Théorème d'Apéry

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Le théorème d'Apéry, démontré en 1978 par le mathématicien Roger Apéry, affirme que le nombre

ζ(3)=113+123+133+143+,

où ζ est la fonction zêta de Riemann, est irrationnel. Ce nombre est également surnommé la constante d'Apéry.

Historique

Euler a démontré[1] que si Modèle:Mvar est un entier positif, alors

112n+122n+132n+142n+=pqπ2n

pour un certain rationnel Modèle:Math. Plus précisément, notant la somme de gauche Modèle:Math (voir l'article Fonction zêta), il a montré que

ζ(2n)=|B2n|(2π)2n2(2n)!

où les Modèle:Mvar sont les nombres de Bernoulli (dont il est facile de montrer qu'ils sont rationnels). Une fois démontré que Modèle:Math est toujours irrationnel[2], on en déduit que Modèle:Math est irrationnel (et même en fait transcendant) pour tout entier positif Modèle:Mvar.

On ne connaît pas de telle expression utilisant Modèle:Math pour les valeurs de Modèle:Math lorsque m est un entier positif impair ; il est d'ailleurs conjecturé que les quotients ζ(2n+1)π2n+1 sont transcendants pour tout entier n ≥ 1[3]. C'est pourquoi il n'avait pas pu être montré que les Modèle:Math étaient irrationnels, bien que l'on ait conjecturé qu'ils étaient eux aussi tous transcendants (une conjecture qui englobe les deux précédentes est que les nombres Modèle:Math sont algébriquement indépendants sur ℚ).

Cependant, en Modèle:Date-, Roger Apéry (à 62 ans) donna une conférence intitulée Sur l'irrationalité de ζ(3). Il esquissa alors des démonstrations de l'irrationalité de Modèle:Math, et aussi de Modèle:Math, par des méthodes n'utilisant pas la valeur Modèle:Math de cette dernière constante.

À cause de l'allure inattendue de ce résultat et du style blasé et approximatif de la présentation d'Apéry, beaucoup de mathématiciens assistant à cette conférence — en particulier les non-francophones — pensèrent que la démonstration était erronée. Pourtant, trois des spectateurs, Henri Cohen, Hendrik Lenstra et Alfred van der Poorten, estimèrent qu'elle pouvait être rendue rigoureuse.

Deux mois plus tard, ils y parvinrent et, le Modèle:Date-, Henri Cohen donna un exposé détaillé de la démonstration d'Apéry ; immédiatement après cet exposé, Apéry lui-même monta sur l'estrade expliquer les motivations heuristiques de sa démarche[4]Modèle:,[5].

La démonstration d'Apéry

La démonstration d'Apéry[4]Modèle:,[6] s'appuie sur le critère suivant d'irrationalité (dû à Dirichlet) : s'il existe un δ > 0 et une infinité de couples d'entiers q > 0 et p tels que

0<|ξpq|<1q1+δ,

alors ξ est irrationnel.

Apéry part de la représentation de ζ(3) par la série

ζ(3)=52n=1(1)n1n3(2nn).

Il définit alors une suite cn,k convergeant vers ζ(3) à la même vitesse que cette série par

cn,k=m=1n1m3+m=1k(1)m12m3(nm)(n+mm),

puis deux autres suites an et bn ayant (à peu près) pour quotient cn,k par

an=k=0ncn,k(nk)2(n+kk)2

et

bn=k=0n(nk)2(n+kk)2.

La suite an/bn converge vers ζ(3) assez rapidement pour pouvoir appliquer le critère de Dirichlet, mais an n'est pas un entier si n > 2. Cependant, Apéry a montré que même après avoir multiplié an et bn par des entiers convenables, la convergence reste assez rapide pour garantir l'irrationalité de ζ(3).

Autres preuves

L'année suivante, une autre démonstration fut trouvée par Modèle:Lien[7], remplaçant les séries d'Apéry par des intégrales mettant en jeu les polynômes de Legendre (translatés) Pn~(x)=Pn(2x1). Utilisant une représentation qui serait par la suite généralisée pour obtenir la formule de Hadjicostas-Chapman, Beukers montra que

0101ln(xy)1xyPn~(x)Pn~(y)dxdy=An+Bnζ(3)ppcm[1,,n]3

pour certains entiers Modèle:Mvar et Modèle:Mvar (les suites Modèle:OEIS2C et Modèle:OEIS2C de l'OEIS). Intégrant par parties, en supposant que Modèle:Math est le rationnel Modèle:Math, Beukers obtient l'inégalité

0<1b|An+Bnζ(3)|4(45)n,

ce qui est absurde puisque le membre de droite tend vers zéro et donc finit par être plus petit que Modèle:Math.

Des démonstrations plus récentes de Modèle:Lien[8] et de Yuri Nesterenko[9] se rapprochent davantage des idées d'Apéry, construisant des suites qui tendent vers zéro, alors qu'elles sont minorées par Modèle:Math si Modèle:Math est le rationnel Modèle:Math. Ces démonstrations assez techniques font un usage important des séries hypergéométriques.

Généralisations

Les preuves d'Apéry et Beukers peuvent être adaptées (et simplifiées) pour démontrer de même l'irrationalité de ζ(2) grâce à la relation

ζ(2)=3n=11n2(2nn).

Le succès de cette méthode a conduit à s'intéresser au nombre ξ5 tel que

ζ(5)=ξ5n=1(1)n1n5(2nn).

Si ce nombre ξ5 était rationnel, ou même simplement algébrique, on pourrait en déduire que ζ(5) est irrationnel. Malheureusement, des recherches étendues (par ordinateur)[10] ont échoué ; on sait par exemple que si ξ5 est un nombre algébrique de degré au plus 25, les coefficients de son polynôme minimal doivent être supérieurs à 10383 ; il ne semble donc pas possible d'étendre les résultats d'Apéry à d'autres valeurs de ζ(2n+1).

Cependant, beaucoup de mathématiciens travaillant dans ce domaine s'attendent à des avancées importantes dans un avenir proche[11]. De fait, des résultats récents de Modèle:Lien et Tanguy Rivoal montrent qu'une infinité de nombres de la forme ζ(2n + 1) sont irrationnels[12], et même qu'au moins un des nombres ζ(5), ζ(7), ζ(9) et ζ(11) l'est[13]. Ils utilisent des formes linéaires des valeurs de la fonction zêta, et des estimations de ces formes, pour borner la dimension d'un espace vectoriel engendré par ces valeurs. Les espoirs de réduire la liste de Zudilin à un seul nombre ne se sont pas concrétisés, mais cette approche constitue toujours une ligne de recherche active (il a été suggéré que cette question pourrait avoir des applications pratiques : ces constantes interviennent en physique pour décrire des fonctions de corrélation du modèle de Heisenberg[14]).

Notes et références

Modèle:Traduction/Référence Modèle:Références

Liens externes

Modèle:Portail

  1. Voir Problème de Bâle.
  2. C'est une conséquence du théorème de Lindemann.
  3. Modèle:Article.
  4. 4,0 et 4,1 Modèle:Article.
  5. Modèle:Article. Reprint, 2005, 16 p.
  6. Modèle:Article.
  7. Modèle:Article.
  8. Modèle:Lien web.
  9. Modèle:Article, traduction : Modèle:Article.
  10. Modèle:En D. H. Bailey, J. Borwein, N. Calkin, R. Girgensohn, R. Luke et V. Moll, Experimental Mathematics in Action, 2007 ; voir aussi l'article Mathématiques expérimentales.
  11. Modèle:Ouvrage.
  12. Modèle:Article.
  13. Modèle:Article.
  14. Voir par exempleModèle:Article.