algébrique . On a
où les sont les composantes irréductibles de V (voir l'article Décomposition primaire).
Notons encore que les polynômes ont la propriété suivante : un polynôme appartient à si, et seulement si
- ().
Les () sont appelés des opérateurs noethériens attachés à l'idéal primaire (terminologie de Palamodov[4]).
Représentation intégrale des solutions
La représentation intégrale détaillée des solutions, telle que présentée ci-dessous, a tout d'abord été obtenue par Palamodov[4], dont la terminologie est réutilisée dans cet article.
Définition du système différentiel
Considérons à présent le système multidimentionnel d'équation
où , , , , et (voir l'article Opérateur différentiel). Soit alors . Ce -module M de présentation finie est une représentation intrinsèque du système considéré (voir l'article Système linéaire). L'anneau est noethérien d'après le théorème de la base de Hilbert.
Soit un espace fonctionnel qui est un -module. Le -espace vectoriel des solutions du système défini par M dans s'identifie à
- .
(voir l'article Module injectif).
Variété caractéristique
La variété caractéristique associée au -module M est par définition l'ensemble algébrique V associé au module où . Cet ensemble coïncide avec l'ensemble des pour lesquels . La notion de variété caractéristique rend notamment possible la classification suivante des systèmes différentiels : le système est dit
- déterminé si (où est la dimension de V: voir l'article Décomposition primaire) ;
- surdéterminé si ;
- sous-déterminé si , i.e. .
Le cas d'un système sous-déterminé est écarté dans le reste de ce paragraphe. Généralisons les notations de l'introduction ci-dessus, en posant . Soit
la décomposition primaire de N, l'idéal premier appartenant à et la variété algébrique associée à . On a de nouveau
- .
Le lemme de normalisation de Noether entraîne qu'il existe un entier , tel que (i) , où , et (ii) est un -module de type fini. Soit le corps des fractions de l'anneau intègre et .
Ce nombre est la multiplicité de la variété algébrique , c'est-à-dire le nombre de points de où est une variété affine de de dimension , en position générale[12].
Opérateurs noethériens et solutions exponentielles-polynômes
Le -module est de type fini. Soit son rang, i.e.
- .
On montre que est un entier[12]. Pour tout , il existe des opérateurs noethériens, dits attachés au -module , et notés
- ()
où , ayant la propriété caractéristique suivante :
- et
où lorsque .
Dans la suite, est plongé dans où et on peut donc écrire . Soit
l'espace des combinaisons linéaires d'exponentielles-polynômes sur . On a le résultat suivant[13] :
Exemple
Considérons l'exemple suivant, dû à Palamodov[4], et détaillé par Hörmander[13] et Björk[12] :
d'où .
On vérifie que est un idéal primaire Q ; on peut donc dans ce qui suit omettre l'indice puisqu'il ne prend que la valeur 1. La variété caractéristique V s'obtient en écrivant , soit encore , d'où ; il s'agit donc de l'axe , et sa multiplicité est . On vérifie aussi que est l'idéal ; cet idéal est écrit pour plus de simplicité . Le quotient est engendré par les images canoniques et (ce qu'on écrira ), on a , et le rang r de sur est égal à 2. Par conséquent, . On peut choisir comme opérateurs noethériens[14] et avec . En effet, on vérifie que
- .
Les solutions exponentielles-polynômes du système différentiel forment donc le -espace vectoriel engendré par où
comme on le vérifie facilement a posteriori. On notera que dépend de et cette dépendance est inévitable dans cet exemple. Une méthode systématique pour déterminer des opérateurs noethériens associés à un module primaire a été obtenue par Oberst[15].
Principe fondamental
Soit un compact convexe. Nous caractérisons ici les solutions dans , l'espace des (germes de) fonctions fois continûment différentiables dans un voisinage ouvert de K[13]. La fonction support de K est
- .
Soit
- .
D'autres conditions fournissent les solutions dans des espaces de distributions[4] ou d'hyperfonctions[16].
On suppose dans tout ce qui suit que l'anneau est muni de la topologie discrète, ce qui en fait un anneau topologique.
Le résultat suivant est clair :
On a d'autre part le résultat suivant[5]Modèle:,[4]Modèle:,[7] :
L'espace des hyperfonctions sur un ouvert convexe de n'est pas un espace vectoriel topologique, néanmoins une représentation intégrale telle que ci-dessus existe pour une hyperfonction , les intégrales devant être prises au sens des hyperfonctions[16] (ce résultat est dû à Kaneto).
Systèmes différentiels non homogènes
Position du problème
Considérons maintenant le système multidimentionnel d'équation
où l'opérateur D est défini comme plus haut ; désigne de nouveau l'anneau des opérateurs différentiels et . Le second membre v appartient à où un espace fonctionnel qui est un -module. La question qui se pose est de savoir si ce système admet des solutions .
Condition de compatibilité
Puisque l'anneau est noethérien, il existe une matrice , avec , pour laquelle la suite
est exacte, c'est-à-dire .
En effet, est de type fini, et il suffit donc de choisir une matrice dont les lignes forment un ensemble générateur de (ce raisonnement resterait valable si était seulement un anneau cohérent).
Puisque , pour que le système ci-dessus ait une solution, il faut évidemment que la condition de compatibilité
soit satisfaite. La question qui se pose est de savoir si cette condition de compatibilité, qui est nécessaire, est suffisante pour que le système différentiel admette une solution, c'est-à-dire si l'on a
- .
Principe fondamental, injectivité et platitude
Oberst[17]Modèle:,[18] a montré que l'espace des combinaisons linéaires d'exponentielles-polynômes est le -module cogénérateur canonique.
En outre, le module des hyperfonctions sur un ouvert convexe de est un cogénérateur injectif (d'après un résultat dû à Komatsu[19]). Pour que soit un -module divisible, l'ouvert étant connexe, il est nécessaire (et suffisant) que soit convexe (résultat dû à Malgrange[6]).
En liaison avec le corollaire ci-dessus, on obtient par dualité le résultat suivant[4] :
On notera qu'un -module injectif ne vérifie pas nécessairement le principe fondamental au sens précisé ci-dessus. Par exemple, l'espace des distributions tempérées sur est un -module injectif[20], mais ne contient pas les exponentielles-polynômes, et n'est donc pas cogénérateur. (Néanmoins, son dual , à savoir l'espace de Schwartz des fonctions déclinantes, est un -module plat[6], ce qu'on peut conclure aussi d'un résultat général sur la dualité entre injectivité et platitude[21].)
Notes et références
Notes
Références
- Modèle:Ouvrage
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- Modèle:Article
- Modèle:Dieudonné2
- Modèle:Article
- Modèle:Article
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- Modèle:Ouvrage (Première édition : Wiley & Sons, 1970)
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- Modèle:Article
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- Modèle:Article
- Modèle:Article
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- Modèle:Ouvrage
- Modèle:Ouvrage
- Modèle:Ouvrage
Articles connexes
- ↑ Avec une erreur, heureusement sans conséquence majeure, relevée et corrigée par Palamodov.
- ↑ Modèle:Harvsp
- ↑ Modèle:Harvsp
- ↑ 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 et 4,6 Modèle:Harvsp
- ↑ 5,0 et 5,1 Modèle:Harvsp
- ↑ 6,0 6,1 6,2 et 6,3 Modèle:Harvsp
- ↑ 7,0 et 7,1 Modèle:Harvsp
- ↑ Modèle:Harvsp
- ↑ Modèle:Harvsp
- ↑ Modèle:Harvsp
- ↑ Cette écriture peut paraître redondante et exagérément compliquée, avec notamment la dépendance de par rapport à , mais elle est indispensable en vue de la génération effectuée plus loin et qui est le but principal de cet article ; cette dépendance est alors polynômiale, et son omission est l'erreur initiale d'Ehrenpreis déjà mentionnée.
- ↑ 12,0 12,1 et 12,2 Modèle:Harvsp
- ↑ 13,0 13,1 et 13,2 Modèle:Harvsp
- ↑ Ce choix n'est pas unique.
- ↑ Modèle:Harvsp
- ↑ 16,0 et 16,1 Modèle:Harvsp
- ↑ Modèle:Harvsp
- ↑ Modèle:Harvsp
- ↑ Modèle:Harvsp
- ↑ Modèle:Harvsp
- ↑ Erreur de référence : Balise
<ref>incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nomméesBourles