Théorème de l'élément primitif

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En mathématiques, et plus spécifiquement en algèbre, le théorème de l'élément primitif est un des théorèmes de base de la théorie des corps. Il stipule que toute extension finie séparable est simple, c'est-à-dire engendrée par un seul élément, appelé élément primitif.

Une extension algébrique L d'un corps K est dite séparable si le polynôme minimal de tout élément de L n'admet que des racines simples (dans une clôture algébrique de K). On démontre l'équivalence de cette définition avec la définition suivante : une extension finie est séparable si et seulement si le nombre de morphismes de l'extension dans la clôture algébrique laissant invariant le corps de base est égal au degré de l'extension.

Le théorème de l'élément primitif, énoncé pour la première fois par Abel dans un mémoire posthume[1], et démontré par Évariste Galois[2], peut être utilisé pour simplifier l'exposé de la théorie de Galois, quoique la plupart des exposés modernes suivent la démarche indépendante d'Artin ; c'est d'ailleurs par ce théorème que commence la démonstration originale de Galois. À l'inverse, comme dans la méthode d'Artin, on peut regarder ce théorème comme une conséquence simple de cette théorie, fait lui aussi reconnu explicitement par Galois[3].

Exemples explicites

En général, en supposant que K est infini et que L est une extension finie et séparable sur K, la construction de van der Waerden (mentionnée plus bas dans cet article) assure que pour tout système de générateurs αModèle:Ind, αModèle:Ind, ... αModèle:Ind, de L sur K, il existe un élément primitif de la forme θ = λModèle:IndαModèle:Ind + ... + λModèle:IndαModèle:Ind, les λModèle:Ind pouvant être choisis dans n'importe quelle partie infinie donnée de K. C'est une version améliorée d'un théorème démontré par Galois, selon lequel, si L est le corps de décomposition d'un polynôme P à coefficients dans K, il existe un élément primitif pour L/K de la forme θ = λModèle:IndαModèle:Ind + ... + λModèle:IndαModèle:Ind, les αModèle:Ind étant les n racines de P (section La démonstration originale de Galois). Néanmoins, ces constructions restent toutes théoriques, à moins de disposer d'une représentation de l'extension L/K.
  • Le théorème de l'élément primitif assure que toute extension finie séparable possède un élément primitif. Un exemple d'extension qui n'en possède pas doit donc être cherché en caractéristique p. En voici un explicite : Soit K = Modèle:Nobr, et L = Modèle:Nobr. Alors [L : K] = pModèle:Exp. Mais pour tout t dans L, tModèle:Exp appartient à K (en caractéristique p, Modèle:Nobr = Modèle:Nobr). Ce qui implique que [K(t) : K] divise p et donc L ≠ K(t). L'extension L/K ne peut donc être engendrée par un seul élément t de L.

Histoire et usage

Le théorème de l'élément primitif, tout d'abord cité sans démonstration dans un mémoire posthume d'Abel[1], fut démontré et employé par Galois pour exposer sa théorie dans son mémoire de 1832[2]. Cette démonstration ne fut publiée qu'en 1846 par Liouville, dans le Journal de mathématiques, avec le reste du mémoire[5].

Il est, dans la théorie des corps, utilisé dans une quantité de théorèmes et de démonstrations. Mais l'exposition de tels résultats dépasse le cadre de cet article.

À quelques exceptions près, la méthode utilisée par Galois pour établir sa théorie, fondée sur le théorème de l'élément primitif, a généralement été abandonnée au profit de la démarche d'Artin, essentiellement fondée sur le décompte du nombre des extensions des monomorphismes dans les extensions finies. D'un point de vue épistémologique, on est en droit de s'interroger sur les raisons de l'abandon du théorème de l'élément primitif comme principe simplificateur de la théorie de Galois. D'un côté, la présentation de cette théorie au moyen du théorème de l'élément primitif peut être perçue comme plus simple et plus légère pour l'esprit, lui offrant toute la simplicité conceptuelle possible[6]. D'un autre côté, la démonstration de ce théorème, si on la veut complètement indépendante de la méthode d'Artin, peut sembler devoir faire intervenir un certain nombre de résultats de la théorie des équations[7] (le théorème des fonctions symétriques par exemple), ainsi qu'un jeu d'une finesse assez complexe entre les variables[8]. La méthode d'Artin, qui ne fait pas intervenir de lemmes extérieurs et dont les démonstrations sont relativement faciles à suivre, peut alors être perçue comme plus rigoureuse et d'une simplicité démonstrative supérieure[9].

D'autre part, on ne peut ignorer l'aspect théorique de la démarche d'Artin : plutôt que d'utiliser des théorèmes ad hoc pour comprendre la géométrie d'un objet, un théoricien préfèrera en général obtenir ces théorèmes comme une conséquence de l'étude de cette géométrie. En l'occurrence, il est plus satisfaisant, d'un point de vue purement théorique, d'obtenir des théorèmes tels que le théorème des fonctions symétriques ou celui de l'élément primitif comme conséquence de la théorie de Galois, établie au moyen de considérations géométriques seulement (groupe d'automorphismes), que de déduire la théorie de ces théorèmes.

On doit d'ailleurs observer que l'idée essentielle de cette démarche avait été parfaitement reconnue[10] par Galois, comme le montre ce commentaire de Galois lui-même, faisant suite à la démonstration du théorème principal de sa théorie :

« Je dois observer que j'avais d'abord démontré le théorème autrement, sans penser à me servir de cette propriété très simple des équations, propriété que je regardais comme une conséquence du théorème. C'est la lecture d'un mémoire [fragment de ligne indéchiffrable, possiblement « d'Abel » ou « de Libri »] qui m'a suggéré [fragment de ligne indéchiffrable, reconstitution possible : « l'idée de la démonstration. »] »[11]

Énoncé du théorème et caractérisation des extensions simples

Le théorème de l'élément primitif s'énonce en quelques mots : Modèle:Énoncé

On peut se demander en général comment caractériser les extensions finies simples. La réponse est fournie par un théorème dû à Artin[12]Modèle:,[13], qui est souvent présenté sous un même titre, ou indifférencié du théorème de l'élément primitif :

Modèle:Énoncé

Contrairement à une certaine opinion, ce théorème, qu'on nomme parfois « caractérisation des extensions simples d'Artin » ou « théorème de l'élément primitif d'Artin », ne tend pas à remplacer le théorème de l'élément primitif proprement dit, quoiqu'il serve souvent à le démontrer. En effet, ces deux théorèmes ne sont pas interchangeable dans les applications : le théorème de l'élément primitif proprement dit est un instrument théorique et pratique précieux, de loin plus employé que le théorème d'Artin ; inversement, même dans le cas séparable, il est des circonstances où la caractérisation d'Artin permet d'obtenir aisément la simplicité d'une extension, alors que ce serait plus difficile ou impossible avec le théorème de l'élément primitif (on pourra s'en convaincre par l'exemple ci-après). D'ailleurs, si on peut facilement démontrer le théorème de l'élément primitif au moyen du théorème d'Artin, cette déduction n'est pas plus simple que des démonstrations directes telles que celle de van der Waerden présentée plus bas.

Une autre caractérisation des extensions simples, beaucoup moins connue, a été rédigée par van der Waerden dans son célèbre ouvrage[14]. Modèle:Énoncé

Modèle:Boîte déroulante/début Supposons que L/K soit simple, engendrée par un élément primitif θ. Vu que l'extension L/LModèle:Ind est radicielle, le polynôme minimal de θ sur LModèle:Ind est de la forme Modèle:Nobr, avec aLModèle:Ind. Clairement, pModèle:Exp = Modèle:Nobr car L = Modèle:Nobr = Modèle:Nobr. Le nombre pModèle:Exp est aussi l'exposant de θ dans A, sans quoi θ satisferait une équation algébrique de la forme Modèle:Nobr, de degré r < pModèle:Exp. Enfin, pour tout xL, xModèle:ExpLModèle:Ind, car x = Modèle:Nobr avec PModèle:Nobr, et donc xModèle:Exp = Modèle:NobrLModèle:Ind[15]. Ainsi pModèle:Exp = pModèle:Exp et Modèle:Nobr.

Réciproquement, en dénotant encore Modèle:Nobr = pModèle:Exp, supposons que d = e. Grâce au théorème de l'élément primitif, on sait qu'il existe un élément primitif θ de LModèle:Ind/K. D'un autre côté, dans tout groupe abélien d'exposant fini, il existe un élément dont l'exposant est égal à l'exposant du groupe. Soit donc w un élément de L˟ d'exposant pModèle:Exp dans A : wModèle:Exp = aLModèle:Ind. Comme précédemment, le polynôme minimal de w sur LModèle:Ind est forcément égal à Modèle:Nobr, sans quoi w serait d'exposant < pModèle:Exp dans A. Par conséquent L = Modèle:Nobr = Modèle:Nobr. On voit que L est engendré sur K par deux éléments, dont un seulement est inséparable sur K. La construction de van der Waerden, exposée plus bas, assure alors que l'extension L/K est simple. Modèle:Boîte déroulante/fin

Exemples d'application du théorème de l'élément primitif

D'abord, la théorie de Galois, y compris les théorèmes d'extension et de décompte des morphismes de corps, peut être largement simplifiée par ce théorème.

En outre, les applications théoriques et pratiques abondent dans la littérature. Voici un exemple : Modèle:Énoncé Car si l'extension L/K était infinie, elle contiendrait des sous-extensions (séparables) finies de K de degré arbitrairement grand, donc etc.

Exemple d'application de la caractérisation des extensions simples d'Artin

Modèle:Énoncé

En effet, si cette sous-extension contenait un nombre infini de corps intermédiaires, il en serait de même pour toute sur-extension finie, qui ne pourrait donc être simple.

Exemple d'extension finie contenant un nombre infini d'extensions intermédiaires

C'est peut-être un fait surprenant qu'une extension finie puisse contenir un nombre infini de sous-extensions. Pour s'en convaincre, reprenons l'exemple de la première section. On pose comme précédemment K = Modèle:Nobr et L = Modèle:Nobr. Considérons les éléments de la forme tModèle:Ind = Modèle:Nobr, où c varie dans un sous-ensemble infini de K, et montrons que les corps intermédiaires K(tModèle:Ind) et K(tModèle:Ind) sont distincts lorsque a et b le sont. Si tel n'était le cas, on aurait Modèle:Nobr = Modèle:Nobr pour un certain couple (a,b), donc il existerait un polynôme P(T) à coefficient dans K tel que tModèle:Ind = Modèle:Nobr. En tenant compte que Modèle:Nobr, on peut supposer que P est de degré au plus Modèle:Nobr. Notons que XModèle:Exp est de degré p sur FModèle:Ind[X], et donc aussi sur K[YModèle:Exp] , sans quoi il existerait une relation de dépendance algébrique entre X et Y. Il est d'autre part facile de voir que Modèle:Nobr = Modèle:Nobr, où Modèle:Nobr est un polynôme sur Modèle:Nobr, de même degré et coefficient directeur que P. De plus la relation tModèle:Ind = P(tModèle:Ind) implique Modèle:Nobr = 0, ce qui n'est possible que si Q(V) = Modèle:Nobr, car Q est de degré au plus Modèle:Nobr et XModèle:Exp est de degré p sur Modèle:Nobr. Ainsi, P, tout comme Q, est unitaire et de degré 1 : P(T) = Modèle:Nobr. Mais alors la relation tModèle:Ind = P(tModèle:Ind) implique aYModèle:Exp = Modèle:Nobr, ce qui est impossible car ab et YModèle:Exp est de degré p>1 Modèle:Nobr.

Démonstration

La construction de van der Waerden, reproduite dans la section suivante, fournit une démonstration constructive courte et élémentaire de l'existence d'un élément primitif. En voici une autre un peu plus théorique et tout aussi rapide.

Si K est un corps fini, alors le groupe multiplicatif associé à L est cyclique. Si α est choisi parmi les éléments générateurs du groupe alors K(α) = L et le théorème est démontré, sans même utiliser l'hypothèse de séparabilité.

Supposons donc désormais que K est infini.

Soit n = [L : K]. Par séparabilité, il existe n morphismes de L dans sa clôture algébrique Ω laissant K invariant. Considérons Vi,j l'ensemble des vecteurs de L ayant même image par le iModèle:E et le jModèle:E morphisme. Vi,j est un sous-espace vectoriel différent de L. Une propriété des réunions des espaces vectoriels montre que la réunion des Vi,j n'est pas égale à L. Il existe donc un élément α de L qui n'est élément d'aucun Vi,j, c'est-à-dire dont les images par les n morphismes sont distinctes. Son polynôme minimal sur K admet donc n racines distinctes. Ainsi, la dimension du sous-espace vectoriel K(α) est supérieure ou égale à la dimension n de l'espace vectoriel L. Les deux espaces sont donc égaux.

Généralisations

Construction de van der Waerden

La construction de van der Waerden[4]Modèle:,[16] fournit un procédé effectif simple de construction d'un élément primitif, à partir d'un système de générateurs fini d'une extension séparable. En fait, outre le fait qu'elle permet de supposer la forme linéaire d'un tel élément, elle donne un peu plus : elle assure l'existence d'un élément primitif, lors même qu'un des générateurs du système n'est pas séparable.

Modèle:Énoncé

Modèle:Boîte déroulante/début 1. Le cas général se déduit du cas n = 2 par une induction évidente, en considérant les extensions K(αModèle:Ind), K(αModèle:Ind, αModèle:Ind), K(αModèle:Ind, αModèle:Ind, αModèle:Ind), ... et en construisant progressivement leurs éléments primitifs correspondants θModèle:Ind = αModèle:Ind, θModèle:Ind = θModèle:Ind + λModèle:IndαModèle:Ind, θModèle:Ind = θModèle:Ind + λModèle:IndαModèle:Ind. . . On suppose donc L = K( α, β), avec β séparable sur K, et on se donne une partie infinie S de K. Soient αModèle:Exp, ... , αModèle:Exp les conjugués de α sur K distincts deux à deux, et βModèle:Exp, ... , βModèle:Exp ceux de β sur K (β est séparable sur K donc ce sont tous ses conjugués sur K). Choisissons λ dans S n'appartenant pas à l'ensemble fini des éléments de la forme Modèle:Nobr, avec βModèle:Exp ≠ β, et montrons que θ = Modèle:Nobr est un élément primitif.

Soit P le polynôme minimal de α sur K, et Q celui de β sur K. Notons que Modèle:Nobr= 0, donc le polynôme minimal de β sur Modèle:Nobr divise à la fois le polynôme Modèle:Nobr = Modèle:Nobr et Q. Si ce polynôme minimal était de degré supérieur à 1, alors Q et h auraient au moins deux racines communes dans une extension de K (disons la clôture algébrique de K) ; l'une d'entre elles, disons β', serait différente de β puisque β est séparable sur K. On aurait donc Modèle:Nobr= 0, et donc Modèle:Nobr= α', pour un certain conjugué α' de α. Mais comme θ = Modèle:Nobr, cela impliquerait Modèle:Nobr = α', ou bien λ = Modèle:Nobr, en contradiction avec le choix de λ. Ainsi, le polynôme minimal de β sur Modèle:Nobr est de degré 1, ce qui veut dire que β, et par suite α = Modèle:Nobr, appartient à Modèle:Nobr.

2. Supposons que α = αModèle:Ind soit séparable. Dans la démonstration précédente, on peut choisir λ dans S de telle façon que les st éléments de la forme Modèle:Nobr soient distincts deux à deux, pour différentes valeurs du couple (i,j) : il suffit pour cela de choisir λ dans S en dehors de l'ensemble fini des éléments de la forme Modèle:Nobr, avec i et i' entre 1 et s, j et j' entre 1 et t, et j ≠ j'. Supposons donc λ choisi de cette façon. En particulier, la première partie de la démonstration implique que Modèle:Nobr est un élément primitif de L/K.

Avec les notations précédentes, on a Modèle:Nobr = 0, donc θ est racine du polynôme Modèle:Nobr de degré s. Formons le polynôme R(X) = Modèle:Nobr, j variant entre 1 et t. C'est un polynôme symétrique en les conjugués de β, et le théorème fondamental des polynômes symétriques, implique que les coefficients de R sont dans K. Clairement, θ est racine de R, donc le polynôme minimal de θ sur K divise R. Pour montrer que θ est séparable sur K, il suffit donc de montrer que R l'est. Mais les racines de R sont les racines des polynômes Modèle:Nobr, et si x est une telle racine, alors x - λβModèle:Exp = αModèle:Exp pour un certain i entre 1 et s. En d'autre termes, x est de la forme αModèle:Exp + λβModèle:Exp, et comme les st éléments de cette forme sont distincts deux à deux (à cause du choix de λ), les st racines de R le sont aussi, ce qu'il fallait démontrer. Modèle:Boîte déroulante/fin

Notons que puisque le groupe multiplicatif d'un corps fini est engendré par un seul élément, toute extension finie d'un corps fini est simple, et admet donc un élément primitif. Ainsi, le procédé de construction de van der Waerden implique le théorème de l'élément primitif.

Remarque

La deuxième partie du théorème est évidemment une conséquence du fait qu'un système de générateurs séparables engendre une extension séparable, un théorème de base de la théorie des corps. Mais justement, l'intérêt de cette deuxième assertion réside dans le fait qu'elle fournit une démonstration simple dudit théorème, alors que celle-ci prend facilement des allures laborieuses dans de nombreuses expositions (détails dans la boîte déroulante ci-après).

Modèle:Boîte déroulante/début Soit L/K une extension engendrée par un système d'éléments séparables sur K, et dont on veut démontrer qu'elle est séparable. On voit facilement qu'on ne perd rien à supposer L/K normale et finie, en adjoignant éventuellement les conjugués sur K du système de générateurs à L. Le cas où K est fini ne pose pas de problème, car toutes les extensions algébriques d'un corps fini sont séparables. On peut donc supposer K infini, et en vertu de la construction de van der Waerden, il existe un élément primitif séparable θ de L/K, donc deg(θ, K) = [L : K] = n. Comme tout automorphisme de L/K envoie θ sur un de ces conjugués sur K, il existe au plus n automorphismes de L/K, et il en existe au moins n, en vertu du fait que les extensions K(θModèle:Exp)/K sont toutes isomorphes à K(X)/(P), où les θModèle:Exp sont les conjugués de θ, de polynômes minimaux communs et égaux à P. Ainsi il y a exactement n K-automorphismes, qui forment d'ailleurs trivialement un groupe GModèle:Ind. Si x est un élément de L, alors θ est évidemment un élément primitif de L/K(x), donc le même argument implique que le groupe GModèle:Ind des automorphismes de L/K(x) compte [L : K(x)] automorphismes. Mais si σModèle:Ind et σModèle:Ind sont deux éléments de GModèle:Ind, σModèle:Ind(x) = σModèle:Ind(x) si et seulement si σModèle:IndσModèle:IndModèle:Exp (x) = x, autrement dit si et seulement si σModèle:IndσModèle:IndModèle:Exp est un automorphisme de L/K(x). Ainsi, l'orbite de x sous l'action du groupe GModèle:Ind, sous-ensemble de l'ensemble de ses conjugués, est de cardinal c égal à celui de Modèle:Nobr, ou bien

c = Card(GModèle:Ind / GModèle:Ind) = Card(GModèle:Ind) / card(GModèle:Ind) = [L : K] / [L : K(x)] = [K(x) : K] = deg(x, K).

Le nombre total des conjugués distincts de x est donc supérieur ou égal, et donc égal, au degré de x sur K, ce qui implique que x est séparable. Modèle:Boîte déroulante/fin

Théorème de la base normale

Le théorème de la base normale garantit que si L/K est une extension finie galoisienne de corps commutatifs, de groupe de Galois G, alors il existe un élément α de L dont l'orbite est une base du K-espace vectoriel L. En particulier, puisque les conjugués de α sont racines de son polynôme minimal, Modèle:Nobr = Modèle:Nobr, donc α est un élément primitif de L/K. Mais c'est un élément primitif qui jouit d'une propriété supplémentaire particulièrement utile.

On doit cependant noter que le théorème de la base normale exige que L/K soit normale (en plus d'être séparable). Le théorème de l'élément primitif, lui, n'est pas assujetti à cette contrainte supplémentaire.

Homologue du théorème de l'élément primitif dans les anneaux intègres

Considérons un anneau intègre A de corps de fractions K, et L une extension galoisienne finie de K. Supposons que B soit un sous-anneau de L contenant A, dont le corps des fractions est L. Si A est infini et B est de type fini sur A, on peut, grâce à la construction de van der Waerden, construire un élément primitif θ pour L/K appartenant à B. Néanmoins, il n'est pas vrai en général que B = Modèle:Nobr, même si B est un corps de nombres (de type fini sur A), comme exposée dans la section corps monogènes ci-après. Lorsqu'une telle propriété a lieu, et que A et B sont intégralement clos, on dit que B/A est une couverture d'anneaux[17], et que θ est un élément primitif pour cette couverture. Si de plus L/K est galoisienne, alors on parle de couverture galoisienne d'anneaux[17].

Une condition suffisante pour assurer l'existence d'un tel élément primitif est la suivante[18] : Modèle:Énoncé

Il y a un cas notoire d'extension d'anneaux B/A, où B est engendré par un unique élément entier sur A[19] : Modèle:Énoncé C'est une application du lemme d'Hensel, mais on peut aussi en donner une démonstration utilisant des principes de bases[20].

Avec les hypothèses du théorème précédent, l'extension B/A est une couverture d'anneaux car tout anneau de valuation est intégralement clos.

Toujours dans le cadre des anneaux de valuations discrètes, on a encore les conditions très utiles suivantes qui suffisent à assurer la couverture d'anneaux[21]. Modèle:Énoncé

Corps monogènes

La discussion précédente se spécialise au cas des corps de nombres[22].

Un corps de nombres algébrique est monogène si son anneau d'entiers est monogène, c'est-à-dire engendré par un unique élément entier (un élément primitif de la couverture d'anneau dans la terminologie précédente). Autrement dit, si L est une extension algébrique finie de ℚ et si B désigne l'anneau des entiers de L sur ℚ, L est monogène si B = Modèle:Nobr.

Par exemple, les corps de nombres quadratiques, ainsi que les corps de nombres cyclotomiques, sont monogènes.

On sait depuis Dedekind qu'il existe des corps de nombres non monogènes, et c'est d'ailleurs le cas en général. Le premier exemple fut donné par Dedekind : il s'agit du corps engendré sur ℚ par une racine du polynôme Modèle:Nobr. On peut aussi montrer que le corps de nombre Modèle:Nobr n'est pas monogène[23].

Une condition nécessaire pour qu'un corps de nombres soit monogène, d'élément primitif associé θ, est que le discriminant du corps L soit égal au discriminant du polynôme minimal de θ sur ℚ.

La démonstration originale de Galois

Le but de cette section n'est pas de retranscrire exactement la démonstration de Galois[2] dans les termes et notations où elle fut énoncée, mais plutôt de traduire cette démonstration en termes modernes, tout en en suivant pas à pas les étapes.

Cette démonstration prend place dans un cadre où K est un corps infini (un corps intermédiaire entre les rationnels et les nombres complexes originellement), et L est le corps de décomposition d'un polynôme P à coefficients dans K, sans racines multiples. Bien entendu, la notion de corps n'existait pas du temps de Galois, mais c'est ainsi qu'on traduit en langage moderne ce qu'il entend par des expressions telles que « adjoindre les racines d'une équation aux rationnels, » ou bien « être rationnellement connu. »

D'autre part, sa supposition que L est un corps de décomposition n'est pas aussi restrictive qu'on pourrait le penser : d'abord, toute extension finie, normale et séparable, est le corps de décomposition d'un polynôme sans racines multiples, comme on le voit en multipliant successivement les polynômes minimaux sur K d'un système minimal de générateurs de l'extension L/K. Enfin, en supposant démontré le théorème de l'élément primitif dans le cas où L/K est séparable et normale, il suffirait, pour se débarrasser de l'hypothèse de normalité, de considérer le clos normal de L et d'utiliser ce petit théorème de la théorie des corps qui assure que toute sous-extension d'une extension algébrique simple est simple.

Dans son mémoire, Galois utilise implicitement quelques lemmes de base de la théorie des équations (aujourd'hui intégrée dans la théorie des corps), d'ailleurs bien connus de son temps, à l'exception d'un seul discuté ci-dessous. Trois d'entre eux sont explicités :

Lemme 1

Si P(X1,X2,...,Xn) est un polynôme de n variables, non identiquement nul, et si K est infini, alors il existe a1,a2,,anK tels que P(a1,a2,,an)0.

En effet, on peut considérer P comme un polynôme de la variable X1 sur le corps K(X2,,Xn). Comme ce polynôme n'a qu'un nombre fini de racines, tandis que K est infini, il existe a1 tel que P(a1,X2,,Xn) ne soit pas identiquement nul. En considérant de même P(a1,X2,,Xn) comme un polynôme de la variable X2 sur le corps K(a1,X3,,Xn), et en faisant de même pour les autres variables, on démontre de proche en proche l'assertion proposée.

Lemme 2

Si ζ1,ζ2,,ζn sont les n racines d'un polynôme P irréductible sur K, et si f(ζ1,,ζn) est une expression polynomiale symétrique en les ζ2,,ζn, alors f=F(ζ1), pour un certain polynôme F à coefficient dans K.

La preuve dépend du théorème fondamental des polynômes symétriques, qui implique que f est fonction de ζ1 et des fonctions symétriques des ζ2,,ζn. Ces fonctions symétriques sont, au signe près, égales aux coefficients du polynôme (Xζ2)(Xζ3)(Xζn). Or ce polynôme est égal à P/(Xζ1), donc ses coefficients appartiennent à K(ζ1) en vertu de la division euclidienne.

Lemme 3

Ce lemme (ou une méthode équivalente) est nécessaire pour expliciter un point délicat de la démonstration de Galois, dont la preuve a été omise par ce dernier. Cette partie de la restitution de la démonstration est donc essentiellement conjecturale. Il stipule que si ζ1,,ζn sont les n racines d'un polynôme irreductible P sur K, alors il existe, pour tout i,j, un K-automorphisme φ de L/K qui échange ζi et ζj. De nos jours, on peut démontrer cette assertion en utilisant d'abord le fait que K(ζi) et K(ζj) sont isomorphes à K(X)/(P), ce qui permet d'étendre l'automorphisme identité en un monomorphisme de corps qui échange ζi avec ζj, puis en étendant de proche en proche (de façon quelconque) ce monomorphisme par le même moyen, jusqu'à obtenir l'automorphisme désiré. Pour Galois, qui ne pouvait définir la notion d'automorphisme (le concept de correspondance n'était pas même formulé de son temps), il s'agissait de permutations des racines dans une expression algébrique. Il se peut qu'il entrevoyait clairement que ces permutations se répercutaient tout au long des calculs, pour donner des opérations homomorphiques. Il se peut aussi (et c'est même plus probable) qu'il avait raisonné dans une extension finie du type K(X1,,Xn)/K(σ1,,σn), où les σi sont les fonctions symétriques des Xi. Par un jeu assez subtil (mais tout à fait à la portée de Galois) entre permutations des variables et substitution des n racines ζi d'un polynôme irréductible à la place de ces variables, il pourrait avoir justifié le point délicat de la démonstration sans avoir recours à une quelconque intuition du théorème d'extension des automorphismes. Quoi qu'il en soit, par souci de commodité, c'est ce théorème d'extension qui sera utilisé dans l'exposition de sa preuve.

Démonstration

Ceci étant posé, soient ζ1,ζ2,,ζn les n racines du polynôme P dont L est le corps de décomposition. D'abord, on choisit un polynôme R(X1,X2,,Xn) sur K qui prenne des valeurs différentes pour chaque substitution d'une permutation des ζ1,,ζn; par exemple (se contente de dire Galois), on peut choisir R=a1X1+a2X2+anXn, où les ai sont convenablement choisis. Pour justifier cette assertion, on utilise le lemme 1: en définissant le polynôme R(A1,,An) par R=A1ζ1+Anζn, il suffit de considérer le polynôme produit des polynômes RσiRσj (ij),{σi} désigne l'ensemble des permutations de 1,2,n, et Rσk le polynôme obtenu en appliquant la permutation σ aux index des variables ζi dans R.

Il s'agit maintenant de démontrer que l'élément θ=R(ζ1,,ζn) est l'élément primitif souhaité. Une quantité littérale V étant donnée, on construit l'expression algébrique E=ΠσG(VR(ζσ(1),,ζσ(n)),G est l'ensemble des permutations de 1,2,,n qui laissent fixe 1. Autrement dit, E est le produit des termes VR où l'on permute les ζi dans R de toutes les façons possibles, en laissant toutefois fixe ζ1. Compte tenu du lemme 2, E=F(V,ζ1) pour un certain polynôme F(V,X) sur K.

Maintenant, il est clair que F(θ,ζ1)=0 puisque G contient évidemment la permutation identité. Galois affirme alors qu'il est impossible que F(θ,ζi)=0 pour i1, sans quoi (dit-il), R prendrait deux valeurs identiques pour deux permutations différentes, ce qui est contre l'hypothèse. Ici, c'est le lemme 3 qui est utilisé par Galois : on se donne un automorphisme φ qui échange ζ1 et ζi, et on l'applique aux deux membres de l'équation F(V,ζ1)=ΠσG(VR(ζσ(1),,ζσ(n)). En notant abusivement par la même lettre φ la permutation de 1,n qui représente φ en termes de permutations des ζi, on obtient F(V,ζi)=ΠσG(VR(ζφσ(1),,ζφσ(n)). Comme φσ(1)=i1, il est impossible (en vertu du choix de R) qu'un des termes R(ζ1,)R(ζφσ(1),) soit égal à 0, et donc que F(θ,ζi)=0, ce qui explique l'assertion de Galois.

Finalement, vu que F(θ,ζ1)=0, le polynôme F(θ,X) d'une variable X a un facteur commun avec P. Ce facteur ne peut être que Xζ1, puisque F(θ,ζi)0 pour tout i1. Ainsi, Xζ1 s'obtient par simple extraction de P.G.C.D entre le polynôme P et F(θ,X), et ζ1 est donc une fraction rationnelle de θ sur K.

On démontrerait de la même manière que ζi s'exprime rationnellement en fonction de θ, pour tout autre i>1, donc K(ζ1,,ζn)=K(θ).

Remarque

Sans même supposer la normalité de L/K, la démonstration de Galois peut être largement améliorée et simplifiée, en se basant uniquement sur le théorème des fonctions symétriques : Par induction, il suffit de démontrer que toute extension de la forme L=K(α,β) est simple. Soient α1,,αm les conjugués de α sur K, avec α1=α, et β1,,βn les conjugués de β sur K, avec β1=β. Puisque L/K est séparable, αiαj et βiβj pour tout ij. Le polynôme R(X)=Π(i,j)(i,j)(αiβjX(αiβjX)) n'est pas identiquement nul, donc, puisque K est infini, il existe λK tel que les αi+λβj soient tous distincts les uns des autres. Posons θ=α+λβ. On forme l'expression E=Πj(Vαλβj), qui, étant symétrique en les βj, est égale à P(V,α) pour un certain polynôme P(V,X) sur K (théorème des fonctions symétriques). On a évidemment P(θ,α)=0, et en vertu du choix de λ, il est clair que P(θ,αi)0 pour tout i>1; donc Xα peut être obtenu par simple extraction de P.G.C.D. entre P(θ,X) et le polynôme minimal de α sur K. Ainsi, α, et par suite β=(θα)/λ est une fonction rationnelle de θ : K(α,β)=K(θ).

Ici, le point délicat de la démonstration de Galois a été « court-circuité, » parce qu'on a supposé que les βi étaient les conjugués de β sur K et non pas sur K(α).

Notes et références

Notes

Modèle:Références

Références

Modèle:Palette

Modèle:Portail

  1. 1,0 et 1,1 Fait rappelé par Galois dans son mémoire (voir les Œuvres, référence ci-dessous Modèle:P. à la suite du Lemme III).
  2. 2,0 2,1 et 2,2 Œuvres mathématiques d'Évariste Galois, publiée sous les auspices de la Société mathématique de France, Paris, 1897, Lemme III Modèle:P..
  3. Voir la section Histoire et usage.
  4. 4,0 et 4,1 Cette version est empruntée à van der Waerden, dans Modèle:Lien web.
  5. Fait rappelé par Picard dans la préface des Œuvres (référence ci-dessus).
  6. Voir les remarques de Modèle:Harvsp.
  7. Mais voir la section consacrée à la construction de van der Waerden et à sa démonstration.
  8. On pourra observer la dextérité remarquable de Galois dans la section Preuve originale de Galois.
  9. Voir aussi la note (13) de Modèle:Harvsp.
  10. La pièce J dans l'ouvrage de Tannery est ce qui reste d'une démonstration par induction du théorème fondamental de Galois par Galois, ce qui fait dire à Tannery qu'elle est antérieure à la démonstration du premier mémoire publiée par Liouville (Manuscrits de Évariste Galois, publié par Jules Tannery, Paris, 1908, Gauthier-Villars, Modèle:P.).
  11. Cette note de Galois est absente de la plupart des éditions des œuvres de Galois. C'est dans un feuillet détaché et à demi déchiré que Tannery a retrouvé un premier jet de la preuve de la proposition I (l'équivalent de ce qu'on appelle aujourd'hui le théorème de Galois), dont une partie sera réintroduite par Galois dans son premier mémoire. Le feuillet commence par la démonstration de la proposition dans le cas particulier où toutes les racines du polynôme sont fonctions rationnelles d'une seule d'entre elles, autrement dit, dans le cas où cette racine est un élément primitif du corps de décomposition du polynôme. Cette démonstration est d'ailleurs biffée, ainsi que les mots « Revenons au cas général ». Ensuite, Galois passe à la démonstration du cas général en utilisant le théorème de l'élément primitif. C'est au bas de ce feuillet que Galois a écrit la phrase citée. Voir les commentaires de Tannery dans Manuscrits de Évariste Galois, publié par Jules Tannery, Paris, 1908, Gauthier-Villars, Modèle:P..
  12. Modèle:En The Primitive Element Theorem sur le site mathreference.com.
  13. Modèle:Planetmath.
  14. Modèle:Harvsp.
  15. En caractéristique p, on a toujours Modèle:Nobr.
  16. Modèle:Harvsp.
  17. 17,0 et 17,1 Modèle:Harvsp.
  18. Modèle:Harvsp (lemme 5.3).
  19. Modèle:Neukirch1, 1999, Modèle:P. (lemme 10.4).
  20. Modèle:Ouvrage.
  21. Modèle:Serre3, Chap I § 6(Modèle:P.), Prop. 15 et 17.
  22. Des références sur ce sujet sont par exemple Modèle:Ouvrage, ou Modèle:Ouvrage. Des articles en lignes traitant de cette question sont par exemple Michael Decker, Monogenic field and power bases ou Yan Zhang, On Power Bases in Number Fields.
  23. Voir Le commentaire de KConrad sur MathOverflow.