Suite automatique

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En mathématique, en combinatoire des mots et en théorie des automates, une suite automatique (ou suite k-automatiquek est un entier) est une suite infinie de symboles qui peut être caractérisée de plusieurs manières équivalentes : par automate fini déterministe, par morphisme uniforme, par noyau ou par série formelle. Par exemple, la caractérisation par automates est la suivante : une suite est k-automatique s'il existe un automate tel que le n-ième terme de la suite est fonction de l'état atteint par cet automate après lecture de n en base k[1]. L'exemple par excellence d'une suite 2-automatique est la suite de Prouhet-Thue-Morse.

Un ensemble k-reconnaissable de nombres est un ensemble S d'entiers naturels dont la suite caractéristique est k-automatique ; en d'autres termes, S est k-reconnaissable si la suite (sn)n0, définie par sn=1 si nS et sn=0 sinon, est k-automatique.

Un nombre réel automatique (plus précisément un nombre réel k-automatique) est un nombre réel dont le développement en base k est une suite k-automatique[2].

Tout nombre réel automatique est soit rationnel, soit transcendant[3]. Ce théorème fournit une large classe de nombres transcendants. Par exemple, la constante de Prouhet-Thue-Morse, dont le développement binaire 0,01101001100101102 est donné par la suite du même nom, est un nombre transcendant.

Définitions équivalentes

Définition par automate

Les automates utilisés pour définir les suites automatiques généralisent légèrement les automates finis déterministes complets : ils sont toujours finis, déterministes et complets, et leur résultat est toujours fonction de l'état d'arrivée, mais ce résultat n'est plus nécessairement une réponse binaire (accepté ou refusé). Autrement dit, au lieu de marquer chaque état comme terminal ou non terminal, on marque chaque état par un symbole de sortie choisi dans un certain ensemble.

Un tel automate est appelé en anglais Modèle:Citation étrangère et abrégé (D)FAO, ce qu'on peut traduire par « automate (déterministe complet) avec sortie ». Cette notion diffère de celle d'automate transducteur (automate de Mealy ou automate de Moore), qui émet un résultat fonction de la séquence d'états et de transitions empruntés, plutôt que de l'état d'arrivée seul.

Automate déterministe complet avec sortie

Un automate déterministe complet avec sortie[4] est un n-uplet 𝒜=(Σ,A,Q,q0,δ,π) où :

  • Σ est un ensemble fini dit « alphabet », ses éléments sont les lettres des mots lus en entrée ;
  • A est un ensemble dont les éléments sont appelés les « symboles de sortie » ;
  • Q est un ensemble fini dont les éléments sont appelés les « états » de l'automate ;
  • q0Q est un état dit l'« état initial » ;
  • δ:Q×ΣQ est une application dite « fonction de transition » (notons qu'avec ce formalisme, l'automate est toujours déterministe et complet) ;
  • π:QA est une application qui étiquette chaque état de l'automate par un symbole.

L'automate n'a pas d'états terminaux ; au lieu de cela, son résultat est donné par l'application π.

On étend δ à l'ensemble des mots dans Σ*, l'application résultante étant notée δ*:Q×Σ*Q, en posant :

  • δ*(q,ε)=qε est le mot vide ;
  • δ*(q,xm)=δ*(δ(q,x),m) pour xΣ et mΣ*.

Définition d'une suite k-automatique par automate

Soit k1 un entier, et soit A un automate déterministe complet avec sortie sur l'alphabet Σ={0;;k1}. Pour tout entier n, l'écriture en base k de n est un mot sur l'alphabet Σ qu'on note n¯k[5]. L'automate 𝒜 calcule un résultat pour l'entier n de la façon suivante : partant de l'état initial q0, l'automate lit un par un les chiffres de l'écriture n¯k et calcule ainsi l'état d'arrivée q=δ*(q0,n¯k) ; le résultat du calcul est finalement le symbole π(q).

Modèle:Théorème

Exemple

Automate de Prouhet-Thue-Morse. Dans cette figure, un état q dont le symbole de sortie est a est représenté par la notation q/a.

La suite de Prouhet-Thue-Morse est définie comme suit :

  • an = 0 si l'écriture binaire de l'entier n comporte un nombre pair de chiffres 1 ;
  • an = 1 sinon.

Cette suite est engendrée par l'automate 𝒜=(Σ,A,Q,q0,δ,π)

  • Σ=A={0,1},
  • Q={q0,q1} (q0 étant l'état initial),
  • δ(qi,0)=qi, δ(qi,1)=q1i
  • et π(qi)=i.

Cet automate est représenté ci-contre. Il termine dans l'état q0 (respectivement q1) s'il y a un nombre pair (respectivement impair) de 1 dans n¯2, où n est l'entier donné en entrée.

Définition par morphisme uniforme

Préliminaire sur les morphismes Modèle:Article détaillé

Soit k2 et soit B un alphabet.

  • Un morphisme f:B*B* est k-uniforme si image de toute lettre de B est un mot de longueur k.
  • Un morphisme f:B*B* est prolongeable en la lettre bB ou b-prolongeable pour la lettre bB si f(b) commence par b.
  • Une application π:BA se prolonge en une fonction sur les mots finis ou infinis, encore notée π, en appliquant la fonction à chacune des lettres qui composent le mot.

Définition

Soit k2, soient B un alphabet et bB une lettre. Soit f:B*B* un morphisme k-uniforme et b-prolongeable, c'est-à-dire que f(b) commence par b. Alors, tout itéré fn(b) est préfixe de tous les fm(b) pour m>n. La suite (fn(b))n converge vers un mot infini unique y noté y=fω(b) défini par la propriété que tous les fn(b) en sont préfixes. Ce mot y est par définition purement morphique.

Soit maintenant A un alphabet et soit π:BA une application. Elle est étendue en un morphisme lettre à lettre sur les mots infinis. La suite

x=π(y)

est une suite morphique. C'est la deuxième définition des suites k-automatiques[6] :

Modèle:Théorème

Exemples

  • La suite caractéristique des puissances de 2 est produite par le morphisme 2-uniforme sur l'alphabet B={a,0,1} défini par
aa1 ,110 ,000
qui engendre le mot infini
a11010001,
suivi du morphisme qui envoie a sur 0 et laisse 0 et 1 inchangés, ce qui donne 011010001.
110 ,001
qui engendre, à partir de 0, le mot infini 0110100110010110. Ce mot est purement morphique, et le morphisme π de la définition est l’identité.

Définition par noyau

Construction du 2-noyau de la suite de Prouhet-Thue-Morse avec le triplet (k=2,i,j) En rouge et vert, les deux suites du 2-noyau.

Soit u=(un)n0 une suite infinie. Le k-noyau de u est l'ensemble des sous-suites

Nk(u)={(ukin+j)n0i0,0j<ki}.

Cette définition un peu compliquée s'explique bien pour k=2 : le 2-noyau est formé de la suite u, puis des 2 suites obtenues en prenant un terme sur deux dans u, puis des 4 suites obtenues en prenant un terme sur 4, etc.

La caractérisation, ou la troisième définition équivalente, est la suivante : Modèle:Théorème

Exemple :

En prenant les termes de 2 en 2 dans la suite de Prouhet-Thue-Morse 0110100110010110. . ., on obtient les deux suites :

0-1-1-0-1-0-0-1-. . .
-1-0-0-1-0-1-1-0. . .

c'est-à-dire la suite elle-même et son opposée. Le 2-noyau est donc composé de ces deux suites, et ceci montre que la suite de Prouhet-Thue-Morse est automatique.

Définition par série formelle algébrique

Les suites p-automatiques, lorsque p est un nombre premier, ont une caractérisation par séries formelles. On note K(X) le corps de fractions rationnelles, et K[[X]] l'anneau des séries formelles en une variable X et à coefficients dans K. Une série Y est algébrique sur K(X) s'il existe des polynômes P0(X),P1(X),,Pd(X) tels que

P0+P1Y+P2Y2++PdYd=0.

On prend pour corps K le corps Fpm à pm éléments.

Modèle:Théorème

Exemples :

f(X)=X+X2+X4+X8+=i0X2i.

On a

f(X)=X+f(X2).

Sur F2, on a f(X2)=f(X)2, ce qui donne l'équation :

f(X)2+f(X)+X=0.

Ceci montre que f(X) est algébrique sur F2. Donc la suite des puissances de 2 est 2-automatique.

f(X)=0×1+1×X+1×X2+0×X3=i0s(i)Xi

avec (s(n))n0=0,1,1,0,1,0,0,1,[7]. On a :

(1+X3)f(X)2+(1+X2)f(X)+f(X)=0

sur F2. Ceci montre que la suite de Prouhet-Thue-Morse est une suite 2-automatique [7]

Définition par formule logique

Les suites k-automatiques admettent des caractérisations en termes de logique du premier ordre. Pour les suites k-automatiques, elle est due à Büchi[8] ; elle a été étendues aux suites de Pisot par Véronique Bruyère et Georges Hansel[9]. Une présentation est donnée dans le livre de Michel Rigo[10]. Une étude systématique est donnée par Hamoon Mousavi[11].

Exemples de suites automatiques

Les suites suivantes sont automatiques :

La suite de Fibonacci, et les suites sturmiennes ne sont pas automatiques.

Ensemble reconnaissable de nombres

Un ensemble d'entiers positifs ou nuls S est k-reconnaissable si sa suite caractéristique est k-automatique ; en d'autres termes, S est k-reconnaissable si la suite (sn)n0 définie par sn=1 si nS, et sn=0 sinon, est une suite k-automatique[13].

Ainsi, une suite k-automatique qui prend m valeurs distinctes définit une partition de l'ensemble des entiers naturels en m parties qui chacune constitue un ensemble k-reconnaissable. Réciproquement, étant donné une partition de en des ensembles S0,,Sm1 tous k-reconnaissables, la suite s=(sn)n0 définie par sn=i si et seulement si nSi est k-automatique.

Propriétés sur les suites automatiques

Influence de la base

La propriété principale est le théorème de Cobham qui énonce que le fait d'être k-automatique dépend fortement de l'entier k. Deux entiers k et sont dits multiplicativement dépendants s'il existe des entiers n et m tels que kn=m. Par exemple 4 et 8 sont multiplicativement dépendants parce que 43=82.

Modèle:Théorème

En complément de ce théorème démontré par Alan Cobham en 1969, il y a la proposition suivante :

Modèle:Théorème

Robustesse

Les suites automatiques sont stables pour un certain nombre de transformations.

  • Si deux suites ne diffèrent que par un nombre fini de termes, et l'une est k-automatique, alors l'autre est également k-automatique.
  • Si u=(un)n0 est une suite k-automatique sur un alphabet A, et si π:AB* est un morphisme uniforme, alors la suite π(u) obtenue par concaténations des mots π(un) est k-automatique.
  • Si u=(un)n0 est une suite k-automatique, alors la sous-suite (uan+b)n0 est k-automatique pour tous entiers a,b0.

Les ensembles automatiques sont stables pour les opérations suivantes :

  • union, intersection, complémentation
  • addition c'est-à-dire l'opération R+S={r+srR,sS}.
  • multiplication par une constante positive, c'est-à-dire l'opération nT={nttT}.
  • l'opération d'extraction affine Ja,b(S)={xax+bS}, où a et b sont des entiers naturels.

Complexité en facteurs

Le nombre cu(n) de facteurs de longueur n d'une suite automatique u croît au plus linéairement.

Nombres réels automatiques

Modèle:Article détaillé Un nombre réel automatique est un nombre réel dont le développement en base k est une suite k-automatique[2]. Un nombre réel automatique est soit rationnel, soit transcendant[3]. Ainsi, le nombre (binaire) de Thue-Morse, appelé la constante de Prouhet-Thue-Morse :

0,0110 1001 1001 0110

est un nombre transcendant.

Historique

Le concept de suite automatique a été introduit par Büchi en 1960[14] même s'il n'utilise pas la terminologie et est intéressé plutôt par une approche logique. Le terme dModèle:'ensemble reconnaissable de nombres apparaît tôt dans la théorie des automates finis, et est utilisé aussi par Cobham[15]; il fait aussi la correspondance avec les uniform tag sequences (ou « système de tague uniforme ») en 1972[16].

Le terme « suite automatique » apparaît déjà dans un article de Jean-Marc Deshouillers en 1979-1980[17]. Samuel Eilenberg, dans son traité de 1974[18], les appelle « suite k-reconnaissable ». La correspondance entre ensemble reconnaissable de nombres et suite automatique est détaillée dans le livre d'Eilenberg.

Notes et références

Modèle:Traduction/Référence

Références

Modèle:Références

Bibliographie

Articles connexes

Modèle:Portail