Dual d'un espace vectoriel topologique

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En mathématiques, en vue d'un certain nombre d'applications (théorie des distributions[1], des hyperfonctions, et leur utilisation notamment pour l'étude des équations aux dérivées partielles[2]Modèle:,[3]Modèle:,[4]), il est nécessaire de développer et d'étudier la notion de dual d'un espace vectoriel topologique, plus générale que celle de dual d'un espace vectoriel normé. Néanmoins, la théorie de la dualité n'est fructueuse et utile que dans le cadre des espaces localement convexes, dont la théorie a été fondée par Andreï Kolmogorov[5] et John von Neumann en 1935[6]. La théorie de la dualité dans ces espaces s'est développée dans les années suivantes, avec les contributions importantes de Gottfried Köthe (sur les espaces de suites)[7], de Jean Dieudonné[8] et de George Mackey[9]Modèle:,[10] ; puis l'article cosigné par Jean Dieudonné et Laurent Schwartz[11], sa généralisation par Nicolas Bourbaki[12], les travaux d'Alexandre Grothendieck[13]Modèle:,[14]Modèle:,[15]Modèle:,[16], enfin la parution entre 1953 et 1955 de la première édition du Livre des Éléments de mathématique de N. Bourbaki consacré aux espaces vectoriels topologiques[17], en ont marqué la maturité[18]Modèle:,[19]. Une première approche consiste à considérer deux espaces vectoriels E et F (sans topologie a priori) et à les mettre en dualité au moyen d'une forme bilinéaire, si possible non dégénérée. Une autre approche consiste à partir d'un espace localement convexe E, puis considérer son dual topologique E ; dans ce cas, E et E sont naturellement mis en dualité au moyen de la « forme bilinéaire canonique ». Tous les résultats obtenus dans la première approche sont valides dans la seconde ; suivant la nature de l'espace localement convexe E, on peut obtenir certaines propriétés supplémentaires[20].

Espaces en dualité

Définition et propriétés élémentaires

Soit E et F deux espaces localement convexes sur le corps k des réels ou des complexes. Ils sont mis en dualité si l'on s'est donné une forme bilinéaire B:E×Fk.

On appelle topologie faible sur E (resp. sur F) définie par la dualité entre E et F la topologie la moins fine rendant continues les formes linéaires xB(x,y) (resp. yB(x,y)). Cette topologie est notée σ(E,F) (resp. σ(F,E)). La topologie σ(E,F) est définie par les semi-normes py:x|B(x,y)| et elle est donc localement convexe.

La topologie σ(E,F) est séparée si, et seulement si pour tout x0 dans E, il existe yF tel que B(x,y)0. Dans ce cas, on peut identifier E à un sous-espace vectoriel du dual algébrique F de F en identifiant x avec la forme linéaire sx:yB(x,y) (l'application linéaire s:xsx étant injective de E dans F).

Lorsque la forme bilinéaire B est non dégénérée (ce qu'on suppose dans ce qui suit), on dit que E et F sont en dualité séparante ; E s'identifie alors à un sous-espace de F (en identifiant, comme ci-dessus, un élément x de E avec la forme linéaire sx), F à un sous-espace de E (en identifiant de la même manière un élément y de F avec une forme linéaire dy), B à la restriction à E×F de la forme bilinéaire canonique (x,x)<x,x>, et on écrit B(x,y)=<x,y>.

Ensembles polaires

Soit M une partie de E. On appelle polaire de M dans F l'ensemble M[21] des yF tels que (x,y)1 pour tout xM[22].

Cet ensemble contient 0 et est convexe, fermé dans F pour la topologie σ(F, E). On a MM et M=M.

En conséquence du théorème de Hahn-Banach, le bipolaire M est l'enveloppe convexe fermée de M{0} pour la topologie σ(E, F) (« théorème des bipolaires »). En particulier si M est convexe et contient 0, son bipolaire est simplement son adhérence dans E pour la topologie σ(E, F).

Si M est même un sous-espace vectoriel de E, alors le fermé M est égal à {yFM,y=0}, qui est un sous-espace vectoriel de F.

Topologie quotient

Soit M un sous-espace vectoriel de E et considérons l'espace quotient F/M. Soit B:M×F/Mk:(x,y)<x,y>y est l'image canonique de y dans F/M. Il est immédiat que la forme bilinéaire B est bien définie et non dégénérée, et met donc en dualité séparante M et F/M.

Pour que la topologie quotient, induite sur F/M par σ(F,E), soit identique à la topologie σ(F/M,M), il faut et il suffit que M soit fermé dans E pour la topologie σ(E,F).

Transposée d'une application linéaire continue

Soit (E,E1), (F,F1) deux couples d'espaces vectoriels en dualité séparante. Pour faciliter la lecture de ce qui suit, écrivons E=E1 et F=F1 (en notant bien qu'ici, E et F ne désignent pas les duals d'espaces vectoriels topologiques donnés a priori E et F). Les espaces E, F, E et F sont munis des topologies faibles.

Modèle:Théorème

Dans la suite, l'application linéaire u est supposée continue ; on a les résultats suivants :

Modèle:Théorème

Modèle:Démonstration

Voyons une conséquence de ce qui précède en utilisant le langage des suites exactes : soit (E,E), (F,F), (G,G) trois couples d'espaces vectoriels en dualité séparante, et considérons une suite d'applications linéaires continues (au sens des topologies faibles)

(S): EϕFψG

Soit la « suite duale »

(S'): EtϕFtψG.

Pour que la suite (S) soit exacte, il faut et il suffit que

(a) tϕtψ=0,
(b) im(tψ) soit dense dans ker(tϕ),
(c) tϕ soit un morphisme strict de F dans E.

Par conséquent, si la suite (S) (resp. (S')) est exacte et si ψ (resp. tϕ) est un morphisme strict, alors la suite (S') (resp. (S)) est exacte. (Ce résultat est valide avec des topologies fortes si E, F et G sont des espaces de Fréchet-Schwartz.)

Dual d'un espace localement convexe

Généralités

Soit maintenant E un espace localement convexe sur le corps k des réels ou des complexes ; notons ι(E) sa topologie, dite initiale. Notons E son dual topologique, à savoir l'espace des formes linéaires continues pour la topologie ι(E), et E* son dual algébrique (EE*).

La forme bilinéaire canonique est l'application (x,x)x(x)=<x,x> (où xE, xE). Elle met E et E en dualité séparante.

Soit x*E* ; alors x*E si, et seulement si son noyau H est un hyperplan fermé dans E.

La condition est évidemment nécessaire. Montrons qu'elle est suffisante : si H est fermé, l'espace quotient E/H est un espace localement convexe séparé de dimension 1 sur k. On a x*=gϕϕ est la surjection canonique de E sur E/H, et est donc continue, et où g est une forme linéaire sur E/H, et est donc continue puisque E/H est de dimension finie.

La topologie σ(E,E) est appelée la topologie affaiblie sur E. Elle est moins fine que ι(E).

Topologies sur le dual

Bornologies et espaces disqués

  • Soit X un ensemble et 𝔅 un ensemble de parties de X. On dit que 𝔅 est une bornologie si (a) toute partie d'un élément de 𝔅 est un élément de 𝔅 ; (b) toute réunion finie d'éléments de 𝔅 est un élément de 𝔅 ; (c) tout singleton {x} appartient à 𝔅[23]. Une base d'une bornologie 𝔅 est un sous-ensemble 𝔅1 de 𝔅 tel que tout élément de 𝔅 est inclus dans un élément de 𝔅1. Si X est un espace vectoriel sur le corps k des réels ou des complexes, une bornologie 𝔅 sur X est dite compatible avec la structure vectorielle de X (ou est dite « vectorielle ») si, de plus, les propriétés suivantes sont satisfaites : (d) si A,B𝔅, alors A+B𝔅, (e) si A𝔅 et λk, alors λA𝔅. On dit alors que X, muni de la bornologie 𝔅, est un espace vectoriel bornologique, que l'on note X𝔅[24]. Soit X* le dual algébrique de X ; pour tout x*X* et tout A𝔅, soit
pA(x*)=sup\limits xA|x,x|
(où , est la forme bilinéaire canonique) et soit (X𝔅) l'ensemble des x*X* tels que pA(x*)< pour tout A𝔅. Il est immédiat que (X𝔅) est un sous-espace vectoriel de X* et que les pA,A𝔅, forment une famille de semi-normes sur (X𝔅) qui en fait un espace localement convexe, dual de l'espace vectoriel bornologique X𝔅. Cet espace est séparé et sa topologie est celle de la convergence uniforme sur les éléments de 𝔅. Si 𝔅1𝔅2, la bornologie 𝔅1 est dite plus fine que 𝔅2, car l'application identité est bornée (i.e. transforme un borné de X𝔅1 en un borné de X𝔅2).
  • Soit E un espace localement convexe. Rappelons qu'un ensemble AE est dit borné s'il est absorbé par tout voisinage de 0. On dit qu'une bornologie 𝔅 de E est compatible avec la topologie de E (ou est dite adaptée) si pour tout A𝔅, A est borné et son adhérence est bornée. Un espace localement convexe muni d'une bornologie adaptée est appelée un espace disqué. On obtient un espace disqué à partir d'un espace localement convexe en prenant comme bornologie, par exemple, l'ensemble des bornés de E (bornologie canonique) ou l'ensemble des parties précompactes de E; ou encore, si E est séparé, en prenant comme base de la bornologie les « disques » compacts (un disque est une partie convexe équilibrée).
  • Dans tout ce qui suit, E est un espace localement convexe, E est son dual topologique et 𝔖 est une bornologie de E. Soit F un second espace localement convexe. On note 𝔖(E;F) l'espace des applications linéaires continues de E dans F, muni de la 𝔖-topologie, à savoir la topologie de la convergence uniforme sur les parties de 𝔖. Sur (E;F), la 𝔖-topologie est localement convexe et coïncide avec la 𝔖~-topologie où 𝔖~ est la plus petite bornologie adaptée à E contenant 𝔖 (ou, en d'autres termes, la topologie adaptée à E engendrée par 𝔖)[25].
  • Ceci s'applique dans le cas où F = k, donc où (E;F)=E, et 𝔖(E;F) est alors noté E𝔖. Sauf avis du contraire, 𝔖 désigne une bornologie adaptée à E; quand cela ne sera pas le cas, la plus petite bornologie adaptée à E contenant 𝔖 sera notée 𝔖~. La famille 𝔖0 des polaires des éléments de 𝔖 forme une base de voisinages de 0 dans E𝔖. On a 𝔖1𝔖2 (autrement dit, la bornologie 𝔖1 est plus fine que 𝔖2) si, et seulement si la 𝔖1-topologie de E est moins fine que sa 𝔖2-topologie, autrement dit tout ouvert dans E𝔖1 est ouvert dans E𝔖2 ; à l'inverse, tout ensemble précompact dans E𝔖2 est précompact dans E𝔖1.

Principales topologies sur le dual

Les bornologies les plus usuelles dont les suivantes :

(1) 𝔖=σ, ensemble des parties finies de E. La topologie σ(E,E) est appelée la topologie faible de E. On précise parfois qu'il s'agit de la « topologie *-faible » pour la distinguer de la « topologie faible » σ(E,E). La bornologie σ n'est pas adaptée à E, et σ~ est la bornologie adaptée la plus fine, constituée des ensembles A inclus dans un sous-espace de dimension finie et bornés dans cet espace[26].
(2) 𝔖=γ, ensemble des parties convexes compactes de E, si E est séparé.
(3) 𝔖=c, ensemble des parties compactes de E, si E est séparé.
(4) 𝔖=ρ, ensemble des parties relativement compactes de E, si E est séparé.
(5) 𝔖=κ, ensemble des parties précompactes de E.
(6) 𝔖=β, ensemble des parties bornées de E. Cette bornologie est dite canonique, et la topologie β(E,E) est appelée la topologie forte de E.

Les 𝔖-topologies ci-dessus vont de la moins fine à la plus fine (tandis que les bornologies vont de la plus fine à la moins fine).

Parties équicontinues du dual de E

Dans ce qui suit, Eι (resp. Eσ) désigne l'espace vectoriel E muni de la topologie initiale ι(E) (resp. la topologie faible σ(E,E)). Quand on parle ci-dessous de polaire, c'est relativement à la dualité entre E et E.

  • Rappelons qu'une partie M de E est équicontinue si, et seulement si
pour tout ε>0 il existe un voisinage V de 0 dans Eι tel que |x,x|ε pour tous xV et xM.
  • Si M est une partie de E, on montre facilement que les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) M est équicontinue ;
(b) M est incluse dans le polaire d'un voisinage de 0 dans Eι ;
(c) le polaire de M est un voisinage de 0 dans Eι.

Par conséquent, la topologie ι(E) est identique à la topologie de la convergence uniforme sur les parties équicontinues de E.

Les parties équicontinues de E sont bornées dans Eβ, et les parties bornées de Eβ sont bornées dans Eσ. Le résultat qui suit est appelé le théorème de Banach-Alaoglu-Bourbaki ; il généralise le théorème de Banach-Alaoglu, valide dans le cas des espaces de Banach[27] :

Modèle:Théorème

On a la caractérisation suivante des espaces tonnelés :

Modèle:Théorème

Procédons à la classification des parties bornées du dual E de E :

(a) les ensembles équicontinus ;
(b) les ensembles dont l'enveloppe équilibrée fermée convexe est compacte pour la topologie *-faible σ(E,E) ;
(c) les ensembles relativement compacts pour la topologie *-faible σ(E,E) (on dit encore : les ensembles *-faiblement relativement compacts) ;
(c') les ensembles fortement bornés ;
(d) les ensembles *-faiblement bornés (ou, de manière équivalente, les ensembles *-faiblement précompacts).

Dans le cas général, (a) (b) (c) (d), (b) (c') (d).

Les cas particuliers sont : (a) = (b) si, et seulement si E est un espace de Mackey (voir infra), (a) = (c') si, et seulement si E est un espace infratonnelé (une condition suffisante pour qu'on ait cette égalité est donc que E soit bornologique), (b) = (d) si, et seulement si E est quasi complet pour la topologie σ(E,E), (c') = (d) si E est semi-réflexif (voir infra) ou semi-complet (en particulier, si E est quasi complet), (a) = (d) si, et seulement si E est un espace tonnelé (théorème de Banach-Steinhaus).

En outre, si E est un espace localement convexe tonnelé et semi-complet, les ensembles ci-dessus coïncident avec :

(e) les ensembles bornés pour la 𝔖-topologie de E, pour toute bornologie adaptée 𝔖.
  • La considération des sous-ensembles équicontinus de E permet d'obtenir un critère de complétude de E, dû à Grothendieck[13] :
Soit E un espace localement convexe séparé. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) E est complet ;
(ii) une forme linéaire sur Eσ est continue si, et seulement si sa restriction à toute partie équicontinue M de E est continue (pour σ(E,E)).

Propriétés du dual

Soit E un espace localement convexe séparé et 𝔖 une bornologie.

On a vu plus haut que E𝔖 est un espace localement convexe séparé.

Si E est un espace tonnelé, E𝔖 est quasi complet.

Si E est un espace bornologique, le dual fort Eβ est complet (et c'est un espace (DF) si E est métrisable).

Si E est un espace normé (donc bornologique), Eβ est normé complet, donc un espace de Banach.

Topologies de E compatibles avec la dualité

Soit E et F deux espaces en dualité séparante, et considérons de nouveau, pour tout yF, la forme linéaire dy sur E. Soit 𝔗 une topologie localement convexe sur E. Elle est dite compatible avec la dualité entre E et F si d:ydy est une bijection de F sur le dual de l'espace localement convexe obtenu en munissant E de 𝔗.

La topologie σ(E,F) est évidemment compatible avec la dualité. Le résultat suivant est dû à Mackey :

Modèle:Théorème

Les parties convexes fermées dans E et les parties bornées dans E sont les mêmes pour toutes les topologies localement convexes compatibles avec la dualité entre E et F. On peut donc parler d'une partie fermée convexe ou d'une partie bornée de E, sans précision de la topologie.

Soit maintenant E un espace localement convexe séparé. Sa topologie ι(E) est compatible avec la dualité entre E et E, par conséquent ι(E) est moins fine que τ(E,E). Si elle coïncide avec τ(E,E), E est appelé un Modèle:Lien (les espaces infratonnelés et les espaces bornologiques - donc les espaces localement convexes métrisables - sont des espaces de Mackey). Soit E de dual de E ; la topologie γ(E,E) est moins fine que τ(E,E) ; si E est quasi complet, γ(E,E)=c(E,E)=κ(E,E), et ces trois topologies sont donc moins fines que τ(E,E).

Soit E et F des espaces localement convexes et u:EF une application continue. Alors elle est faiblement continue (i.e. elle est continue pour les topologies σ(E,E) et σ(F,F)). Inversement, si u est faiblement continue, elle est continue pour les topologies de Mackey τ(E,E) et τ(F,F) ; en particulier, elle est continue pour les topologies ι(E) et ι(F) si E est un espace de Mackey.

Transposée d'une application linéaire continue

Soit E1 et E2 deux espaces localement convexes séparés, ayant pour duals E1 et E2, et u:E1E2 une application linéaire continue (i.e. continue pour les topologies ι(Ei), i=1,2). Puisqu'elle est faiblement continue, elle admet une transposée tu:FE faiblement continue. On montre que tu est continue pour toutes les 𝔖-topologies 𝔖(Ei,Ei)𝔖 est intermédiaire entre σ et β, ainsi que pour les topologies de Mackey τ(Ei,Ei) (i=1,2).

Bidual

Définition

  • Soit E un espace localement convexe séparé et Eβ son dual fort. La topologie β(E,E) n'est pas, en général, compatible avec la dualité entre E et E, autrement dit la topologie forte β(E,E) est plus fine que la topologie de Mackey τ(E,E) et, en général, ne coïncide pas avec celle-ci. Le dual de Eβ est noté E et est appelé le bidual de E.

Soit xE ; l'application cE(x):x<x,x> est continue pour σ(E,E), donc a fortiori pour β(E,E). On a <x,x>=0 pour tout xE si, et seulement si

x(E)0=(ker(0))0=im(t0)=0¯=0

puisque E est séparé. Par suite, l'application linéaire cE:xcE(x) est une injection de E dans E, dite canonique.

  • La topologie forte sur E, à savoir β(E,E), est la 𝔖1-topologie, où 𝔖1 est l’ensemble des parties bornées de Eβ. Comme on l'a vu plus haut, la topologie ι(E) est la 𝔖2-topologie, où 𝔖2 est l’ensemble des parties équicontinues de E. Puisque tout ensemble équicontinu de E est fortement borné, 𝔖2𝔖1, et la topologie ι(E) est donc moins fine que la topologie induite sur E par β(E,E). Ces deux topologies coïncident si E est bornologique ou tonnelé, puisque dans ce cas les parties équicontinues de E coïncident avec les parties fortement bornées.

En particulier, si E est un espace localement convexe métrisable, il est bornologique ; son bidual fort Eβ est alors un espace de Fréchet, et E est un sous-espace vectoriel topologique de Eβ, fermé dans Eβ si E est lui-même un espace de Fréchet.

  • On définit également sur E la topologie dite « naturelle ». Il s'agit de la topologie ε(E,E)ε désigne l'ensemble des parties équicontinues (en l'occurrence, de E). D'après ce qu'on a vu plus haut, cette topologie induit sur E sa topologie initiale (d'où le nom de « topologie naturelle »). Elle est moins fine que β(E,E) (et identique à celle-ci si E est bornologique ou tonnelé) et définit dans E les mêmes parties bornées.

Espaces semi-réflexifs

Un espace localement convexe séparé E est dit semi-réflexif si l'injection canonique cE est bijective, autrement dit si, en tant qu'espaces vectoriels, E et E coïncident.

L'espace E est semi-réflexif si, et seulement si la topologie β(E,E) est compatible avec la dualité entre E et E, c'est-à-dire si β(E,E)=τ(E,E).

Si E est semi-réflexif, les deux topologies faibles qu'on peut définir sur E (à savoir σ(E,E), parfois appelée « topologie *-faible de E », et σ(E,E), « topologie faible de E »), sont donc identiques.

Le théorème qui suit, encore appelé théorème de Banach-Alaoglu-Bourbaki, généralise le critère de Banach-Alaoglu pour la réflexivité des espaces de Banach (compacité faible de la boule unité) :

Modèle:Théorème (La conclusion résulte de l'égalité β(E,E)=τ(E,E), en tenant compte du fait que l'enveloppe convexe fermée d'une partie bornée de E est encore bornée.)

Un espace E est semi-réflexif si, et seulement si Eτ est tonnelé, et cela entraîne évidemment que Eβ est tonnelé ; E est alors quasi complet pour les topologies σ(E,E) et ι(E) ; plus précisément E est semi-réflexif si, et seulement s'il est quasi complet pour sa topologie affaiblie σ(E,E).

D'après ce qu'on a dit plus haut, si E est semi-réflexif, la bijection cE est telle que sa bijection réciproque cE1 est continue.

Espaces réflexifs

Un espace localement convexe E est dit réflexif s'il est semi-réflexif et si les topologies ι(E) et β(E,E) coïncident.

Le dual fort Eβ d'un espace réflexif E est réflexif.

Modèle:Théorème

(En effet, si E est réflexif, Eβ l'est aussi, donc le dual fort de Eβ, à savoir E, est tonnelé. Réciproquement, si E est semi-réflexif, cE est bijective, et si de plus E est tonnelé, la topologie ι(E) coïncide avec la topologie forte β(E,E).)

On peut montrer que E est réflexif si, et seulement si E est semi-réflexif et infratonnelé (par conséquent, un espace semi-réflexif est tonnelé si, et seulement s'il est infratonnelé) ; mais un espace semi-réflexif qui est un espace de Mackey n'est pas nécessairement réflexif. Puisqu'un espace réflexif est semi-réflexif, il est quasi complet, mais il existe des espaces réflexifs qui ne sont pas complets. Le quotient d'un espace semi-réflexif (resp. réflexif) par un sous-espace fermé peut n'être pas semi-réflexif (resp. réflexif) ; en revanche, un sous-espace fermé d'un espace semi-réflexif est semi-réflexif.

Soit E un espace localement convexe. Les conditions suivantes sont équivalentes :

(i) Eτ est réflexif ;
(ii) Eτ est réflexif ;
(iii) Eσ et Eσ sont tous deux semi-réflexifs ;
(iv) Eτ et Eτ sont tous deux tonnelés.

Un produit et une somme directe topologique d'espaces localement convexes semi-réflexifs (resp. réflexifs) est un espace semi-réflexif (resp. réflexif). Une limite inductive stricte d'une suite d'espaces réflexifs est un espace réflexif. Un espace localement convexe semi-réflexif est distingué.

  • Si E est un espace de Fréchet, il est, comme on l'a vu plus haut, un sous-espace vectoriel topologique fermé de son bidual fort Eβ, et E est donc non dense dans Eβ s'il n'est pas réflexif. S'il est semi-réflexif, il est réflexif puisque c'est un espace de Mackey. Ceci s'applique en particulier aux espaces de Banach.

Cas particuliers

La théorie de la dualité, telle qu'exposée plus haut, se simplifie notablement dans les cas particuliers étudiés ci-après.

Espaces tonnelés quasi complets

Le cas des espaces tonnelés quasi complets (ou même complets) est très important car la plupart des espaces rencontrés en analyse fonctionnelle soit ont cette propriété, soit sont les duals d'espaces ayant cette propriété. Cela est dû au fait que les espaces de Fréchet (donc les espaces de Banach) sont tonnelés et complets (donc quasi complets), que la limite inductive d'une famille d'espaces tonnelés est tonnelée, et que la limite inductive stricte d'une suite d'espaces localement convexes quasi complets (resp. complets) est quasi complète (resp. complète). Un espace bornologique quasi complet (ou même semi-complet) est tonnelé et son dual fort est complet.

Rappelons que si E est un espace localement convexe, les parties convexes fermées dans E et les parties bornées dans E sont les mêmes pour toutes les topologies de E compatibles avec la dualité, et en particulier pour la topologie affaiblie et la topologie initiale.

Soit E un espace tonnelé quasi complet. Alors E est un espace de Mackey, donc est un sous-espace vectoriel topologique de son bidual (et ce sous-espace est fermé si E est complet). De plus, les ensembles bornés de E, pour toute bornologie 𝔖 de E, sont identiques. On peut donc appeler ces ensembles, sans risque de confusion, les ensembles bornés de E. Ces ensembles coïncident avec les ensembles équicontinus, les ensembles *-faiblement relativement compacts et les ensembles *-faiblement précompacts.

En particulier soit E un espace tonnelé et 𝐁 une partie de E.

(1) Les conditions suivantes sont équivalentes (théorème de Banach-Steinhaus) :
(a) pour tout voisinage V de 0 dans Eβ , il existe α>0 tel que 𝐁λV pour |λ|α (ceci exprime le fait que 𝐁 est fortement borné) ;
(b) pour tout ε>0, il existe un voisinage V de 0 dans Eι tel que |x,x|<ε pour tous xV,x𝐁 (ceci exprime le fait que 𝐁 est équicontinu) ;
(c) pour tout xE, {|x,x|:x𝐁} est borné dans k (ceci exprime le fait que 𝐁 est *-faiblement borné).
(2) Soit (xi)iI une suite généralisée tendant vers 0 dans Eι ; alors sup\limits x𝐁|xi,x| tend vers 0 dans k (ceci exprime le fait que la forme bilinéaire canonique est 𝔖-hypocontinue pour tout ensemble 𝔖 de parties bornées de E).

Un espace tonnelé quasi complet E est réflexif si, et seulement s'il est semi-réflexif, donc si, et seulement si toute partie bornée de E est relativement compacte dans Eσ (i.e. est faiblement relativement compacte).

Modèle:Théorème

Modèle:Démonstration

Si E est un espace tonnelé, quasi complet et réflexif, les propriétés (1) et (2) ci-dessus restent donc valides si l'on échange les rôles de E et E. C'est notamment ce qui se produit dans la théorie des distributions[28] puisque, Ω désignant un ouvert de n ou une variété différentielle de dimension finie paracompacte, l'espace 𝒟(Ω) des fonctions indéfiniment dérivables dans Ω est un espace tonnelé complet réflexif (c'est même un espace de Montel complet).

Espaces de Banach

Soit E un espace de Banach. Il est tonnelé et complet, donc tout ce qui précède s'applique. De plus, son dual fort est un espace de Banach, ainsi que son bidual fort Eβ, et E est un sous-espace de Banach de Eβ. Soit xE et xE. On a, avec y=x ou y=x

y=sup\limits xE,x1|x,y|,x=sup\limits xE,x1|x,x|

par conséquent la boule unité fermée de Eβ est le bipolaire 𝐁00 de la boule unité fermée 𝐁 de Eι. Par suite, 𝐁00 est l'adhérence de 𝐁 pour la topologie σ(E,E), donc E est dense dans E muni de cette topologie. On sait que E est réflexif si, et seulement si la boule unité x1 est compacte pour la topologie affaiblie σ(E,E). Si E et F sont deux espaces vectoriels normés et u une application linéaire continue de E dans F, dont la norme est définie par

u=sup\limits x1u(x)

on déduit de ce qui précède que tu=u.

Voir aussi

Notes et références

Notes

Modèle:Références

Références


Modèle:Palette Modèle:Portail

  1. Modèle:Harvsp
  2. Modèle:Harvsp
  3. Modèle:Harvsp
  4. Modèle:Harvsp
  5. Modèle:Harvsp
  6. Modèle:Harvsp
  7. Ces contributions, tout d'abord effectuées en collaboration avec Otto Toeplitz, dont Köthe était l'élève, s'échelonnent entre 1934 et 1956 (voir notamment la bibliographie de Modèle:Harvsp).
  8. Modèle:Harvsp
  9. Modèle:Harvsp
  10. Modèle:Harvsp
  11. Modèle:Harvsp
  12. Modèle:Harvsp
  13. 13,0 et 13,1 Modèle:Harvsp
  14. Modèle:Harvsp
  15. Modèle:Harvsp
  16. Modèle:Harvsp
  17. Modèle:Harvsp
  18. Il y a eu néanmoins depuis 1955 d'innombrables contributions à la théorie des espaces vectoriels topologiques, notamment la théorie de la dualité entre espaces localement convexes et espaces vectoriels bornologiques (Modèle:Harvsp) dont l'influence est du reste sensible au §III.3, n°1 ("Bornologies") de Modèle:Harvsp dans la dernière édition de 1981 : la notion de bornologie, qui s'est développée vers les années 1970, était bien entendu absente des premières éditions de ce livre.
  19. Modèle:Harvsp.
  20. La présentation qui suit reprend essentiellement (avec quelques simplifications : on s'intéresse surtout aux espaces localement convexes séparés) et de très rares démonstrations celle de Modèle:Harvsp, complétée par quelques éléments de Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp.
  21. Cette notation usuelle pour les polaires (cercle en exposant) est clairement distincte de celle pour les intérieurs A  (cercle suscrit).
  22. Modèle:Harvsp. L'article « Ensemble polaire » donne une définition différente, et seulement dans le cadre euclidien.
  23. Certains auteurs, par exemple (Modèle:Harvsp, ne requièrent pas la condition (c), et appellent bornologie couvrante une bornologie pour laquelle cette condition est vérifiée.
  24. Ne pas confondre un espace vectoriel bornologique avec un espace (localement convexe) bornologique. La catégorie des espaces vectoriels bornologique est duale de la catégorie des espaces localement convexes (Modèle:Harvsp).
  25. Modèle:Harvsp, Chap. III, §3, Prop. 2
  26. Modèle:Harvsp, §3, Exemple 3.
  27. Le théorème initial de Banach était valide dans le cas des espaces de Banach séparables ; il avait été généralisé par Alaoglu au cas des espaces de Banach quelconques.
  28. Modèle:Harvsp, §III.3, Thm. IX, X, XI.