Problème de Bâle

En mathématiques, le problème de Bâle (connu parfois aussi sous le nom de problème de Mengoli) est un célèbre problème d'analyse, qui consiste à déterminer la valeur de la somme de la série convergente :
Le problème a été résolu par Leonhard Euler, qui établit que cette somme vaut :
et en donna une première preuve en 1735, puis une deuxième, plus rigoureuse, en 1741.
Posé en premier par Pietro Mengoli en 1644, étudié 40 ans plus tard par Jacques Bernoulli né à Bâle, le problème résiste aux attaques des mathématiciens éminents de l'époque.
Des valeurs approchées furent d'abord calculées, la valeur demandée étant approximativement égale à 1,64493406684822640. À cause de la lente convergence de la série[note 1], une telle valeur approchée n'a pu être trouvée qu'en mettant en œuvre des méthodes d'accélération de convergence, ce qui a notamment été fait par Stirling[1] en 1730 et Euler[2] en 1731.
Euler, dont Bâle est également la ville natale, annonce en 1735 la découverte de la somme exacte[3]. Mais ses arguments d’alors font intervenir des produits infinis de façon non rigoureuse. Euler obtient une notoriété immédiate. Il a considérablement généralisé le problème et ses idées seront reprises par le mathématicien allemand Bernhard Riemann dans son article de 1859, dans lequel celui-ci définit la [[Fonction zêta de Riemann|Modèle:Nobr]], en démontre les propriétés de base et énonce sa célèbre hypothèse.
Six ans plus tard, en 1741, Euler produit une deuxième démonstration[4].
Première preuve d'Euler
En 1735, la déduction[3] d'Euler de la valeur Modèle:Math utilise essentiellement des observations sur les polynômes, en présumant que ces mêmes propriétés sont toujours vraies pour les séries infinies. Le raisonnement original d'Euler requiert une justification, mais même sans celle-ci, en obtenant la valeur correcte, il est capable de la vérifier numériquement par rapport aux valeurs approchées calculées précédemment par Stirling[1] et lui-même[2]. La concordance qu'il observe lui inspire suffisamment confiance pour annoncer son résultat à la communauté mathématique.
Pour suivre l'argument d'Euler, rappelons le développement en série de Taylor de la fonction sinus au voisinage de 0 :
En supposant Modèle:Math non nul, on a donc:
Maintenant, les racines de Modèle:Math (intersection avec l'axe des Modèle:Math) apparaissent précisément pour Modèle:Math, où Modèle:Math. Euler exprime alors audacieusement cette série infinie comme un produit de facteurs linéaires donnés par ses racines, comme on le ferait pour un polynôme :
Identifiant les coefficients de (et d'ailleurs également de , , etc.) dans la série et dans le développement des premiers termes du produit infini, il obtient (ainsi que , etc. ; voir les valeurs de la fonctions zêta aux entiers pairs) : en effet, en développement formellement le produit, on voit que le coefficient de Modèle:Math dans Modèle:Math est . Mais, à partir du développement de la série infinie originale de Modèle:Math, le coefficient de Modèle:Math est : . Ces deux coefficients doivent être égaux ; ainsi,. En multipliant les deux côtés de cette équation par Modèle:Math, on obtient la somme des inverses des carrés d'entiers positifs.
Conscient de la faiblesse de son argumentation, Euler reviendra sur cette question en 1743, et proposera une autre justification du produit par factorisation de , avec n infiniment grand[5]Modèle:,[6]Modèle:,[7]. Mais une preuve rigoureuse de cette égalité ne pourra vraiment être conduite qu'au siècle suivant, avec le développement des fonctions analytiques.
Deuxième preuve d'Euler
Dans une deuxième preuve datant de 1741, Euler[8]Modèle:,[4] évalue de deux façons l'intégrale . On la calcule d'abord explicitement :
- .
La deuxième évaluation passe par le développement en série entière de la fonction arc sinus. D'après la formule du binôme généralisée,
- .
Par « intégration » terme à terme, on en déduit que :
- .
Or
- (par récurrence, à l'aide d'une intégration par parties, ou par changement de variable donnant une intégrale de Wallis) .
Par interversion série-intégrale, Euler trouve ainsi la somme des inverses des carrés d'entiers impairs :
Puis il conclut en séparant la série en la somme de ses termes pairs et la somme de ses termes impairs :
Donc :
Cette deuxième preuve d'Euler semblait plus rigoureuse que la première. Il n'y manquait qu'une justification de l'interversion série-intégrale. On peut y remédier en invoquant, par exemple, le théorème de convergence monotone, démontré par Beppo Levi en 1906.
Preuves géométriques
Certaines preuves font appel à des théorèmes de géométrie euclidienne (et à l'interprétation géométrique des nombres complexes). Ainsi, Brink établit la preuve suivante[9]: on applique le développement en série entière du logarithme complexe en Modèle:Math :
On en déduit :
Or, par le théorème de l'angle inscrit :
Ainsi :
Grant Sanderson a donné une preuve complètement géométrique, non rigoureuse sous cette forme, mais ne reposant que sur des arguments analogues à ceux des preuves sans motsModèle:Note.
Une démonstration élémentaire
L'argument suivant prouve l'identité Modèle:Math, où Modèle:Math est la fonction zêta de Riemann. C'est la démonstration la plus élémentaire disponible ; car la plupart des démonstrations utilisent des résultats de mathématiques avancées, telle que les séries de Fourier, l'analyse complexe[note 2] et le calcul à plusieurs variables ; celle qui suit ne requiert même pas le calcul à une variable (bien qu'une limite soit prise à la fin).
Cette démonstration remonte au Cours d'Analyse[10] de Cauchy (1821). Elle apparaît en 1954 dans le livre d'Akiva et Modèle:Lien Modèle:Lang[11], puis dans le journal Eureka en 1982, attribuée à John Scholes, mais Scholes a déclaré qu'il a appris la démonstration de Peter Swinnerton-Dyer, et dans tous les cas il maintient que la démonstration était « bien connue à Cambridge à la fin des Modèle:Nobr ».
Rappels trigonométriques

est montrée comme vraie visuellement pour . Les trois termes correspondant respectivement aux aires du triangle OAC, du secteur angulaire OAB, et du triangle OAB. En inversant l'inégalité et en l'élevant au carré, on retrouve
.
On utilise les propriétés suivantes sur les fonctions cotangente Modèle:Math et cosécante Modèle:Math, pour tout réel Modèle:Math :
- l'[[Identité trigonométrique#Relations entre fonctions trigonométriques|identité trigonométrique Modèle:Math]] ;
- l'identité trigonométrique (déduite de la formule de Moivre) , où les sont des coefficients binomiaux ;
- l'[[Identité trigonométrique#Encadrement|encadrement Modèle:Math]] .
La démonstration
L'idée principale derrière la démonstration est d'encadrer les sommes partielles
entre deux expressions, chacune tendant vers Modèle:Sfrac quand Modèle:Math tend vers l'infini.
Soit Modèle:Math un entier positif. D'après l'identité vue supra, on a :
En particulier, à chaque Modèle:Math pour Modèle:Math :
où Modèle:Math est le polynôme
- .
Puisque ce polynôme est de degré Modèle:Math et que , les Modèle:Math nombres Modèle:Math [[Factorisation des polynômes|sont exactement les racines de Modèle:Math]]. On peut donc calculer [[Relations entre coefficients et racines|leur somme en fonction des coefficients de Modèle:Math]] :
En substituant l'identité [[#Rappels trigonométriques|Modèle:Math]], on a
Maintenant, considérons l'encadrement [[#Rappels trigonométriques|Modèle:Math]]. En additionnant tous ces encadrements pour chaque nombre Modèle:Math et en utilisant les deux identités ci-dessus, on obtient
En les multipliant par [[[:Modèle:Math]]]Modèle:2, cela devient
Lorsque Modèle:Math tend vers l'infini, les parties gauche et droite tendent chacune vers Modèle:Math donc, par le théorème des gendarmes,
Une démonstration par transformation de Fourier
Le calcul s'obtient très simplement avec l'aide des outils de l'analyse harmonique. Il suffit pour cela d'appliquer l'égalité de Parseval à la série de Fourier de la fonction périodique de Modèle:Nobr égale à l'identité sur [–Modèle:MathPi, Modèle:MathPi[[12].
Par la technique de Feynman
On peut aussi utiliser la technique de Feynman dans une intégrale remarquée par Freitas [13]:
La primitive de cette intégrale ne peut pas être exprimée formellement, cependant en dérivant sous le signe intégrale par rapport à :
qu'on peut calculer par le changement de variable et une décomposition en éléments simples. En particulier, pour , on a :
Par la formule d'addition des arc tangentes et en intégrant, on obtient :
La constante d'intégration peut être obtenue en remarquant que
D'où :
De plus :
Or, cette dernière intégrale peut être évaluée grâce au développement en série entière du logarithme :
ce qui permet de conclure.
La fonction zêta de Riemann
La fonction zêta de Riemann Modèle:Math[14] est une des plus importantes fonctions de la théorie des nombres, à cause de sa relation avec la distribution des nombres premiers. La fonction est définie pour tout nombre complexe s de partie réelle strictement supérieure à 1 par la formule suivante[note 3] :
En prenant s = 2, nous voyons que Modèle:Math est égale à la somme des inverses des carrés d'entiers positifs :
On montre facilement, en majorant cette série à termes positifs par une série télescopique, qu'elle converge et que Modèle:Math, mais la valeur exacte Modèle:Math est demeurée longtemps inconnue, jusqu'à ce qu'Euler la calcule numériquement en 1735, (ré)inventant pour ce faire la formule connue à présent sous le nom de formule sommatoire d'Euler-Maclaurin, et constate son égalité (jusqu'à la vingtième décimale) avec Modèle:Math, puis construise la démonstration. Il a démontré bien plus tard que Modèle:Math(2n) a une belle expression en nombres de Bernoulli pour tout entier n > 0.
Notes et références
Notes
Références
Voir aussi
Articles connexes
- Constante d'Apéry
- Pi
- Théorème de factorisation de Weierstrass
- Théorème de Cesàro (théorie des nombres)
- Valeurs particulières de la fonction zêta de Riemann
Liens externes
- Bernard Martin, Le problème de Bâle. Comment un calcul de primitive peut amener à la détermination de la somme d’une série
- Modèle:En Ed Sandifer, Modèle:Lang Modèle:Pdf
- Modèle:En Ed Sandifer, Modèle:Lang Modèle:Pdf
- Modèle:Lien web (compilation de quatorze preuves)
- Modèle:Lien web
- Modèle:MathWorld
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « note », mais aucune balise <references group="note"/> correspondante n’a été trouvée
- ↑ 1,0 et 1,1 Modèle:La Jacobo Stirling, Modèle:Lang, 1730, Prop. Modèle:XI, Modèle:Nobr, Modèle:P. ; il obtient la relation , qui lui permet un calcul de la somme avec une bonne précision, mais ne reconnait pas la valeur exacte Modèle:Math.
- ↑ 2,0 et 2,1 Euler, Modèle:Lang, Modèle:Nobr, Modèle:Vol., Modèle:P. (E20 : Modèle:Lang). Il prouve que
- ↑ 3,0 et 3,1 Euler, Modèle:Lang, Modèle:Nobr, Modèle:Vol., Modèle:P. (E41 : Modèle:Lang).
- ↑ 4,0 et 4,1 Modèle:Article (E63, Modèle:Lang, Modèle:I.14, Modèle:P.), écrit en 1741. Voir aussi sa lettre d'avril 1742 (OO396) à Clairaut.
- ↑ Euler, Modèle:Lang, Modèle:Nobr, Modèle:Vol., Modèle:P. (E61 : Modèle:Lang)
- ↑ Euler, Modèle:Lang, Modèle:Nobr, Modèle:Vol., Modèle:P. (E101 : Modèle:Lang)
- ↑ Modèle:Ouvrage
- ↑ Modèle:En Ed Sandifer, Modèle:LangModèle:Pdf, mars 2004.
- ↑ Modèle:Article
- ↑ Modèle:Nobr.
- ↑ Modèle:En Modèle:Lang, Modèle:Vol., Modèle:Google Livres, Modèle:Nobr, Modèle:P..
- ↑ Voir par exemple Modèle:Note autre projet
- ↑ Modèle:Lien arXiv
- ↑ Modèle:Lien web