Analyse harmonique non commutative

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L'analyse harmonique non commutative est une branche des mathématiques qui est parvenue à maturité vers la fin des années 1970 ; elle généralise l'analyse harmonique classique et consiste, comme cette dernière (qui remonte au Modèle:S-), à développer une fonction en composantes fondamentales. Elle a des applications dans de nombreux domaines : les équations aux dérivées partielles qui, avec leurs problèmes aux bords, ont des groupes de symétrie non commutatifs[1] ; la Mécanique quantique[2] ; récemment, les sciences de l'ingénieur (traitement d'images, robotique, chimie, théorie des systèmes dynamiques non linéaires, etc.)[3] ; la théorie des nombres (Modèle:Lien, groupes adéliques)[4]Modèle:,[5].

L'analyse harmonique, à ses débuts, considérait des fonctions périodiques et en réalisait la décomposition en série de Fourier. Une fonction périodique (de période 1, après normalisation) peut être considérée comme définie sur le tore 𝕋=/, et la théorie des groupes commutatifs localement compacts montre que l'« espace dual » du tore, sur lequel dont définis les coefficients de Fourier, est l'ensemble des entiers relatifs, qui est de nouveau un groupe abélien ; aussi les coefficients de Fourier d'une fonction périodique forment-ils une suite de nombres complexes. Réciproquement, quand on réalise la synthèse de Fourier, on passe par la « formule de Plancherel » des coefficients de Fourier, définis sur , à la fonction périodique dont ils sont issus, définie sur 𝕋 qui est le « dual » de .

Ceci est un cas particulier du théorème de dualité de Lev Pontryagin et Egbert van Kampen, qui montre que le « bidual » d'un groupe localement compact commutatif G s'identifie à G. D'autre part, on peut associer à une fonction définie sur la droite réelle sa transformée de Fourier, elle aussi définie sur , qui est son propre dual ; puis on peut faire l'opération inverse, par la formule de Plancherel. L'analyse harmonique consiste donc à associer à une fonction, définie sur un groupe topologique G (qu'on supposera être un groupe de Lie quand on voudra définir sur ce groupe, par exemple, la notion de dérivée), une autre fonction, définie sur l'« espace dual » G^ de ce groupe.

Celui-ci est défini comme étant l'ensemble des classes d'équivalence des représentations unitaires irréductibles de G ; lorsque G est un groupe « apprivoisé », par exemple un groupe de Lie semi-simple, cet espace est muni d'une « topologie naturelle » et d'une mesure « canonique », la mesure de Plancherel. Lorsque le groupe G est commutatif, ces représentations irréductibles s'identifient aux caractères de G ; G^ est alors de nouveau un groupe commutatif localement compact, et la mesure de Plancherel est la mesure de Haar sur G^ : ceci est lié au fait que, dans ce cas, toutes les représentations unitaires irréductibles de G sont de dimension (ou « degré ») 1.

Sur un groupe non commutatif, ce n'est plus le cas, et déjà sur un groupe fini ou compact non commutatif, les « coefficients de Fourier » d'une fonction, qui constituent la « cotransformée de Fourier » de cette fonction, sont des matrices. On peut encore définir les caractères comme étant les traces des représentations irréductibles : dans le cas d'un groupe compact, ce sont des traces au sens usuel (traces de matrices) ; dans le cas d'un groupe non compact, ce sont des traces dans un sens généralisé qui est fondé à la fois sur la notion d'opérateur à trace et sur celle de distribution (« caractères de Harish-Chandra »).

La « décomposition de Fourier » sur un groupe non commutatif non compact comporte une partie discrète, analogue aux coefficients de Fourier d'une fonction périodique : c'est la « série discrète » ; et une partie continue, analogue à la transformée de Fourier d'une fonction sur la droite réelle : c'est la « série principale ». La partie purement formelle de l'analyse harmonique non commutative peut être présentée assez simplement, par généralisations successives, en partant des développements en série de Fourier et de la transformation de Fourier sur la droite réelle puis sur un groupe commutatif, en envisageant ensuite le cas d'un groupe compact, enfin en montrant comment le « formalisme de Peter-Weyl » peut s'étendre au cas d'un groupe non compact.

En revanche, dès qu'on veut, comme l'a fait Harish-Chandra, dépasser le cadre purement formel et expliciter dans le cas général la formule de Plancherel, qui permet de réaliser la synthèse de Fourier à partir des caractères, l'analyse harmonique non commutative est « hérissée de difficultés conceptuelles » et « nécessite des moyens techniques considérables », suivant les expressions de Jean Dieudonné[6]. Le groupe SL2() des matrices carrées d'ordre 2 à coefficients réels et de déterminant 1 est le groupe non compact semi-simple de la plus petite dimension possible ; tout en restant relativement simple, il a une structure suffisamment riche pour donner un bon aperçu des points fondamentaux de la théorie générale[7].

Historique

Frigyes Riesz et Ernst Sigismund Fischer en 1907 pour les séries de Fourier, Michel Plancherel en 1910 pour la transformation de Fourier, ont démontré les théorèmes qui portent leur nom (théorème de Riesz-Fischer et théorème de Plancherel) et qui sont au cœur de l'analyse harmonique commutative, respectivement sur le tore et sur la droite réelle. Leur extension sur un groupe commutatif a été réalisée par Pontryagin et van Kampen dans les années 1934-1935[8]. L'analyse harmonique sur un groupe compact non commutatif a été établie par Hermann Weyl et son étudiant Fritz Peter en 1927[9]. Ces théories ont été réunies et simplifiées dans le livre d'André Weil publié en 1940[10], le théorème de Plancherel sur un groupe commutatif y trouvant sa forme générale.

Le passage aux groupes non compacts non commutatifs s'est effectué sur la base de nombreux travaux dont un thème commun est la théorie des représentations : il faut citer en premier lieu les travaux portant sur les représentations des groupes finis : ceux de Ferdinand Georg Frobenius qui a introduit la notion de caractère d'un groupe non commutatif fini en 1896 et a démontré l'orthogonalité de deux caractères irréductibles ; le livre classique de William Burnside sur les groupes finis, paru en 1911 ; les relations d'orthogonalité d'Issai Schur (1924). Il convient de mentionner aussi les nombreux travaux portant sur les groupes et algèbres de Lie, dont Élie Cartan, Hermann Weyl, Claude Chevalley comptent parmi les protagonistes les plus notoires. Datant des années 1940, les travaux d'Israel Gelfand et ses collaborateurs Mark Aronovitch Naïmark et Dmitrii Abramovich Raikov (algèbres stellaires, représentations unitaires irréductibles), de John von Neumann et Francis Joseph Murray (algèbres de von Neumann, sommes continues d'espaces de Hilbert) ; plus tard, vers la fin des années 1950 et le début des années 1960, ceux de François Bruhat (distributions sur un groupe localement compact et représentations des groupes p-adiques)[11]Modèle:,[12] et Jacques Dixmier (algèbres stellaires, algèbres de von Neumann, mesure de Plancherel)[13]. S'appuyant sur le notions créées par Claude Chevalley, Emil Artin et George William Whaples, les travaux d'André Weil et John Tate ont montré à partir des années 1950 que toute la théorie algébrique des nombres peut se présenter comme une application de l'analyse harmonique sur les groupes d'adèles et d'idèles de corps de nombres [4]Modèle:,[14].

On peut faire remonter les débuts de l'analyse harmonique non commutative proprement dite à 1947, lorsque Gelfand et Naïmark, étudiant le groupe SL2(), ont déterminé deux types de représentations irréductibles : celles constituant la « Modèle:Lien », associées aux sous-groupes diagonaux, et dont les caractères s'expriment grâce aux « Modèle:Lien », et celles constituant la « série complémentaire », ces dernières n'entrant pas dans la formule de Plancherel car elles y ont un poids nul. Toutes les représentations irréductibles sont de l'un ou l'autre de ces types. Ils ont généralisé ce résultat en 1950 à tous les groupes classiques complexes.

Mais en 1947 encore, Valentine Bargmann a mis en évidence dans le cas de SL2() un phénomène qui n'intervenait pas dans le cas complexe : l'existence d'une « série discrète », analogue à la « série de Fourier généralisée » de Peter-Weyl dans le cas d'un groupe compact, ainsi que des relations d'orthogonalité semblables à celles des caractères des séries de Fourier, de ceux de Frobenius-Schur et de ceux de Peter-Weyl. Entre 1950 et 1955, Irving Segal et Modèle:Lien ont établi le cadre formel général[15]Modèle:,[16]Modèle:,[17]. Mautner a montré en 1950 que le groupe SL2() est « apprivoisé » (on dit aussi « de type I ») et a émis la conjecture qu'il en est de même de tous les groupes de Lie semi-simples. Cette conjecture a été démontrée par Harish-Chandra l'année suivante (1951).

La théorie s'est ensuite orientée vers les calculs effectifs avec divers mathématiciens, dont Roger Godement, Atle Selberg (et sa formule des traces qui, obtenue en 1956, généralise la formule sommatoire de Poisson), et surtout Harish-Chandra. Ce dernier a explicité la formule de Plancherel pour SL2() en 1952 ; puis il s'est lancé dans un programme colossal, dont la réalisation a demandé un quart de siècle, visant à expliciter la formule de Plancherel des groupes semi-simples, puis des groupes réductifs généraux. Un passage obligé était l'étude approfondie de la série discrète[18], travail qui à lui seul était considérable ; cette étude a été reformulée, selon un point de vue différent, par Michael Atiyah et Wilfried Schmid en 1977 dans un article de synthèse[19]. L'aboutissement des travaux de Harish-Chandra a été publié entre 1970 et 1975[20]Modèle:,[21]. Le cas des groupes nilpotents a été étudié à partir des idées d'Alexandre Kirillov (« méthode des orbites ») qui ont mûri vers la même période[22]. Parmi les groupes résolubles non nilpotents, certains sont « apprivoisés », donc susceptibles de donner lieu à une analyse harmonique, d'autres non ; un critère obtenu par Louis Auslander et Bertram Kostant en 1967 permet de les distinguer.

Pour résumer en une courte phrase les travaux ci-dessus, on peut dire que la cotransformation de Fourier et la transformation de Fourier sont des opérations inverses l'une de l'autre de L2(G) sur L2(G^), G étant le groupe considéré, G^ son dual, et ces transformations étant in fine explicites ; c'est une généralisation du théorème de Plancherel. Parallèlement, Laurent Schwartz a généralisé ce théorème en 1948, dans une autre direction, celle de la transformation de Fourier des distributions tempérées : dans le cas où G=G^=n, le théorème de Plancherel reste valide si l'on remplace L2 par 𝒮, l'espace de Schwartz, ou son dual 𝒮, l'espace des distributions tempérées. Modèle:Lien et Friedrich Mautner, dans trois articles publiés entre 1955 et 1965, ont introduit la notion d'espace de Schwartz sur SL2() ; cette approche a ensuite été généralisée par Harish-Chandra entre 1966 et 1976 au cas où G est un groupe de Lie semi-simple réel, puis au cas où G est un groupe réductif réel ou p-adique[23]Modèle:,[24], faisant de l'« Modèle:Lien » et son dual le cadre naturel de l'analyse harmonique non commutative. Néanmoins, la formule de Plancherel pour les groupes p-adiques est moins explicite que pour les groupes réels[25] ; la classification des séries discrètes dans le cas p-adique reste un problème ouvert qui fait partie du programme de Langlands, et les applications de l'analyse harmonique non commutative à la théorie des nombres, qui ont commencé à se développer avec notamment Harish-Chandra, Armand Borel, Hervé Jacquet et Robert Langlands[26]Modèle:,[5]Modèle:,[27], restent un domaine dont l'exploration est loin d'être terminée.

Conventions et notations

Dans tout ce qui suit, sauf mention du contraire, espace topologique signifie espace topologique séparé, localement compact et séparable, groupe signifie groupe topologique métrisable, séparable, connexe, localement compact et unimodulaire, groupe de Lie signifie groupe de Lie réel métrisable, séparable, localement compact, connexe et unimodulaire, fonction signifie fonction à valeurs complexes ; les espaces de Hilbert sont tous complexes et séparables. Un opérateur dans un espace de Hilbert H est un endomorphisme continu de H dans lui-même ; l'ensemble de ces opérateurs est une algèbre (sur le corps des complexes) notée End(H). Un automorphisme de H (pour la structure d'espaces de Hilbert) est un élément uEnd(H) tel que u(α),u(β)=α,β pour tous α,βH ; l'ensemble de ces automorphismes est l'algèbre notée Aut(H). Soit X un espace topologique muni d'une mesure de Radon μ (ou soit (X,𝔗) un espace mesurable et μ une mesure « abstraite » sur 𝔗) ; quand il n'y a pas d'ambiguïté, et sauf mention du contraire, deux fonctions μ-mesurable sur X et égales μ-presque partout ne sont pas distinguées. L'espace vectoriel des fonctions continues sur X est noté 𝒞(X).

Représentations unitaires des groupes de Lie

La notion de représentation

Soit G un groupe et mG une mesure de Haar sur G (invariante à gauche et à droite, puisque G est unimodulaire). Une représentation unitaire de G dans un espace de Hilbert H est un morphisme de groupes U:GAut(H) tel que l'application GxU(x)fH est continue pour tout fH. La dimension de H (finie ou infinie) est appelée le degré de U. Toutes les représentations sont unitaires dans ce qui suit. Une représentation U est dite irréductible si tout sous-espace fermé non réduit à 0 de H et stable par U est nécessairement égal à H. Deux représentations U1:GH1 et U2:GH2 sont équivalentes s'il existe un isomorphisme d'espace de Hilbert T:H1H2 tel que U2(x)=TU1(x)T1 pour tout xG. La représentation triviale de G dans H est l'application constante gIdH. Une représentation scalaire U est un multiple scalaire de la représentation triviale, c'est-à-dire telle que U(x)=u(x)IdH, où u(x),xG. Les représentations régulières à gauche U de G sont celles pour lesquelles H=L2(G), l'espace de Hilbert des classes (modulo l'égalité mG-presque partout) de fonctions à valeurs complexes de carré intégrable sur G par rapport à mG, et U(x) est la translation à gauche γ(x)(γ(x)f)(y)=f(x1y) (fH,x,yG) ; cette représentation est évidemment unitaire. On définit de même la représentation régulière à droite δ(x), où (δ(x)f)(y)=f(yx) (fH,x,yG), et on peut raisonner sur l'une ou l'autre. Dans ce qui suit, « représentation régulière » signifie représentation régulière à gauche. Le problème central de l'analyse harmonique sur un groupe G (commutatif ou non) est, comme on va le voir, l'étude de la décomposition en composantes irréductibles de la représentation régulière de G. Le lemme de Schur ci-dessous est un résultat classique d'algèbre lorsque l'espace de Hilbert H est de dimension finie ; lorsque H est de dimension infinie, c'est une conséquence de la théorie spectrale de Hilbert[28] :

Modèle:Théorème

On conviendra dans ce qui suit de ne pas distinguer deux représentations équivalentes, pour ne pas compliquer la terminologie.

Un théorème dû à Gelfand et Raïkov montre que tout groupe G (localement compact) possède un système complet de représentations irréductibles, c'est-à-dire que pour tout élément xe, il existe un espace de Hilbert H et une représentation irréductible U:GAut(H) telle que U(x)IdH.

Sommes continues d'espaces de Hilbert

Soit Z un espace topologique, π une mesure sur Z[29], (Hz)zZ une famille d'espaces de Hilbert, et V=zZHz ; la famille (Hz)zZ est appelée un champ d'espaces de Hilbert, un élément f=(fz)zZfzHz,zZ est appelé un champ de vecteurs, un élément u=(uz)zZuzEnd(Hz),zZ est appelé un champ d'opérateurs. Le champ (Hz)zZ est dit π-mesurable s'il existe un sous-espace S de V tel que (i) pour tout champ de vecteurs ε=(εz)S, la fonction à valeurs réelles zεz est π-mesurable, (ii) si fV est tel que pour tout εS, la fonction zfz,εzHz est π-mesurable, alors fS, (iii) il existe dans V une suite (εi) de champs de vecteurs telle que pour tout zZ, la suite (εzi) soit totale dans Hz. S'il en est ainsi, un champ de vecteurs f est dit π-mesurable si pour tout i, la fonction zfz,εziHz est π-mesurable ; il est dit de carré intégrable (par rapport à π) s'il est π-mesurable et si

Zfz2dπ(z)<.

Les champs de vecteurs de carré intégrable forment un espace préhilbertien complexe K ; en quotientant par le sous-espace formé par les champs de vecteurs π-négligeables, on obtient un espace préhilbertien séparé H, et on peut montrer que H est complet, donc est un espace de Hilbert. C'est cet espace qui est appelé la somme continue du champ d'espaces de Hilbert (Hz)zZ[30]Modèle:,[28]. Il est noté

H=ZHzdπ(z).

Si Z est discret, cette somme continue est une somme hilbertienne et les Hz s'identifient canoniquement à des sous-espaces hilbertiens de H (ce qui est inexact, en général, si Z n'est pas discret).

Sommes continues de représentations

Soit maintenant G un groupe et (Uz)zZ une famille, chaque Uz étant une représentation unitaire de G dans l'espace de Hilbert Hz ; (Uz)zZ est appelée un champ de représentations unitaires. Si les fonctions zHzεi sont toutes mesurables, il existe une représentation unitaire unique U de G dans H telle que la relation g=Uf équivaut à gz=Uzfz,zZ. On dit alors que U est la somme continue des Uz et on écrit

U=ZUzdπ(z).

Si les Uz sont irréductibles, on a donc une décomposition de U en somme continue de représentations irréductibles. C'est le cas de la décomposition en série de Fourier et la transformée de Fourier, que nous allons rappeler maintenant, ces représentations irréductibles étant alors « scalaires ».

Transformation de Fourier sur un groupe commutatif

Séries de Fourier

Soit G=𝕋 le tore défini plus haut, H=L2(𝕋), et considérons la représentation régulière γ. On peut décomposer une fonction fH en série de Fourier :

f=n[f]nχn

χn est le « caractère » yei2πny (y𝕋), χn(y)=χn(y), les coefficients de Fourier [f]n sont donnés par

[f]n=𝕋χn(x)f(x)dx

et la série converge dans H. En notant [f] la suite ([f]n), on a [f]l2, et il vient

γ(x)f=nχn(x)[f]nχn.

On a (fχn)(x)=𝕋f(y)χn(xy)dy=χn(x)[f]n, et par conséquent, en posant Θn(f)=[f]n[31], on obtient la « formule de Plancherel »

f(x)=n(fχn)=nΘn(γ(x)f).

L'espace de Hilbert H se décompose en la somme hilbertienne nχn et (χn) est une base hilbertienne de H. Soit Hn=χn ; c'est un sous-espace hilbertien de dimension 1 de H (avec le produit scalaire habituel dans ), et si fHn, on a γ(x)f=χn(x)f. La restriction de γ à Hn est donc une représentation irréductible de degré 1, dite « scalaire », à savoir la multiplication par χn. On écrira donc γ=nχn. On peut encore noter H et γ par les intégrales respectives Hndm(n) et χndm(n)m est la mesure définie par m(n)=1 (c'est-à-dire la mesure de Haar normalisée sur ). Le groupe G^ des caractères est isomorphe à et peut donc lui être identifié. Comme on va le voir plus loin, est le « dual » du groupe 𝕋 ; on peut récrire ce qui précède en notant x^ au lieu de n l'élément générique de 𝕋. En notant f2 la norme de f dans L2(𝕋) et [f]2 la norme de la suite [f] dans l2, l'égalité de Parseval (ou de Bessel-Parseval)[32] s'écrit f22=[f]22.

On appelle cotransformation de Fourier la correspondance :f[f].

Transformées de Fourier

Soit G=, H=L2(), et U la représentation régulière de G. Soit fL2 une fonction suffisamment régulière (ce qui sera précisé plus loin). Sa transformée de Fourier est donnée par

[f]:νχν(x)f(x)dx

dx est la mesure de Lebesgue, χν est le « caractère » yei2πνy, χν(x)=χν(x) et l'intégrale converge dans H. On a cette fois

[γ(x)f](ν)=χν(x)[f](ν)

et par transformée de Fourier inverse

f(x)=χν(y)[f](ν)dν.

En posant Θν(f)=[f](ν), on appellera formule de Plancherel l'expression équivalente

f(x)=Θν(γ(x)f)dν.

Soit Hν=χν l'espace de Hilbert de dimension 1 engendré par χν. Alors H s'identifie à l'ensemble des fonctions (ou, plus exactement, des classes de fonctions modulo l'égalité presque partout) f^ de carré intégrable telles que f^(ν)Hν,ν. Si fHν, on a γ(x)f=χν(x)f. La situation est donc semblable à la précédente (si ce n'est qu'au lieu de la cotransformation de Fourier on a considéré cette fois la transformation de Fourier) : la représentation régulière γ se décompose en représentations irréductibles Uν dans les espaces Hν, et Uν(x)f=χν(x)f. L'espace de Hilbert H est la somme continue des espaces de Hilbert Hν et γ est la somme continue des « représentations scalaires » (évidemment irréductibles) Uν relativement à la mesure de Lebesque. À la différence de ce qui précède, les Hν ne sont pas des sous-espaces de H. On écrit donc H=Hνdν et γ=Uνdν. L'égalité de Parseval s'écrit f22=[f]22.

Transformation de Fourier sur un groupe commutatif

Considérons un groupe commutatif G noté multiplicativement, dont l'élément unité est noté e, et sur lequel on a défini une mesure de Haar mG[28]. Soit 𝐔 le groupe multiplicatif des nombres complexes de module unitaire. Un caractère unitaire de G est un morphisme de groupes topologiques de G dans 𝐔. Dans ce qui suit, « caractère » signifie caractère unitaire. L'ensemble des caractères de G forme un groupe multiplicatif et commutatif, noté G^ et appelé le groupe dual de G. Ce groupe est muni de la topologie de la Modèle:Lien, ce qui en fait un groupe topologique localement compact ; il est muni d'une mesure de Haar mG^, unique à la multiplication près par un réel positif. On a χ(x1)=χ(x) pour tout xG car χ(x1)χ(x)=1 et |χ(x)|=1.

Pour xG et x^G^, notons x^,x le nombre complexe x^(x). La transformée de Fourier d'une fonction fL1(G) (où L1(G) désigne l'espace de Banach des fonctions intégrables sur G) est donnée par

[f](x^)=Gx^,xf(x)dmG(x).

Les propriétés suivantes découlent de calculs simples et vont être utiles : soit de nouveau, pour fL2(G), γ(x)f (xG) la translatée à gaucheyf(x1y) ; puisque la mesure de Haar dmG est invariante par translation, on a, si fL1(G)L2(G)

[γ(x)f](x^)=x^,x[f](x^).

Par ailleurs, si f,gL1(G), alors leur convolée fg:xGf(y)g(y1x)dmG(y) est encore dans L1(G), et on a

[fg]=[f][g].

En désignant par f~ la fonction xf(x1), on a [f~]=[f].

Le théorème de Plancherel montre que si fL1(G)L2(G), alors [f]L2(G^). On peut choisir de manière unique la mesure de Haar dmG^ de façon que la transformée de Fourier se prolonge en une isométrie de L2(G) sur L2(G^). Cette mesure de Haar dmG^ est dite associée à la mesure de Haar dmG. En conséquence :

Modèle:Théorème

Soit alors f,gL1(G)L2(G) et h=γ(x)(fg~), d'où h(x)=(fg~)(e) et [h](x^)=x^,x[fg~](x^), soit encore [fg~](x^)=x^,x[h](x^). On peut écrire l'égalité de Parseval sous la forme

(fg~)(e)=G^[f](x^)[g](x^)dmG^(x^) ;

de plus, on a

[fg~](x^)=[f](x^)[g~](x^)=[f](x^)[g](x^).

On obtient de la sorte le résultat suivant, où A(G) désigne le sous-espace vectoriel de L1(G) engendré par les fonctions fg~ (f,gL1(G)L2(G)) :

Modèle:Théorème

On peut maintenant énoncer l'un des résultats les plus importants de l'analyse harmonique sur un groupe commutatif[33] :

Modèle:Théorème

Posons alors, comme plus haut, Θx^(f)=[f](x^) ; avec ces identifications on obtient la formule de Plancherel, valide pour toute fonction fA(G) :

f(x)=G^Θx^(γ(x1)f)dmG^(x^).

On a montré plus haut comment cette formule se déduit de l'égalité de Parseval. Inversement, l'égalité de Parseval de déduit de cette formule en posant f=gh~(g,hL1(G)L2(G)) et x=e. La formule de Plancherel est donc essentiellement équivalente à l'égalité de Parseval.

Interprétation en termes de sommes de représentations irréductibles

Soit H=L2(G), γ la représentation régulière de G, Hx^ l'espace de Hilbert de dimension 1 engendré par le caractère x^, et Ux^ la représentation « scalaire » de G dans Hx^ définie par Ux^f=x^,xf puisque pour x,yG,x^G^,

x^,x1y=x^,x1x^,y=x^,xx^,y.

L'espace de Hilbert H s'identifie (via la transformation de Fourier) à l'ensemble des fonctions f^L2(G^) telles que f^(x^)Hx^,x^G^. Par conséquent, H s'identifie à la somme continue d'espaces de Hilbert G^Hx^dmG^(x^), et γ s'identifie à la somme continue de représentations scalaires G^Ux^dmG^(x^). Le résultat suivant, qu'on peut déduire directement du lemme de Schur, reformule partiellement le théorème de dualité de Pontryagin-van Kampen :

Modèle:Théorème

Cotransformation de Fourier sur un groupe compact

L'analyse harmonique sur un groupe compact G généralise le développement en série de Fourier d'une fonction périodique, lequel correspond au cas où G est le tore 𝕋. Tout groupe compact est unimodulaire ; la mesure de Haar mG est normalisée, de sorte que mG(G)=1. Si f,gL2(G), alors fg est une fonction continue sur G ; et puisque 𝒞(G)L2(G), l'espace de Hilbert H=L2(G) est une algèbre de convolution ; c'est donc une algèbre hilbertienne (voir ci-dessous) munie de l'involution ff~:xfˇ(x)fˇ:xf(x1).

Algèbres hilbertiennes

Une algèbre hilbertienne H est une algèbre involutive (i.e. munie d'une involution ff~) et d'un produit scalaire vérifiant (ainsi que d'autres propriétés) f,g=g~,f~,f,gH. Une telle algèbre, quand elle est complète, est la somme hilbertienne d'un ensemble dénombrable de sous-algèbres 𝔞n:

H=n𝔞n

où chaque 𝔞n est simple (i.e. ses seuls idéaux bilatères fermés sont 0 et 𝔞n) et est un idéal bilatère minimal de H (i.e. tout idéal bilatère de H, inclus dans 𝔞n, est égal à 𝔞n). Les 𝔞n s'annulent mutuellement (i.e. si f𝔞n, f𝔞n, nn, alors ff=0, en dénotant par le produit dans H). Chaque 𝔞n est la somme hibertienne d'idéaux à gauche minimaux j(n) (jJn, où Jn est un ensemble dénombrable d'indices) deux à deux isomorphes et orthogonaux, et j(n)=𝔞nej(n) où les ej(n) sont des idempotents (i.e. ej(n)ek(n)=δjkej(n)) autoadjoints (i.e. stables par l'involution) minimaux.

Théorème de Peter-Weyl

Modèle:Théorème

Soit (aj(n))1jp(n) une base hilbertienne de 1(n) telle que aj(n)ej(n)𝔞ne1(n) et mjk(n)=γnaj(n)ak(n)~γn est un coefficient normalisateur. Les mjk(n) sont les coefficients de Mn ; ils sont autoadjoints et, pour j fixé, forment une base orthonormale de j(n). Quand j, k et n varient, les mjk(n) forment une base hilbertienne de L2(G). On a les relations

Mn(xy)=Mn(x)Mn(y),Mn(x1)=(Mn(x))

(où (.) est la transposée-conjuguée) qui entraînent que Mn(x) est unitaire. De plus, l'application xMn(x) est continue et est donc une représentation (unitaire continue) de G dans d(n) (muni du produit hermitien habituel). Les représentions Mn sont donc les représentations irréductibles ; leur ensemble, qui est dénombrable, est noté G^, et l'élément générique de G^ est noté x^. On écrira dans ce qui suit (x^(x))=x^(x). Le caractère associé à x^ est Θx^=Tr(x^), où Tr désigne la trace ; ceci généralise la notion de caractère d'une représentation d'un groupe fini. Soit F(G^)=x^G^d(x^)×d(x^) (où d(x^) est l'ordre de la matrice x^).

Modèle:Théorème

Les deux égalités suivantes sont immédiates :

[fg]=[f].[G], et [γ(x)f]x^=x^(x)[f]x^.

Théorème de Plancherel-Peter-Weyl

Soit L2(G^) la somme hilbertienne des espaces de Hilbert d(x^)×d(x^) : L2(G^) est l'espace des familles Φ=(Φx^)F(G^) telles que x^G^Φx^22<, muni du produit scalaire

Φ,ΨL2(G^)=x^d(x^)Tr{Φx^Ψx^}.

Ci-dessous, on notera une famille comme une fonction. Le produit scalaire dans L2(G) est dans ce qui suit

f,gL2(G)=Gf(x)g(x)dmG(x).

Modèle:Théorème

On inverse la cotransformation de Fourier à partir de l'égalité de Parseval en procédant comme dans le cas commutatif, mutatis mutandis, c'est-à-dire en posant f=γ(x)(g~h), g,hL2(G). En définissant A(G) comme plus haut, on obtient de cette façon, pour toute fonction fA(G) et tout xG

f(x)=x^G^d(x^)Tr{x^(x)[f](x^)}.

Modèle:Théorème

Remarque

La transformation de Fourier sur L1(G) ou L2(G) n'est pas compatible avec le produit de convolution dans le cas non commutatif. En effet, supposons qu'on définisse

[f]x^=Gx^(x)f(x)dmG(x).

On obtient alors [fg]=[g][f], « dont personne ne veut »[28].

Cotransformation de Fourier sur un groupe de Lie

Formule de Plancherel abstraite

Algèbres de von Neumann

Soit H un espace de Hilbert. Une algèbre 𝒜End(H) est une algèbre de von Neumann si elle est stable pour l'involution de End(H) (c'est-à-dire si elle est autoadjointe) et faiblement fermée. Sa norme vérifie u2=uu=uu, et c'est donc une algèbre stellaire. On désigne par 𝒜+ l'ensemble des opérateurs u autoadjoints positifs (on écrira u0) de 𝒜. Une trace (au sens de von Neumann) sur une algèbre de von Neumann 𝒜 est une application Tr:𝒜+[0,+] telle que

Tr{u+v}=Tr{u}+Tr{v}, Tr{λu}=λTr(u)(λ+)

où l'on convient que 0.(+)=0, et

Tr{uu}=Tr{uu} (u,v𝒜).

Une trace est dite finie si elle ne prend que des valeurs finies dans 𝒜+ ; on la prolonge alors à 𝒜 d'une manière évidente. Elle est dite semi-finie si pour tout u𝒜+

Tr{u}=sup{Tr{v}:0vu,Tr{v}<+}.

Une algèbre de von Neumann est dite finie (resp. semi-finie) si pour tout u𝒜+, u0, il existe une trace finie (resp. semi-finie) Tr telle que Tr{u}0. Une trace non triviale est une trace qui n'est pas identiquement nulle.

Une algèbre de von Neumann est un facteur si son centre se réduit aux opérateurs scalaires (et est donc isomorphe à ). Sur un facteur, une trace non triviale est unique (à la multiplication près par une constante) si elle existe. Les facteurs pour lesquels il n'existe pas de trace non triviale sont dits de type III : ce cas est pathologique. Les autres (auxquels on se restreindra désormais) sont dits de type I ou II. Parmi les facteurs finis, il y a les algèbres de matrices 𝐌n() ; ces facteurs sont dits de type In. Parmi les facteurs semi-finis non finis, il y a les algèbres End(H)H est un espace de Hilbert de dimension infinie ; ces facteurs sont dits de type I. Un facteur de type In ou de type I est dit de type I. Les facteurs qui ne sont ni de type I, ni de type III, sont dits de type II.

Un élément u𝒜 est dit de Hilbert-Schmidt relativement à une trace Tr si Tr{uu}<. La norme de Hilbert-Schmidt d'un tel opérateur est u2=Tr{uu}.

Théorème de Plancherel-Mautner-Segal

Soit G un groupe, H=L2(G), γ la représentation régulière de G dans H et 𝒜 l'algèbre de von Neumann engendrée par les γ(x)H,xG. Il découle d'un théorème de Mautner, démontré à partir du lemme de Schur, qu'on peut décomposer γ suivant une somme continue

γ=ZUzdπ(z),L2(G)=ZHzdπ(z),

(Z,π) est un espace mesuré, chaque Uz est une représentation de G dans Hz, Uz𝒜z, où chaque 𝒜z=End(Hz) est un facteur de type I (resp. II), muni d'une trace non triviale Trz (unique à la multiplication près par un coefficient >0) ; les représentations Uz sont dites factorielles de type I (resp. II). Soit, pour fL2(G)L1(G)

[f](z)=GUz(x)f(x)dmG(x).

Cet opérateur et borné pour tout zZ et [f]F(Z)F(Z)=zZ𝒜z.

Modèle:Théorème

Soit L2(Z) la somme continue des espaces de Hilbert 𝒜z : L2(Z) est l'espace des familles π-mesurables Φ=(Φx^)F(Z) telles que ZΦz22dπ(z)< (où Φz2 est la norme de Hilbert-Schmidt relativement à la trace Trz) muni du produit scalaire

Φ,ΨL2(Z)=ZTrz{ΦzΨz}dπ(z).

Le produit scalaire dans L2(G) est défini comme dans le cas d'un groupe compact. Par densité de L2(G)L1(G) dans L2(G), on obtient le résultat suivant[34]Modèle:,[17] :

Modèle:Théorème

Ce théorème implique évidemment que si fL2(G), alors [f](z)2< π-presque partout.

L'égalité de Parseval permet d'inverser la cotransformation de Fourier (et de définir ainsi la transformation de Fourier) en suivant la même méthode que celle qui a été utilisée sur un groupe commutatif, puis sur un groupe compact[17] ; en définissant A(G) comme plus haut, on obtient :

Modèle:Théorème

Le même raisonnement que dans le cas commutatif montre que l'égalité de Parseval et la formule de Plancherel sont équivalentes.

Cas des « groupes apprivoisés »

Ce qui précède est tout à fait général, les représentations factorielles Uz pouvant être de type I ou II. Néanmoins, les représentations de type II présentent des caractères pathologiques ; en particulier, elles admettent des décompositions en représentations irréductibles non équivalentes, ce qui ne peut pas se produire avec les représentations de type I.

Un groupe G est dit de type I, ou « apprivoisé » (terminologie de Kirillov[22]), si toutes ses représentations factorielles sont de type I. La classe des groupes apprivoisés contient celle des groupes commutatifs, des groupes compacts, des groupes (réels, complexes ou p-adiques) réductifs (et en particulier des groupes de Lie semi-simples) et des groupes de Lie nilpotents. En revanche, il existe des groupes de Lie résolubles et des groupes discrets non commutatifs qui ne sont pas apprivoisés (et sont donc « sauvages »).

Sur un groupe apprivoisé, les représentations factorielles sont irréductibles. En identifiant deux représentations irréductibles équivalentes, l'espace mesuré (Z,π) s'identifie donc avec (G^,mG^), l'espace dual du groupe G. Les opérateurs f^(z) ci-dessus sont alors des Modèle:Lien au sens usuel, leur trace a sa signification habituelle, et mG^ est appelée la mesure de Plancherel. Dans le cas où G est compact, le théorème de Plancherel-Mautner-Segal se réduit à celui de Plancherel-Peter-Weyl, les espaces Hz=Hx^ étant alors de dimension finie, G^ étant discret, π({x^}) étant la dimension d(x^) de Hx^, et les f^(z) étant des matrices carrées d'ordre d(x^).

Théorie de Harish-Chandra

Caractères de Harish-Chandra

Soit G un groupe apprivoisé, par exemple un groupe de Lie semi-simple. Les représentations irréductibles de G ne sont pas de dimension finie en général ; la définition des caractères qui a été donnée à propos des groupes compacts n'est donc plus valide, puisque chaque x^(x) est un opérateur unitaire dans un espace de Hilbert de dimension infinie, et n'admet donc pas de trace. Soit 𝒟(G) l'espace des fonctions indéfiniment dérivables sur G et à support compact, muni de sa topologie habituelle en théorie des distributions. Si f𝒟(G),

[f](x^)=Gx^(x)f(x)dmG(x)

est un opérateur à trace.

Modèle:Théorème

On peut se contenter d'évaluer la formule de Plancherel en x=e. Elle peut alors s'interpréter comme un développement sur l'espace dual de la distribution de Dirac :

δ=G^Θx^dmG^(x^).

Sous-groupes de Cartan, séries discrète et principale

Soit G un groupe de Lie, qu'on supposera semi-simple dans tout ce qui suit. Les représentations irréductibles forment trois « séries ». Les deux qui interviennent dans la formule de Plancherel sont les « séries tempérées ». L'autre, qui donne lieu à des termes globalement de mesure de Plancherel nulle, est la « série complémentaire » ; sa détermination exhaustive dans le cas général reste un problème ouvert, et les deux séries tempérées sont les plus importantes. Un sous-groupe de Cartan est un sous-groupe abélien maximal. Il existe un nombre fini de classes de conjugaison de ces sous-groupes, et chacun d'eux est de la forme T×AT est compact et A est isomorphe à n pour un certain entier n. La série discrète existe si, et seulement s'il existe des sous-groupes de Cartan compacts ; les représentations irréductibles x^G^ de cette série se caractérisent par le fait que mG^({x^})>0, et leur caractère est analogue à celui obtenu pour les groupes compacts par Peter et Weyl ; les représentations irréductibles de la série discrète ont, comme dans le cas compact, un degré fini, appelé « degré formel », d(x^). Les caractères des représentations irréductibles sont intégrés dans la série principale par rapport à une mesure absolument continue (par rapport à la mesure de Lebesgue) dont la densité est appelée « fonction de Plancherel ».

Dans le cas de SL2(), il existe deux classes de conjugaison de sous-groupes de Cartan. L'une d'entre elles, à laquelle sera associée la série discrète, est constituée de groupes compacts isomorphes à 𝕋 :

T={(cosθsinθsinθcosθ):θ2π𝕋}.

L'autre, à laquelle sera associée la série principale, est constituée de groupes isomorphes à (en passant par le logarithme) :

A={(a00a1):a>0}.

Formule de Plancherel-Harish-Chandra

L'aboutissement des travaux de Harish-Chandra est la formule de Plancherel « explicite », dont la démonstration prend près de 250 pages[21] et qui s'écrit pourtant sous une forme concise[35] :

Modèle:Théorème

La première sommation s'effectue sur un ensemble de représentants H=T×A des classes de conjugaison des sous-groupes de Cartan de G (avec la notation introduite plus haut). La seconde correspond à la série discrète, dont les éléments x^T^ ont pour degré formel d(x^). Les Θ(H,x^;ν) sont les caractères de Harish-Chandra. Enfin, μ(H,x^;.) est la fonction de Plancherel et dν est la mesure de Lebesgue. L'avantage de la formule de Plancherel-Harish-Chandra sur la formule de Plancherel abstraite est qu'au lieu que l'intégration soit réalisée par rapport à la mystérieuse mesure de Plancherel, elle consiste maintenant en une somme discrète plus une intégration par rapport à la mesure de Lebesgue.

Dans le cas de SL2(), la formule de Plancherel-Harish-Chandra s'écrit :

f(e)=n|n|Θ(T;n)(f)++14+Θ(A,0;ν)(f)th(πν2)dν+14+Θ(A,1;ν)(f)coth(πν2)dν.

Le premier terme est la série discrète, dont l'élément (i.e. la représentation irréductible) d'indice n a pour degré formel |n| ; les deux suivants constituent la série principale. Les Θ(A,ε;ν)(ε=0,1) sont les caractères de Harish-Chandra, νth(πν2) et νcoth(πν2) sont les deux fonctions de Plancherel (l'une ou l'autre étant utilisée suivant la valeur de ε). On montre qu'il existe en outre deux séries complémentaires.

Notes et références

Notes

Modèle:Références

Références

Deux ouvrages difficiles qui se complètent. Analyse harmonique non commutative et théorie des nombres. Recueil de textes de conférences données par d'éminents spécialistes, beaucoup d'entre elles proposant des synthèses.

Algèbres normées, en particulier stellaires, et transformation de Fourier sur un groupe commutatif.

Cotranformation de Fourier sur un groupe compact.

Présentation synthétique de la théorie formelle.

Applications aux sciences de l'ingénieur.

Théorie spectrale de Hilbert (t. 2), des représentations (t. 5), des fonctions sphériques et de l'analyse harmonique commutative (t. 6). Sur un groupe compact, Dieudonné utilise (§ XXI.4) la transformation (et non la cotransformation) de Fourier, d'où l'incompatibilité (passée sous silence) avec le produit de convolution.

Deux ouvrages qui « dominent le sujet » (Dieudonné dixit) et comportent chacun plus de 1000 références. Algèbres de von Neumann, mesure de Plancherel.

État des connaissances concernant l'analyse harmonique sur les groupes p-adiques, au travers de textes de conférences données par des spécialistes éminents. Pour un lecteur connaissant déjà bien l'analyse harmonique non commutative « classique ».

Initiation aux notions de base, par l'un des créateurs de la théorie (l'analyse harmonique non commutative n'est pas abordée).

Les contributions essentielles de Harish-Chandra.

Bon résumé des contributions essentielles de Harish-Chandra.

Théorie des représentations, introduction à la mesure de Plancherel, par l'un de des principaux créateurs de l'analyse harmonique non commutative (mais cette dernière n'est pas exposée).

L'étude de SL2() est une des meilleures approches pour commencer à étudier de manière sérieuse l'analyse harmonique non commutative. Lang a écrit ce livre pour maîtriser lui-même le sujet « because of the obvious connection with number theory, principally through Langland's conjecture relating representation theory to elliptic curves ».

Ouvrage ayant eu un grand rôle historique.

Les principaux résultats de la thèse de J. Tate sont exposés sous une forme actualisée au chapitre XIV de : Modèle:Ouvrage.

Ouvrage difficile, orienté vers les applications de l'Analyse harmonique non commutative aux équations aux dérivées partielles.

Ouvrage difficile, pour une étude approfondie.

L'un des livres (avec celui de Serge Lang) par lesquels on peut conseiller de commencer l'étude de l'analyse harmonique non commutative.

Cet ouvrage a joué un rôle historique considérable.

Livre essentiel (c'est en cela qu'il est « basic ») sur la fonction zêta, la fonction L de Dirichlet, la transformation de Fourier sur les anneaux d'adèles, la théorie des corps de classes. Où il est montré que l'analyse harmonique est un moyen très efficace de présenter la théorie algébrique des nombres.

Une des principales contributions de Hermann Weyl ; présentation détaillée la théorie des représentations des « groupes classiques » compacts.

Voir aussi


Modèle:Palette Traitement du signal

Modèle:Portail

  1. Modèle:Harvsp
  2. Modèle:Harvsp
  3. Modèle:Harvsp
  4. 4,0 et 4,1 Modèle:Harvsp
  5. 5,0 et 5,1 Modèle:Harvsp
  6. Modèle:Harvsp, t. 6, p. 2.
  7. Modèle:Harvsp
  8. Modèle:Harvsp
  9. Modèle:Harvsp
  10. Modèle:Harvsp
  11. Modèle:Harvsp
  12. Modèle:Harvsp
  13. Modèle:Harvsp
  14. Modèle:Harvsp
  15. Modèle:Harvsp
  16. Modèle:Harvsp
  17. 17,0 17,1 et 17,2 Modèle:Harvsp
  18. Modèle:Harvsp
  19. Modèle:Harvsp
  20. Modèle:Harvsp
  21. 21,0 et 21,1 Modèle:Harvsp
  22. 22,0 et 22,1 Modèle:Harvsp
  23. Modèle:Harvsp
  24. Modèle:Harvsp
  25. La formule de Plancherel pour un groupe p-adique et sa démonstration, telle qu'établie mais non publiée par Harish-Chandra, figurent dans Modèle:Harvsp.
  26. Modèle:Harvsp
  27. Modèle:Harvsp
  28. 28,0 28,1 28,2 et 28,3 Modèle:Harvsp
  29. L'espace topologique Z peut ne pas être localement compact ni même séparé, et π être une mesure borélienne.
  30. Modèle:Harvsp, première partie, chap. 1.
  31. Ce symbole Θn(f) est ici inutilement redondant, mais sur un groupe non commutatif (voir infra) Θn(f) se définit comme la trace de [f]n.
  32. La terminologie est très variable suivant les auteurs. Bessel est souvent invoqué pour l'inégalité i|xi|2x2x est un élément d'un espace préhilbertien H et les xi sont ses coordonnées ; cette inégalité devient l'égalité de Parseval dans le cas où H est un espace de Hilbert. Dans le cas où H=L2, cette égalité est appelée soit égalité de Parseval, soit égalité de Plancherel. Pour ce qui suit, il est néanmoins préférable de distinguer l'égalité de Parseval et la formule de Plancherel, bien qu'elles soient équivalentes.
  33. Modèle:Harvsp
  34. Modèle:Harvsp
  35. Les notations utilisées sont celles de Modèle:Harvsp